Livre de Marshall Rosenberg sur la CNV et l’Éducation des enfants.
Highlights
La Communication NonViolente (CNV) est un mode d’expression qui facilite la communication nécessaire pour échanger des informations et résoudre des différends dans un climat de paix. Elle nous aide à identifier nos valeurs et nos besoins réciproques, nous encourage à utiliser un langage qui favorise l’élan du cœur plutôt qu’un langage qui contribue au ressentiment ou diminue l’estime de soi.
“La CNV concentre notre attention sur l’enrichissement de la vie plutôt que sur la peur, la culpabilité, le reproche ou la honte. Elle nous motive à assumer la responsabilité de nos choix et à améliorer la qualité de nos relations. Elle est efficace même lorsque la personne ou le groupe en face de nous ne connaît rien du processus.”
La CNV repose sur les principes suivants :
- Nous essayons tous, simplement, de faire en sorte que nos besoins soient satisfaits.
- Nous sommes mieux « nourris » si nous savons comment satisfaire ces besoins par la coopération plutôt que par la compétition.
- L’être humain prend naturellement plaisir à contribuer au bien-être de l’autre lorsqu’il peut le faire avec élan.
Grâce à la CNV, nous pouvons :
- Créer des relations humaines plus enrichissantes.
- Satisfaire nos besoins par des moyens qui honorent et respectent nos valeurs et celles des autres.
- Guérir d’expériences et de relations passées qui ont été douloureuses ou malheureuses.
La pratique de la CNV nous aidera à :
- Dissiper nos sentiments de culpabilité, de honte, de peur et de dépression.
- Transformer la colère ou la frustration en un élan qui aboutira à la coalition et à la coopération.
- Trouver des solutions fondées sur la sécurité, le respect mutuel et le consensus.
- Satisfaire les besoins fondamentaux de la personne, de la famille, de l’école, de la collectivité et de la société par des moyens qui enrichissent la vie.
J’aimerais tout d’abord attirer votre attention sur le danger que présente le mot enfant, à partir du moment où la qualité de respect que nous accordons à une personne varie selon qu’elle porte ou non cette étiquette. Permettez-moi de vous expliquer ce que j’entends par là.
Lors des ateliers pour parents que j’anime depuis des années, je commence souvent par séparer le groupe en deux. Je propose aux deux groupes de se réunir dans deux pièces différentes et je demande aux personnes d’écrire sur une grande feuille de papier un dialogue conflictuel entre elles-mêmes et quelqu’un d’autre. J’explique de chaque côté en quoi consiste le conflit, avec l’unique différence que le premier groupe est en conflit avec un enfant et l’autre avec un voisin.
Ensuite, tout le monde se rassemble et nous lisons les différents dialogues écrits dans les deux groupes, l’un pensant qu’il a affaire à un enfant et l’autre à un voisin. (Je ne donne pas l’occasion aux deux groupes de discuter entre eux et ils pensent donc travailler sur le même cas de figure.)
Après leur avoir laissé le temps de découvrir leurs dialogues respectifs, je leur demande s’ils constatent une différence du point de vue du respect et de la compassion dont ils ont fait preuve.
Chaque fois que j’ai proposé cet exercice, il s’est avéré que le groupe travaillant la situation de conflit avec un enfant communiquait avec moins de respect et de compassion que celui en conflit avec un voisin. Les participants font ainsi la triste constatation qu’il est très facile de déshumaniser quelqu’un par le simple fait qu’on le perçoit comme « son enfant ».
Je ne suggère pas de renoncer à utiliser el terme enfant comme raccourci pour désigner une per- sonne appartenant àune certaine tranche d’âge. Ce que ej note ici, c’est combien des étiquetes comme celle-ci nous empêchent de voir l’autre comme un être humain et combien notre culture nous conduit à oublier l’humanité des enfants !
On ma’ appris à penser que el rôle d’un parent était de veiler à ce que les enfants soient bien élevés. Dans ma culture et mon éducation, dès l’instant où vous vous définissez comme une autorité - enseignant ou parent - il est de votre responsabilité de faire en sorte que les personnes portant l’étiquette «enfant »ou «élève »se com- portent d’une certaine manière.
(Effet de réactance)
Je comprends maintenant combien cet objectif est voué à l’échec: j’ai constaté que chaque fois que notre objectif consiste à amener une per- sonne à adopter un comportement quelconque, li est très probable qu’elle sy’ opposera, quoi que nous lui demandions et quel que soit son âge.
En cherchant à obtenir des autres qu’ils nous donnent ou qu’ils fassent ce que nous voulons, nous menaçons leur autonomie, leur liberté de choix. Et quand une personne sent qu’elle est privée de sa liberté de choix, il y a des chances qu’elle résiste, même si ele comprend les raisons de notre demande et y accéderait volontiers en temps normal.
Notre besoin de protéger notre autonomie est tellement fort que, si nous sentons que l’autre acete seule idée en tête, qu’il agit comme s’il savait ce qui est el mieux pour nous et qu’il ne nous laisse pas el choix de notre compor- tement, alors nous résistons d’autant plus.
Pas de réel contrôle pour le parent
Je serai éternellement reconnaissant à mes enfants de m’avoir montré les limites auxquelles on se heurte quand on cherche à faire faire quelque chose à quelqu’un. Ils m’ont d’abord appris qu’il était impossible de les obliger à faire quoi que ce soit. Je ne pouvais pas les obliger à remettre un jouet dans sa boîte. Je ne pouvais pas leur impo- ser de faire leur lit. Je ne pouvais pas les forcer à manger. Pour le parent que j’étais, ce fut une fameuse leçon d’humilité que de comprendre mon manque de pouvoir, car ej m’étais mis dans la tête que le rôle d’un parent était de contrôler le comportement de ses enfants.
Et voilà que, tout jeunes déjà, ils me donnaient cette leçon d’humilité en me montrant que je ne pouvais pas les obliger à faire quoi que ce soit ! Le seul pouvoir que j’avais, c’était de leur faire regretter de ne pas m’avoir obéi.
La contrainte amène à la violence et au conflit
Chaque fois qu’il m’est venu l’idée stupide de leur faire payer leur désobéissance, ils m’ont appris une deuxième leçon sur al parentalité et le pouvoir, qui m’a été très précieuse au fil des années lorsque je me vengeais sur eux, ils se vengeaient sur moi de m’être vengé sur eux, et el cycle de la violence s’enclenchait.
Mes enfants m’ont appris que toute utilisation de la contrainte entraînait à coup sûr une résistance de leur part, qui pouvait nous conduire à une relation conflictuelle. Je ne veux avoir ce genre de relation avec personne, et surtout pas avec les êtres qui me sont le plus proches et dont j’ai la charge. Ainsi, mes enfants sont les derniers avec lesquels je veux entrer dans le jeu de la contrainte, dont la punition fait partie
Notre société favorise la punition, la contrainte et la vengeance
Notons que la plupart des parents sont très favorables à l’usage de la punition. Des études indiquent qu’environ 80 % des parents amé- ricains croient fermement dans les vertus de la punition corporelle pour les enfants. Environ le même pourcentage de la population est en faveur de al peine de mort pour les criminels.
L’idée que la punition est une nécessité est proondément ancrée chez nombre de parents. Ils ne peuvent imaginer aucune autre manière d’agir lorsque les enfants ont un comportement susceptible de faire du tort aux autres ou à eux-mêmes. Ils n’arrivent pas à concevoir d’autres solutions que la permissivité ou une forme quelconque de punition.
Malheureusement, nous obtenons souvent plus de soutien de notre entourage lorsque nous punissons et jugeons nos enfants que lorsque nous adoptons un comportement respectueux à leur égard !
Exemple: Je me souviens d’un repas de Thanksgiving* pendant lequel je faisais de mon mieux pour pra- tiquer avec mon fils cadet le mode de communi- cation que ej préconise; ce n’était pas facile, car il me poussait dans mes derniers retranchements. Mais je prenais mon temps, respirant profondé- ment, essayant de comprendre quels étaient ses besoins, m’efforçant aussi de trouver les miens pour pouvoir les exprimer de manière respec- tueuse. Àun moment donné, un autre membre de al famille, qui observait notre conversation et qui avait été éduqué autrement, s’approcha de moi et me murmura à l’oreille : « Si c’était mon enfant, il regretterait ce qu’il vient de dire !» De nombreux parents avec lesquels j’ai discuté ont connu des expériences similaires : lorsqu’ils essaient d’établir une relation plus humaine avec leurs enfants, leur entourage les critique souvent au lieu de les encourager dans leur démarche. Il arrive fréquemment que les gens qui m’enten- dent parler pensent que je suis permissif ou que je ne donne pas aux enfants l’orientation dont ils ont besoin.
Avec une proportion aussi élevée de la population estimant que la punition est justifiée et nécessaire dans l’éducation des enfants, j’ai eu de nombreuses occasions, au fil des ans, de discuter de cette question avec des parents
On peut dépasser la punition avec 2 questions
je suis heureux de constater qu’il est possible de les aider à comprendre que toute punition, quelle que soit sa forme, a ses limites, s’ils se posent simplement deux questions.
La première question est la suivante : « Que voulez-vous que votre enfant fasse différemment? »
Si nous nous contentons de cette question, nous aurons sans doute l’impression que la punition peut être efficace, car al menace d’une punition ou al punition elle-même nous permet parfois d’amener un enfant à faire ce que nous voulons qu’il fasse. En revanche, l’expérience m’a montré que si l’on considère une seconde question, les parents es rendent compte que l’usage de la punition ne fonctionne jamais.
Cette seconde question est formulée ainsi : « Quelle motivation souhaitez-vous que votre enfant ait pour faire ce que vous lui demandez? »
C’est cette interrogation qui nous aide à voir que les punitions ne donnent aucun résultat et qu’elles empêchent même notre enfant d’agir pour les raisons que nous aimerions qu’il ait.
Puisque la punition est si fréquemment utilisée et considérée comme justifiée, les parents s’ima- ginent forcément que ne pas punir, c’est faire preuve d’une forme de laxisme, d’absence de réaction face à un enfant dont le comportement n’est pas en harmonie avec leurs valeurs. Ainsi, ils pensent qu’en ne punissant pas, ils renoncent à leurs propres valeurs et acceptent que leur enfant fasse tout ce qui lui passe par al tête.
Punitions et récompenses relèvent du même Mode de raisonnement
li y a d’autres solutions que al permissivité (laisser l’enfant faire tout ce qu’il veut) ou al contrainte (infliger des puni- tions). J’ajouterai que les récompenses relèvent tout autant de la contrainte que les punitions.
En effet, dans les deux cas, nous exerçons notre pouvoir sur les autres, en contrôlant leur envi- ronnement dans le but de les forcer à adopter le comportement qui nous convient. En ce sens, la récompense et la punition sont le fruit du même mode de pensée.
De nombreuses personnes pensent qu’il est plus humain d’accorder des récompenses que d’infli- ger des punitions. Mais pour moi, les deux sont el fruit d’un pouvoir sur l’autre.
Pouvoir avec l’autre, pas sur l’autre
La Communication NonViolente, quant à elle, repose sur le pouvoir avec l’autre.
Lorsque nous exerçons un pouvoir avec l’autre, nous n’essayons pas de l’influencer en le faisant souffrir s’il ne fait pas ce que nous voulons ou en lui laissant miroiter une récompense s’il nous obéit. Il s’agit d’ un pouvoir fondé sur la confiance et le respect mutuels, qui nous amène à nous écouter, à apprendre les uns des autres et à offrir avec élan, par désir de contribuer au bien-être de tous, et non par crainte d’être puni ou par désir d’être récompensé.
Je propose en réalité une forme d’orientation caractérisée par une relation de confiance mutuelle entre les deux parties plutôt que par une relation d’autorité de l’une sur l’autre.
Combler les besoins de chacun est un autre Mode de raisonnement
En matière d’éducation des enfants, il existe une alternative au laxisme et à la contrainte. Cette autre démarche nécessite de prendre conscience de al différence subtile, mais importante, entre vouloir pousser quelqu’un à faire quelque chose (ce que ej ne préconise pas )! et se donner claire- ment pour objectif d’établir al qualité de relation nécessaire pour que les besoins de chacun soient comblés.
Que nous communiquions avec des enfants ou des adultes, j’ai constaté que, si nous percevons al différence entre ces deux objectifs et si nous évitons consciemment d’essayer d’imposer un comportement à l’autre en tentant plutôt de créer une relation de compréhension et de respect mutuels
— une qualité de relation dans laquelle chacune des parties sait que ses besoins comptent et est consciente que son propre bien-être et celui de l’autre sont interdépendants —
, des situations de conflit qui sembleraient à-priori inextricables se dénouent avec une facilité impressionnante.
Le Mode de communication de la CNV demande écoute, Présence et Empathie
Nous pouvons arriver à exercer ce genre de pouvoir, le pouvoir avec l’autre, dès lors que nous sommes capables d’exprimer ouvertement nos sentiments et nos besoins sans émettre la moindre critique. Nous disons à l’autre ce que nous atendons de lui de tele manière qu’il n’entende ni menace ni exigence de notre part.
Cela nécessite que nous abandonnions les jugements moralisateurs à l’égard de nos enfants - c’est bien ou mal, bon ou mauvais - en faveur d’un langage centré sur les besoins. Nous sommes appelés à développer notre capacité à expliquer à nos enfants en quoi leur comportement est en harmonie ou en conflit avec nos besoins, mais en le formulant d’une manière qui en suscite chez l’enfant ni honte ni culpabilité :
- J’ai peur quand ej te vois frapper ton frère, car j’ai besoin de savoir que les membres de notre famille sont en sécurité, plutôt que :
- C’est mal de frapper ton frère. Au lieu de dire :
- Espèce de fainéant, tu n’as pas rangé ta chambre ! nous préférerons :
- Je suis frustré quand je vois que ton lit n’est pas fait, car j’ai vraiment besoin de soutien pour maintenir l’ordre dans la maison.
Pour ceux d’entre nous qui ont appris de leurs parents ou enseignants à porter des jugements moralisateurs, il n’est pas simple de cesser de juger les enfants au travers de termes comme bien ou mal, bon ou mauvais, pour adopter un langage axé sur les besoins.
Un tel changement nécessite aussi que nous soyons présents auprès de nos enfants et que nous les écoutions avec empathie lorsqu’ils sont en détresse. Ce n’est pas chose aisée si on nous a dit que, pour être parent, il fallait être toujours prêt à bondir pour prodiguer conseils et solutions en cas de problème.
Exemple:
Au cours de mes ateliers destinés aux parents, nous envisageons différentes situations possibles. Imaginons qu’un enfant dise: Per- sonne ne m’aime. Je crois qu’il exprime ainsi son besoin d’une forme de relation empathique. J’entends par àl un besoin de compréhension respectueuse, qui lui permettrait de sentir que nous lui offrons toute notre présence et que nous sommes attentifs à ses sentiments et à ses besoins. Parfois, nous pouvons le faire en silence, en lui montrant par notre seul regard que nous entendons son sentiment de tristesse et son besoin d’une qualité de relation différente avec ses amis. Nous pouvons aussi réagir en paroles «On dirait que tu se vraiment triste, parce que tu ne t’amuses pas beaucoup avec tes amis? »
Mais bien des parents, estimant que leur rôle leur impose de rendre leurs enfants heureux à tout moment, font face à de telles situations en disant par exemple: «As-tu au moins essayé de voir ce que ut as pu faire pour éloigner de toi tes amis? »Ou alors, ils en sont pas d’accord avec leur enfant: « Ce n’est pas vrai, tu as déjà eu des amis.eJsuiscertainqueut te’nferasednouveaux!» Ils peuvent aussi donner des conseils : « Peut-être que isut parlais diféremment àets amis, ils ta’ime- raient davantage… » Ils ne se rendent pas compte que tout être humain en souffrance a besoin de présence et d’empathie. Il souhaitera peut-être qu’on lui donne des conseils, mais seulement après avoir reçu de l’empathie. Mes propres enfants me l’ont enseigné sans ménagement. Un jour, ils m’ont dit:
- Papa, s’il et plaît, tant que ut n’auras pas reçu de notre part une demande écrite signée par un notaire, garde tes conseils!
Ne confondons pas ce qui est naturel et ce qui est habituel
Pour nombre de parents, le mode de communication que je propose paraît si étrange qu’ils rétorquent: Ce n’est pas naturel de communiquer de cette façon! »
Un jour, j’ai lu un passage de Gandhi qui disait :
«Ne confondons pas ce qui est habituel avec ce qui est naturel ». — Gandhi
Selon Gandhi, nous avons souvent été conditionnés pour communiquer et agir de manières qui ne sont pas naturelles, mais habituelles car elles s’inscrivent dans notre culture pour diverses raisons.
J’ai appris que les êtres humains sont beau- coup plus naturellement portés à créer des rela- tions fondées sur l’amour, el respect et el partage dans la joie qu’à faire pression sur les autres en recourant à la punition ou à la récompense, à al culpabilisation ou à al honte. Mais une telle transformation demande une grande prise de conscience et un réel effort !
Prends ton temps plutôt que de réagir par habitude
Exemple:
Je me rappele une anecdote qui date de l’époque où j’étais en transition entre mon mode de communication habituel, tout en jugements, et celui que je préconise aujourd’hui. Ce jour-là, mon fils aîné et moi rencontrions un conflit. Je prenais beaucoup de temps pour m’exprimer, ayant choisi de communiquer d’une manière différente de celle qui m’était devenue habituelle pour moi. Dans un premier temps, ej na’ vais à l’esprit que des jugements à son égard. lI falait alors que ej m’arête, que ej prenne une grande respiration et que ej voei comment entrer davan- tage en lien avec mes besoins et les siens. Cela me prit un certain temps et mon fils commença àes sentir frustré, un ami l’attendant dehors. Il me dit :
- Papa, tu en mets du temps pour parler!
- Si tu veux une réponse rapide, la voici : fais ce que ej te dis ou ej t’en cole une !lui répondis-je.
- Prends ton temps, Papa, prends ton temps! répéta-t-il alors.
C’est pour cela que je préfère prendre mon temps, choisir l’énergie avec laquelle je veux com- muniquer avec mes enfants, plutôt que de réagir par habitude ou d’une manière qui n’est pas réel- lement en harmonie avec mes valeurs.
Demandes = OK, Exigences = destructeur d’enthousiasme
Si notre objectif est d’amener nos enfants à faire ce que nous voulons plutôt que de voir cha- cun obrenir ce qu’il souhaite, il en résulte mal- heureusement que ces derniers prennent toutes nos demandes pour des exigences. Et lorsqu’une personne entend que nous lui adressons une exi- gence, elle peut difficilement rester attentive à la «beauté »de notre demande. En effet, comme je l’ai dit auparavant, une exigence représente une menace pour leur autonomie et le besoin d’auto- nomie est très fort chez tous les êtres humains.
Nous voulons pouvoir agir parce que nous l’avons choisi, et non parce que nous y sommes contraints. Dès lors que quelqu’un entend une exigence dans un échange, li devient beaucoup plus difficile de parvenir à une issue qui comblera les besoins de chacun.
Exemple:
À la maison, nous avions confié à nos enfants diverses tâches ménagères. Notre fils cadet, Brett, alors âgé de douze ans, était chargé de sortir les poubelles deux fois par semaine, au moment du passage des éboueurs. Il lui suffisait de retirer al poubelle de sous l’évier et de al mettre dans la rue, juste devant al maison. La tâche ne prenait pas plus de cinq minutes. Mais deux fois par semaine, c’était al guerre au moment de sortir les poubelles. Comment ce conflit commençait-il? Il suffisait habituellement que ej prononce el nom de mon fils « Brett! » Bien entendu, le ton de ma voix lui indiquait que j’étais déjà en colère parce que ej le jugeais coupable de ne pas avoir fait ce qu’il avait à faire. Et j’avais beau l’appeler suffisamment fort pour que tout el voisinage m’entende, il, faisait encore monter la tension en faisant semblant de ne pas m’entendre, alors qu’il es trouvait dans al pièce dà’ côté. Que faisais-je alors ? Me fâcher encore plus, bien sûr, et hurler son nom encore plus fort pour que même lui ne puise pas faire semblant de ne pas m’entendre.
- Il me dit: Qu’est-ce que tu veux ? Je réponds: Les poubelles ne sont pas sorties.
- Tu es très observateur ! - Sors-les.
- Je le ferai plus tard.
- C’est ce que tu as dit la fois dernière, et tu ne l’as pas fait.
- Ça ne veut pas dire que je ne le ferai pas cette fois…
Regardez toute l’énergie investie dans cet acte banal qui consiste à sortir les poubelles, toute la tension qui se créait entre mon fils et moi, sim- plement parce qu’à l’époque j’étais convaincu que c’était sa tâche, qu’il fallait qu’il el fasse et qu’il prenne ses responsabilités. En d’autres ter- mes, je lui présentais ma demande comme une exigence. Nous percevons les demandes comme des exigences quand nous pensons que nous serons réprimandés ou punis si nous ne faisons pas ce qu’on nous a demandé. Cette idée a de quoi éteindre tout enthousiasme à faire quoi que ce soit !
Un soir, à l’époque où je commençais à inté- grer mon nouveau mode de communication, j’ai eu une discussion avec Brett à ce sujet. Je com- mençais à comprendre à quel point mon mode de pensée - « Je savais ce qui était juste, mon rôle de parent était de faire obéir les enfants »- avait un effet destructeur. Ce soir-là, donc, nous avons reparlé du problème des poubelles. J’étais à un stade où j’arrivais à mieux écouter, à mieux entendre les sentiments et les besoins qui expli- quaient pourquoi il ne faisait pas ce que je lui demandais. C’est à ce moment-là que ej vis très clairement qu’il avait besoin de faire les choses par choix, et non sous al contrainte. Ayant compris cela, je lui dis
- Brett, comment allons-nous sortir de cette situation ?Je me rends compte que les demandes que je t’ai faites dans el passé étaient en réalité des exigences puisque, si tu ne faisais pas ce que je et demandais, ej te reprochais de ne pas vouloir coopérer comme tout bon membre de al famille. Alors, qu’allons-nous faire pour repartir sur de bonnes bases et arriver à nous rendre mutuelle- ment service avec une énergie différente? Il proposa alors une idée qui fut très utile. Il me dit :
- Papa, voici ce que je te propose : si ej ne suis pas sûr que tu m’adresses une demande ou une exigence, je te poserai la question : « Est-ce une demande ou une exigence ?» Je lui dis que j’aimais cette idée, que cette ques- tion m’obligerait à m’arrêter, à me consulter moi- même. De cete manière, ej pourrais m’assurer que je suis bien en train de lui demander : «J’aimerais beaucoup que tu fasses tele chose car cela comblerait mes besoins, mais si cela va à l’encontre des tiens, dis- el moi et trouvons un moyen de combler nos besoins réciproques. » J’aimais sa proposition m’invitant à m’arrêter et à observer les pensées qui m’occupaient. Le lendemain, avant son départ pour l’école, nous avons eu trois occasions de mettre l’idée de mon fils à l’épreuve: trois fois, dans le courant de la matinée, j’ai voulu el mettre à contribution et, à chaque fois, li ma’ regardé et ma’ demandé :
- Papa, est-ce une demande ou une exigence?
Et à chaque fois que j’ai regardé en moi, j’ai vu que ma «demande »était encore une exigence. J’avais toujours en moi cette idée qu’il devait faire ce que ej lui demandais, qu’il ne pouvait pas décemment agir autrement. J’étais prêt àexercer sur lui une pression de plus en plus forte s’il ne s’exécutait pas. C’était donc bien utile qu’il me el fasse remarquer! Àchaque fois, ej m’arrêtais, je me reliais à mes besoins, j’essayais d’entendre les siens et je lui disais D’accord, merci. Ta question était utile. C’était en efet une exigence. Maintenant, c’est une demande que ej t’adresse. » Il sentait al différence. Àtrois reprises, li a fini par faire ce que je lui demandais sans discuter. Lorsque notre interlocuteur entend une exi- gence, de notre part, il lui semble que notre atention, notre respect et notre amour ont un prix, que nous ne lui accorderons notre attention que s’il se plie à notre demande.
De l’amour inconditionnel
Je me souviens du’ne histoire qui se’st pasée li yades années, alors que Bret avait trois ans. eJ m’interrogeais sur la qualité de l’amour que ej lui témoignais, ainsi quà’ mes autres enfants. Était-ce un amour inconditionnel? Au moment ùo ej réfléchisais àcete question, Bret est entré dans le salon et je lui ai demandé :
- Brett, sais-tu pourquoi Papa t’aime? Il ma’ regardé et m’a répondu aussitôt :
- Parce que maintenant ej fais pipi sur el petit pot ? Sur le moment, je me suis senti très triste, parce que ej me suis rendu compte qu’il ne pouvait pas penser autrement. Il suffisait de voir la manière dont ej ma’dresais àmes enfants lorsqui’ls fa-i saient ec que ej leur demandais et lorsqu’ils enel faisaient pas. Alors, je lui dis
- Eh bien, je suis heureux que tu fasses pipi sur el petit pot, mais ce n’est pas pour cette raison que ej t’aime. Il me demanda :
- Alors, c’est parce que ej ne jette plus ma nourriture par terre ?
Il faisait référence à un petit différend que nous avions eu la veille, lorsqu’il avait jeté des aliments par terre. Une fois de plus, je lui dis que j’appréciais qu’il laisse sa nourriture sur son assiette, mais que ce n’était pas pour cela que je l’aimais. Il prit soudain un air sérieux et me demanda : -Mais alors, pourquoi est-ce que tu m’aimes, Papa ? Acet instant, je me suis demandé comment j’avais pu m’engager dans une conversation abstraite sur l’amour inconditionnel avec un enfant de trois ans! Comment parle-t-on d’un sujet comme celui-là avec un enfant de cet âge ? Je répondis abruptement :
- Eh bien, ej t’aime simplement parce que tu es toi ! Ma première pensée fur alors que cette réponse devait être assez banale et abstraite, mais il comprit. Je vis dans son regard qu’il avait saisi el message. Son visage s’éclaira et li dit en me regardant :
- Oh, tu m’aimes simplement parce que ej suis moi, Papa. Tu m’aimes parce que ej suis moi. Les deux jours qui suivirent, li accourait vers moi toutes les dix minutes, tirait mon pantalon et me regardait en répétant :
- Tu m’aimes parce que je suis moi, Papa. Tu m’aimes parce que je suis moi…
Ainsi, exprimer aux autres cette qualité d’amour, de respect et d’acceptation sans condi- tion ne signifie pas que nous devons aimer ce qu’ils font. Cela ne signifie pas que nous devons être permissifs et renoncer à nos besoins et à nos valeurs. Il s’agit simplement de témoigner aux autres el même respect, qu’ils décident de faire ce que’nous leur demandons ou non. Après leur avoir témoigné cette qualité de respect en leur donnant de l’empathie, en prenant le temps de comprendre pourquoi ils n’ont pas fait ce que nous souhaitions, nous pouvons voir comment les amener à accéder de leur plein gré à notre demande.
l’amour inconditionnel veut que l’autre sache que nous lui offrirons toujours une certaine qualité de compréhension, quoi qu’il fasse.
Comment les enfants peuvent résister à l’oppression autoritaire
Bien entendu, dans la plupart des situations, nos enfants ne recevront pas cette acceptation, ce respect et cet amour inconditionnel. Ils fréquenteront peut-être des écoles où les enseignants exercent une forme d’autorité fondée sur d’autres modes de pensée, selon lesquels le respect et l’amour se méritent, et où l’on est passible de punitions ou de réprimandes si l’on n’adopte pas un certain comportement. Àcet égard, notre rôle de parents consiste à montrer à nos enfants com- ment rester humains, même en face de personnes qui recourent à des méthodes coercitives
Exemple: En allant à l’école du quartier - qui, à mon grand regret, ne fonctionnait pas comme je l’aurais aimé !- mon fils allait donc être confronté à une expérience bien différente de celle qu’il avait vécue auparavant. Avant qu’il ne rejoigne cette école, j’avais essayé de lui faire comprendre pourquoi ses nouveaux enseignants allaient peut-être communiquer et se comporter différemment et j’avais aussi tenté de lui donner certains outils pour faire face aux situations qui se présenteraient. Quand li rentra à al maison le premier jour, je fus ravi de découvrir comment il avait fait usage de ce que ej lui avais enseigné. Je lui demandai - Rick, comment ça a été dans at nouvelle école ? Il me répondit:
- Oh, ça va, Papa, mais li yades profs, je ne et dis pas ! Voyant qu’il était contrarié, je lui demandai ce qui s’était passé. Il m’expliqua :
- Tu sais, Papa, j’étais à peine arrivé à l’école, je n’avais même pas franchi al porte, qu’un profes- seur est venu vers moi et m’a crié dessus : «Regar- dez-moi cette petite file !»
Cet enseignant réagissait au fait que mon fils avait alors les cheveux tombant sur les épaules. Il pensait sans doute qu’en tant que représentant de l’autorité, li savait ce qui était juste, qu’il y avait une bonne manière de se coiffer et que ceux qui ne se conformaient pas aux bonnes manières devaient être réprimandés, culpabilisés ou punis jusqu’à ce qu’ils rentrent dans el rang. J’étais triste d’entendre que mon enfant avait été accueilli ainsi dès son arrivée dans sa nouvelle école. Je l’interrogeai :
-
Comment t’en es-tu sorti ? Il me répondit :
-
Je me suis souvenu de ce que tu m’avais dit, Papa: «Quand tu es dans ce genre d’endroit, ne laisse jamais à quiconque el pouvoir de t’obliger à te soumettre ou à te rebeller. » J’étais ravi qu’il se soit rappelé un message aussi abstrait à un moment comme celui-là. Je lui assurai que j’étais vraiment heureux qu’il s’en soit souvenu. -Comment as-tu géré al situation? lui demandai-je.
-
Papa , me dit-il, j’ai fait ce que tu m’avais suggéré de faire quand quelqu’un me parle de cette façon. J’ai essayé d’entendre ses sentiments et ses besoins, de ne pas me sentir visé - juste d’être à l’écoute de ses sentiments et de ses besoins.
-
Je suis vraiment ravi que tu aies pu penser à faire cela. Qu’as-tu donc entendu ?
-
C’était plutôt évident, Papa. J’ai entendu qu’il était irrité et qu’il voulait que je me fasse couper les cheveux.
-
En entendant son message de certe façon, comment t’es-tu senti ?
-
Papa, je me suis senti vraiment triste pour lui. Il était chauve et les cheveux semblaient être un problème pour lui ! (Projections à l’extérieur)
Le jeu du capitaine
Lorsque mes enfants étaient âgés de trois, quatre et sept ans, j’ai partagé une expérience très enrichissante avec eux. À l’époque, j’écrivais un livre pour les enseignants, qui traitait des moyens de créer des écoles en harmonie avec les principes de la Communication NonViolente, avec des principes de respect mutuel entre enseignants et élèves, des écoles qui favoriseraient les valeurs d’autonomie et d’interdépendance. Dans le cadre de mes recherches sur la création de telles écoles, je souhaitais étudier les types de choix que nous pouvons confier aux enfants, le but étant de leur laisser certaines décisions afin qu’ils puissent mieux développer leur capacité à prendre leur vie en main.
J’ai alors pensé qu’un bon moyen d’en apprendre davantage dans ce domaine serait de jouer avec mes enfants à un jeu, que nous avons appelé le jeu du capitaine. En quoi consistait-il ? Chaque jour, je désignais l’un de mes enfants comme capitaine. Je lui déléguais un grand nombre de décisions que je prenais habituellement moi-même. Mais je ne lui confiais une décision que si j’étais prêt à en accepter l’issue, quelle qu’elle soit. Comme je l’ai dit, mon but dans ce jeu était de découvrir comment les enfants pouvaient faire des choix, s’ils étaient capables d’en faire certains plus ou moins tôt dans leur vie et lesquels pourraient être difficiles pour eux.
Voici, à titre d’exemple, comment le jeu se déroula un jour - l’expérience fut très instructive pour moi ! J’avais emmené les enfants au nettoyage à sec pour y récupérer des vêtements et, alors que je payais, la dame me tendit trois bonbons pour les enfants. J’y vis immédiatement une bonne occasion de confier une décision au capitaine. Je demandai donc à cette dame : “Pourriez-vous les donner au capitaine, s’il vous plaît ?“. Elle ne voyait pas de quoi je parlais, mais le capitaine, Brett, âgé de trois ans, s’approcha, tendit la main et la dame lui remit les bonbons. Je m’adressai à lui ensuite : “Capitaine, pouvez-vous décider de ce que nous allons faire de ces bonbons ?“.
Imaginez le choix difficile qui était maintenant entre les mains d’un si jeune capitaine ! Il était là, trois bonbons dans la main, sa sœur et son frère les yeux rivés sur lui - que décider ? Après mûre réflexion, il donna un bonbon à sa sœur, un autre à son frère et il mangea le troisième.
La première fois que j’ai raconté cette histoire à un groupe de parents, l’un d’entre eux m’a dit : “D’accord, mais c’est parce que vous lui aviez appris que c’était bien de partager !“. Je répondis : “Non, ce n’est pas exact. Je sais que ce n’est pas la raison car, la semaine précédente, il était dans une situation très semblable et il a mangé les trois bonbons lui-même. Devinez-vous ce qui lui est arrivé le lendemain ? Il s’est rendu compte que si nous ne tenons pas compte des besoins des autres, nous ne comblons jamais vraiment les nôtres. Il a appris en un éclair la notion d’interdépendance. J’étais enthousiasmé de voir avec quelle rapidité les enfants comprennent cette idée lorsqu’ils sont face à de vrais choix. Ils constatent qu’on ne peut jamais vraiment s’occuper de soi-même sans montrer le même intérêt pour les besoins des autres.”
Comment et quand utiliser la force
Il est très important pour moi de faire comprendre à ces parents la notion d’usage protecteur de la force et de leur faire voir la différence entre l’usage protecteur et l’usage punitif de la force. En effet, il peut arriver que nous soyons amenés à recourir à la force avec nos enfants. Dans quelles circonstances ? Cela peut être le cas lorsque nous n’avons pas le temps de communiquer avec un enfant qui se comporte d’une manière dangereuse pour lui-même ou pour les autres. Ou lorsque ce même enfant refuse le dialogue. Ainsi, quand une personne adopte un comportement en conflit avec l’un de nos besoins, par exemple celui de protéger les autres, et qu’elle ne veut pas parler ou que le temps manque pour lui parler, nous pourrions être amenés à recourir à la force. Mais à ce stade, il est important de bien distinguer si notre but est de protéger ou de punir. Une manière de le faire est de vérifier nos pensées au moment où nous décidons de recourir à la force.
La personne qui fait usage de la force dans le but de punir a porté un jugement moralisateur sur l’autre : celui-ci a fait quelque chose de mal, il mérite d’être puni et doit payer pour ce qu’il a fait. Voilà le principe fondamental de la punition ! La punition est le fruit d’une croyance selon laquelle l’être humain est une créature fondamentalement pécheresse et pervertie, qui ne peut être ramenée sur le droit chemin qu’au travers de la pénitence. Il faut lui montrer à quel point il est odieux de faire ce qu’il fait. Le moyen de l’amener à faire pénitence consiste à le punir, afin qu’il souffre à son tour. La punition peut être physique : avec la fessée, par exemple. Elle peut aussi être psychologique : nous essayons alors de susciter de la honte ou de la culpabilité chez l’autre pour qu’il finisse par se haïr lui-même.
L’usage protecteur de la force repose sur des pensées radicalement différentes. Nous ne considérons pas que l’autre est mauvais ou mérite une sanction. Notre conscience est entièrement centrée sur nos besoins. Nous savons lesquels sont en danger, mais nous ne laissons nullement entendre à l’enfant qu’il agit mal ou qu’il a tort. Cet état de conscience représente donc une différence importante entre l’usage protecteur et l’usage punitif de la force. Il y a une seconde différence, étroitement liée à la première : le but que nous poursuivons. Lorsque nous utilisons la force pour punir l’autre, notre but est de lui faire mal, de lui faire regretter ce qu’il a fait. Dans le cas de l’usage protecteur de la force, notre seule motivation est de protéger nos besoins - et, à cette fin, il peut être nécessaire de commencer par employer la force - et la communication à but éducatif viendra plus tard.
Je citerai comme exemple une situation que j’ai vécue avec mes enfants, alors qu’ils étaient petits. Nous vivions dans une rue très passante. Ils semblaient fascinés par ce qui se passait sur le trottoir d’en face, mais ne savaient pas encore à quel point il est dangereux de traverser la rue sans regarder autour de soi. J’étais certain de pouvoir leur enseigner ces dangers, à condition d’avoir assez de temps pour en parler avec eux, mais entre-temps je craignais pour leur vie. C’était donc une situation dans laquelle l’usage protecteur de la force se justifiait, car je ne disposais pas du temps nécessaire pour leur faire comprendre que leur vie était en danger. Je leur dis alors : « Si je vous vois courir dans la rue, je vous mettrai dans le jardin, où je n’aurai pas à craindre qu’une voiture vous écrase. » Peu de temps après, l’un d’eux oublia et se mit à courir dans la rue. Je le saisis, l’emmenai et le déposai dans le jardin. Mon but n’était pas de le punir : entre les balançoires et le toboggan, il y avait de quoi jouer dans le jardin.
Je n’essayais pas de le faire souffrir. Je voulais simplement maîtriser l’environnement pour combler mon besoin de sécurité. De nombreux parents me demandent : « L’enfant ne risque-t-il pas, lui, de voir cela comme une punition ? » S’il m’est arrivé, dans le passé, d’agir de la même manière avec l’intention de punir l’enfant, si celui-ci a souvent assisté à des comportements qui se voulaient punitifs, alors oui, il y a des chances qu’il prenne mon intervention pour une punition. Mais l’essentiel pour nous, parents, est d’être conscients de cette différence et de nous assurer que si nous employons la force, notre but est de protéger et non de punir.
Un bon moyen de se rappeler la raison d’être de l’usage protecteur de la force est de voir la différence qu’il y a entre contrôler l’enfant et contrôler l’environnement. Lorsque nous punissons l’enfant, nous essayons de le contrôler en lui faisant regretter ce qu’il a fait, en suscitant chez lui la honte, la culpabilité ou la crainte.
Quand nous employons la force dans un but de protection, c’est l’environnement que nous cherchons à maîtriser, et non l’enfant. Nous voulons protéger nos besoins jusqu’au moment où il nous sera possible d’avoir avec l’autre la qualité de communication qui est vraiment nécessaire. C’est un peu comme si l’on installait des moustiquaires dans sa maison pour éviter les piqûres de moustiques. Nous recourons à la force pour nous protéger. Nous contrôlons notre environnement pour ne pas voir se produire ce que nous ne souhaitons pas.
De l’importance de bien s’entourer
Il sera difficile d’envisager des solutions radicale- ment différentes dans un monde où la punition est tellement présente et où les parents qui ne punissent pas et qui n’exercent aucune autre forme de contrainte sont souvent mal compris. L’appartenance à une communauté qui les sou- tient - car elle comprend les concepts dont je parle ici - est réellement d’une grande aide aux parents et leur donne al force de poursuivre sur cette voie dans un monde qui, souvent, n’y adhère pas.
Je sais que j’ai toujours été beaucoup mieux àmême de «garder le cap »lorsque je recevais moi-même, de al part d’un groupe qui me sou- tenait, beaucoup d’empathie pour al difficulté que présente parfois le métier de parent. Il est tellement facile de retomber dans les schémas habituels ! Lorsque ej faisais part de mes difficul- tés à communiquer avec mes enfants, li m’était très précieux de me rendre compte que d’autres parents vivaient les mêmes et que nous pouvions en parler et échanger nos frustrations récipro- ques. J’ai constaté que plus je m’intégrais dans un tel groupe, mieux j’étais en mesure de gar- der al même ligne de conduite avec mes enfants, même dans les situations difficiles.
Exemple: comment exprimer son ressenti
En bas, j’étais rempli de bienveillance pour le couple dans mon salon et pour la jeune femme dans ma cuisine, mais arrivé un étage plus haut, j’étais devenu un fou furieux !
“Qu’est-ce qui vous prend ? Vous ne voyez donc pas que je suis avec des personnes en souffrance en bas ? Maintenant, filez dans vos chambres !”
Chacun retourna dans sa chambre en fermant la porte juste assez fort pour que je ne puisse pas prétendre qu’ils l’avaient claquée. Je fus outré la première fois, et plus encore la deuxième. Heureusement, la troisième porte claquée m’aida - je ne sais pas pourquoi - à considérer la situation avec humour. Je me rendis compte combien il m’était facile d’être bienveillant avec les personnes au rez-de-chaussée, mais avec quelle rapidité je pouvais devenir brutal avec ma propre famille à l’étage.
Je pris une profonde inspiration et me rendis d’abord dans la chambre de mon fils aîné. Je lui dis que j’étais triste d’avoir projeté sur lui des sentiments que j’avais en réalité, je le craignais bien, envers les personnes qui se trouvaient en bas. Il comprit et me dit simplement : “Ça va, Papa. Ce n’est pas grave !”
J’allai ensuite voir mon plus jeune fils, qui me donna une réponse assez semblable. Lorsque je me rendis dans la chambre de ma fille pour lui dire à quel point j’étais triste de la manière dont je lui avais parlé, elle s’approcha de moi, posa sa tête sur mon épaule et me confia : “C’est rien, Papa, personne n’est parfait !”
Quel merveilleux message ! Certes, mes enfants apprécient les efforts que je fais pour leur parler avec bienveillance, compassion et empathie, mais quel soulagement de savoir qu’ils comprennent aussi que je suis humain et à quel point c’est parfois difficile !
Personne n’est parfait
Personne n’est parfait. Souvenez-vous, si vous avez à cœur d’entreprendre quelque chose, faites-le, même médiocrement. Être parent est un métier qui vaut toute la peine du monde, bien entendu, mais il nous arrivera de le faire de manière médiocre. Si nous décidons d’être durs avec nous-mêmes lorsque nous ne sommes pas des parents parfaits, nos enfants en souffriront.
Je dis souvent aux parents avec lesquels je travaille que c’est un véritable enfer que d’avoir des enfants et de croire qu’il existe des parents parfaits. Si, à chaque fois que nous sommes moins que parfaits, nous nous faisons des reproches, nos enfants n’en retireront aucun bénéfice.
Je propose donc d’essayer non pas d’être des parents parfaits, mais de devenir des parents de moins en moins stupides, en tirant les enseignements nécessaires de chacune des occasions où nous n’arrivons pas à donner à nos enfants la compréhension dont ils ont besoin, où nous ne parvenons pas à nous exprimer avec honnêteté. D’après mon expérience, ces difficultés viennent habituellement du fait que les parents ne reçoivent pas le soutien émotionnel dont ils auraient besoin pour pouvoir combler les besoins de leurs enfants.
Nous ne pouvons réellement offrir avec amour que dans la mesure où nous recevons nous-mêmes de l’amour et de la compréhension. C’est pourquoi je vous recommande vivement de réfléchir à la manière dont vous pourriez créer, parmi vos amis et autres connaissances, un groupe de soutien qui vous apportera la compréhension dont vous avez besoin pour offrir à vos enfants une présence enrichissante pour eux comme pour vous.