Hasard ou Destin ?

Texte Selon Herve Dornier

Si, comme le démontre la théoricienne quantique Mioara Mugur-Schächter, l’acte d’observation est foncièrement téléologique, alors on doit admettre que l’observateur joue aux dés. Car jouer aux dés, c’est agir en vue d’obtenir un résultat déterminé dans un monde probabiliste. Einstein avait donc à demi raison : Dieu ne joue pas aux dés. Mais il avait à demi tort : il y a bien quelqu’un qui joue aux dés, et c’est l’observateur (qui ne fait donc pas qu’observer).

Et si, comme l’écrit le philosophe Jérôme Deshusses, le hasard est le rapport entre deux finalités, l’une connue (celle de l’observateur-lanceur-de-dés) et l’autre inconnue (celle de Dieu ou celle du déterminisme absolu), alors on comprend mieux la nature de la formule “que ta volonté soit faite” dans la prière du Notre Père : substituer à sa propre volonté la “volonté” de Dieu (i.e. l’ordre de la Nature), c’est chercher à faire coïncider ses attentes avec celles de Dieu, et non attendre de lui qu’il satisfasse les nôtres.

Malheureusement l’homme ne cherche pas tant à connaître les attentes de Dieu à son égard (i.e. ne cherche pas tant à s’inscrire dans l’ordre de la Nature) qu’à réduire la part de hasard de sorte d’atteindre ses objectifs. L’homme a en quelque sorte pipé les dés avec lesquels il joue. Il veut gagner à tous les coups. Mais ce faisant le monde des possibles a rétréci et l’ennui, parfois, le gagne.