Livre de la Voie et de la Vertu. (Spiritualité)

Tao-Tö King

Highlights

Préface

y avait quelque chose d’indéterminé avant la naissance de l’univers. Ce quelque chose est muet et vide. Il est indépendant et inaltérable. Il circule partout sans se lasser jamais. Il doit être la Mère de l’univers. Ne connaissant pas son nom, je le dénomme “Tao”.

Préface

Le Tao est un principe non statique, qu’on peut découvrir en observant les choses et l’empreinte qu’elles gardent du Tao 

Préface

Il ne s’agit pas de se retrancher du monde, de s’enfermer dans une tour d’ivoire, il faut tout savoir, être informé de tout et pourtant rester critique comme si on ne savait rien.

I

Le Tao qu’on tente de saisir n’est pas le Tao lui-même ; le nom qu’on veut lui donner n’est pas son nom adéquat.

VII

Le saint se met en arrière. Il est donc mis en avant. Il néglige son moi et son moi se conserve. Parce qu’il est désintéressé, ses propres intérêts sont préservés.

IX

Qui se gonfle de sa richesse et de ses honneurs s’attire le malheur. « L’œuvre une fois accomplie, retire-toi », telle est la loi du ciel.

X

Produire et faire croître, produire sans s’approprier, agir sans rien attendre, guider sans contraindre, c’est la vertu suprême{7}.

X

Ton âme peut-elle embrasser l’unité sans jamais s’en détacher ?

X

Peux-tu concentrer ton souffle pour atteindre à la souplesse d’un nouveau-né ?

XI

On façonne l’argile pour en faire des vases, mais c’est du vide interne que dépend leur usage.

XI

Une maison est percée de portes et de fenêtres, c’est encore le vide qui permet l’habitat

XI

L’Être donne des possibilités, c’est par le Non-Être qu’on les utilise.

XIII

Qu’entend-on par « Chéris un grand malheur comme ton propre corps » ? Ce qui fait que j’éprouve un grand malheur, c’est que j’ai un corps. Si je n’avais pas de corps, quel malheur pourrais-je éprouver ? Quiconque chérit son corps pour le monde peut vivre dans le monde. Quiconque aime son corps pour le monde peut se fier au monde{10}.

XIV

Sa face supérieure n’est pas illuminée, Sa face inférieure n’est pas obscure. Perpétuel, il ne peut être nommé, ainsi il appartient au royaume des sans-choses. Il est la forme sans forme et l’image sans image. Il est fuyant et insaisissable.

XIV

Le regardant, on ne le voit pas, on le nomme l’invisible. L’écoutant, on ne l’entend pas, on le nomme l’inaudible. Le touchant, on ne le sent pas, on le nomme l’impalpable. Ces trois états dont l’essence est indéchiffrable Se confondent finalement en un.

XIV

Qui prend les rênes du Tao antique dominera les contingences actuelles. Connaître ce qui est l’origine, c’est saisir le point nodal du Tao.

XVI

Devant l’agitation fourmillante des êtres ne contemple que leur retour. Les êtres divers du monde feront retour à leur racine. Faire retour à la racine, c’est s’installer dans la quiétude ; S’installer dans la quiétude, c’est retrouver l’ordre ; Retrouver l’ordre, c’est connaître le constant ; Connaître le constant, c’est l’illumination.

XVI

Qui ne connaît le constant crée aveuglément son malheur. Qui connaît le constant sera tolérant. Qui est tolérant sera désintéressé. Qui est désintéressé sera royal. Qui est royal sera céleste. Qui est céleste fera un avec le Tao. Qui fait un avec le Tao vivra longtemps. Jusqu’à la fin de sa vie, rien ne saurait l’atteindre.

XXI

Le Tao est quelque chose de fuyant et d’insaisissable. Fuyant et insaisissable, il présente cependant quelque image, insaisissable et fuyant, il est cependant quelque chose. Profond et obscur, il contient une sorte d’essence. Cette sorte d’essence est très vraie et comporte l’efficience.

XXI

Depuis l’antiquité son essence n’a pas varié. Pour le comprendre il suffit d’observer le germe de tout être. Comment puis-je connaître le germe de tout être ? Par tout ce que je viens de dire.

XXII

Qui embrasse peu acquerra la connaissance sûre, Qui embrasse beaucoup tombera dans le doute.

XXII

Qui se plie restera entier, Qui s’incline sera redressé, Qui se tient creux sera rempli, Qui subit l’usure se renouvellera

XXII

Ainsi le saint embrassant l’unité deviendra le modèle du monde. Il ne s’exhibe pas et rayonnera. Il ne s’affirme pas et s’imposera. Il ne se glorifie pas et son mérite sera reconnu. Il ne s’exalte pas et deviendra le chef. Comme il ne rivalise avec personne, personne au monde ne peut rivaliser avec lui. L’ancien dicton : « Qui se plie restera entier » est-ce donc une parole vaine ? C’est par là qu’on garde son intégrité.

XXIII

Si les phénomènes du ciel et de la terre ne sont pas durables, Comment les actions humaines le seraient-elles ? Qui va vers le Tao, le Tao l’accueille. Qui va vers la Vertu, la Vertu l’accueille. Qui va vers la perte, la perte l’accueille.

XXIII

Parler rarement est conforme à la nature.

XXIV

Qui se dresse sur la pointe des pieds ne tiendra pas longtemps debout. Qui fait de grandes enjambées ne marchera pas très loin. Qui s’exhibe ne rayonnera pas. Qui s’affirme ne s’imposera pas. Qui se glorifie ne verra pas son mérite reconnu. Qui s’exalte ne deviendra pas un chef. Ces manières sont, pour le Tao, Comme sont les restes de nourriture et les tumeurs qui répugnent à tous. Celui qui connaît la loi de la nature ne fera pas ainsi sa demeure.

XXV

Il y avait quelque chose d’indéterminé avant la naissance de l’univers. Ce quelque chose est muet et vide. Il est indépendant et inaltérable. Il circule partout sans se lasser jamais. Il doit être la Mère de l’univers.

XXV

Ne connaissant pas son nom, Je le dénomme « Tao ». Je m’efforce de l’appeler « grandeur ». La grandeur implique l’extension. L’extension implique l’éloignement. L’éloignement exige le retour.

XXV

L’homme imite la terre. La terre imite le ciel. Le ciel imite le Tao. Le Tao n’a d’autre modèle que soi-même.

XXV

Le Tao est grand. Le ciel est grand. La terre est grande. L’homme est grand. C’est pourquoi l’homme est l’un des quatre grands du monde.

XXVI

Le pesant est la racine du léger ; La quiétude est maîtresse de l’agitation. Aussi le prince voyage-t-il tout le jour sans quitter son pesant fourgon. Devant les spectacles les plus magnifiques il reste calme et détaché. Comment le maître de dix mille chars pourrait-il se permettre de négliger l’empire ? Qui se conduit avec légèreté perdra la Racine de son autorité ; Qui s’agite perdra la maîtrise de soi.

XXVII

L’homme de bien est le maître de l’homme de non-bien. L’homme de non-bien n’est que la matière brute de l’homme de bien. Quiconque ne révère le maître ni la matière, s’égarera grandement en dépit de son intelligence. Là réside le secret de la sagesse{19}.

XXIX

Qui cherche à façonner le monde, je vois, n’y réussira pas. Le monde, vase spirituel{21}, ne peut être façonné. Qui le façonne le détruira. Qui le tient le perdra.

XXIX

tantôt les êtres vont de l’avant, tantôt ils suivent, tantôt ils soufflent légèrement, tantôt ils soufflent fort, tantôt ils sont vigoureux, tantôt ils sont débiles, tantôt ils restent fermes, tantôt ils tombent.

XXIX

C’est pourquoi le saint évite tout excès tout luxe et toute licence.

XXX

Celui qui se réfère au Tao comme maître des hommes ne subjugue pas le monde par les armes, car cette manière d’agir entraîne habituellement une riposte Où campent les armées poussent épines et chardons. Ainsi un homme de bien se contente-t-il d’être résolu, sans user de sa force. Qu’il soit résolu sans orgueil. Qu’il soit résolu sans exagération. Qu’il soit résolu sans ostentation. Qu’il soit résolu par nécessité. C’est en ce sens qu’il est résolu, sans s’imposer par la force.

XXXI

Les armes sont des instruments néfastes, elles ne sont pas des instruments de gentilhomme. Celui-ci ne s’en sert que par nécessité, car il honore la paix et la tranquillité et ne se réjouit pas de sa victoire.

XXXI

Celui qui prend plaisir à tuer les hommes ne peut jamais réaliser son idéal dans le monde.

XXXII

Le Tao est à l’univers ce que les ruisseaux et les vallées sont au fleuve et à la mer.

XXXII

Si les princes ou les seigneurs pouvaient adhérer au Tao tous les êtres du monde se soumettraient à eux.

XXXIV

  Le grand Tao s’épand comme un flot, Il est capable d’aller à droite et à gauche. Tous les êtres sont nés de lui sans qu’il en soit l’auteur. Il accomplit ses œuvres mais il ne se les approprie pas.

XXXIV

C’est parce qu’il ne connaît pas sa grandeur que sa grandeur se parachève.

XXXV

On regarde le Tao, cela ne suffit pas pour le voir. On l’écoute, cela ne suffit pas pour l’entendre. On le goûte, cela ne suffit pas pour en trouver la saveur.

XXXV

tout ce qui émane du Tao est monotone et sans saveur.

XXXVII

Si quelque désir surgissait parmi les êtres au cours de la transformation du monde, je les maintiendrais dans la limite du fond sans nom. Le fond sans nom est ce qui n’a pas de désir. C’est par le sans-désir et la quiétude que l’univers se règle de lui-même.

XXXVIII

Après la perte du Tao, vient la vertu. Après la perte de la vertu, vient la bonté. Après la perte de la bonté, vient la justice. Après la perte de la justice, vient le rite. Le rite est l’écorce de la fidélité et de la confiance, mais il est aussi la source du désordre. L’intelligence prévoyante est la fleur du Tao, mais aussi le commencement de la bêtise. Ainsi le grand homme s’en tient au fond et non à la surface, il s’en tient au noyau et non à la fleur il rejette ceci et accepte cela.

XL

Le retour est le mouvement du Tao. C’est par la faiblesse qu’il se manifeste. Tous les êtres sont issus de l’Être ; L’Être est issu du Non-Être.

XLI

Lorsqu’un esprit supérieur entend le Tao, il le pratique avec zèle. Lorsqu’un esprit moyen entend le Tao, tantôt il le conserve, tantôt il le perd. Lorsqu’un esprit inférieur entend le Tao, il en rit aux éclats ; s’il n’en riait pas le Tao ne serait plus le Tao.

XLII

 Le Tao engendre Un. Un engendre Deux. Deux engendre Trois. Trois engendre tous les êtres du monde.

XLIII

Le plus tendre en ce monde domine le plus dur. Seul le rien s’insère dans ce qui n’a pas de failles. À quoi je reconnais l’efficace du non-agir. L’enseignement sans parole L’efficace du non-agir, Rien ne saurait les égaler.

XLIV

Qui trop aime le renom doit le payer trop cher ; Qui trop amasse subit de lourdes pertes. Qui de peu se contente, évite toute insulte. Qui sait se refréner prévient les catastrophes. C’est ainsi qu’on peut vivre longtemps.

XLIV

Renom ou santé, quel est le plus précieux ? Santé ou fortune, quelle est la plus importante ? À gagner l’un en perdant l’autre : où est le pire ?

XLV

La perfection suprême semble imparfaite, Son action n’a pas de cesse ; La plénitude suprême semble vide, Son action n’a pas de limite.

XLVI

Pas de pire fléau que l’esprit de convoitise. Qui sait se borner aura toujours assez.

XLVI

Pas de plus grande erreur que d’approuver ses désirs. Pas de plus grand malheur que d’être insatiable.

XLVII

Sans franchir sa porte on connaît l’univers. Sans regarder par sa fenêtre on aperçoit la voie du ciel. Plus on va loin, moins on connaît.

XLVII

Le saint connaît sans voyager, comprend sans regarder, accomplit sans agir.

XLVIII

C’est par le non-faire que l’on gagne l’univers. Celui qui veut faire ne peut gagner l’univers.

XLIX

Avoir confiance en des hommes de confiance et aussi en ceux qui ne le sont pas, c’est posséder la confiance même.

XLIX

Être bon à l’égard des bons et bon aussi envers ceux qui ne le sont pas, c’est posséder la bonté même.

LI

Produire sans s’approprier, agir sans rien attendre, guider sans contraindre, voilà la vertu suprême.

LV

Connaître l’harmonie, c’est saisir le Constant Saisir le Constant, c’est être illuminé. L’abus de la vie est néfaste. Dominer le souffle vital par l’esprit c’est être fort.

LVI

Bloque ton ouverture, ferme ta porte, émousse ton tranchant, dénoue tout écheveau, fusionne toutes lumières, unifie toutes poussières, c’est là l’identité suprême.

LVII

Plus il y a d’interdits et de prohibition, plus le peuple s’appauvrit ; plus on possède d’armes tranchantes, plus le désordre sévit ; plus se développe l’intelligence fabricatrice, plus en découlent d’étranges produits ; plus se multiplient les lois et les ordonnances, plus foisonnent les voleurs et les bandits. C’est pourquoi le saint dit : Si je pratique le non-agir, le peuple se transforme de lui-même. Si j’aime la quiétude, le peuple s’amende de lui-même. Si je n’entreprends aucune affaire, le peuple s’enrichit de lui-même. Si je ne nourris aucun désir, le peuple revient de lui-même à la simplicité.

LVIII

Le monde n’a pas de normes, car le normal peut se faire anormal et le bien peut se transformer en monstruosité.

LIX

Pour gouverner les hommes et servir le ciel, rien ne vaut la modération, car seul celui qui pratique la modération obtiendra de bonne heure le Tao. Qui obtient de bonne heure le Tao acquerra double réserve de vertu ; qui acquiert double réserve de vertu triomphera en tout ; qui triomphe en tout ne connaîtra pas de limites à son pouvoir ; qui ne connaît pas ces limites peut posséder un royaume ; qui possède la mère du royaume peut le garder longtemps. Voilà ce qu’on appelle : « La voie de la racine profonde, de la base ferme, de la longue vie et de la vision durable. »

LXII

Le Tao est le fond secret et commun à tous les êtres, le trésor des hommes bons et le refuge de ceux qui ne le sont pas.

LXII

Pourquoi les anciens estimaient-ils tant le Tao ? N’est-ce pas grâce à lui que qui cherche trouve et que tout coupable se rachète ? C’est pourquoi il est en si haute estime dans le monde.

LXIII

La chose la plus difficile au monde se réduit finalement à des éléments faciles. L’œuvre la plus grandiose s’accomplit nécessairement par de menus actes.

LXIII

Qui promet à la légère tient rarement parole. Qui trouve tout facile éprouve nécessairement beaucoup de difficultés.

LXIII

Le saint tient tout pour difficile et ne rencontre finalement aucune difficulté{31}.

LXIV

Ce qui est en repos est facile à maintenir. Ce qui n’est point éclos est facile à prévenir.

LXIV

Le voyage de mille lieues commence par un pas.

LXIV

Souvent un homme qui entreprend une affaire échoue juste au moment de réussir. Quiconque demeure aussi prudent au terme qu’au début n’échouera pas dans son entreprise. Ainsi le saint désire le sans-désir. Il n’apprécie pas les trésors recherchés. Il apprend à désapprendre. Il se détourne des excès communs à tous les hommes. Il facilite l’évolution naturelle de tous les êtres sans oser agir sur eux.

LXV

Les anciens qui pratiquaient le Tao ne cherchaient pas à éclairer le peuple. Ils s’attachaient à le laisser dans l’ignorance. Si le peuple est difficile à gouverner cela vient de l’excès de son intelligence

LXVII

J’ai trois trésors que je détiens et auxquels je m’attache Le premier est amour, Le deuxième est économie, Le troisième est humilité. Amoureux, je puis être courageux, Économe, je puis être généreux,

LXVII

Quiconque est courageux sans amour, généreux sans économie et chef sans humilité, celui-là va vers la mort.

LXXI

Qui prend conscience de son erreur ne commet plus d’erreur.

LXXI

Le saint ne commet aucune erreur parce qu’il en prend conscience, voilà pourquoi il évite toute erreur.

LXXIV

Si le peuple ne craint plus la mort, comment la peine de mort lui ferait-elle peur ? Si l’on pouvait faire que le peuple craigne constamment la mort et si l’on pouvait saisir et mettre à mort tous ceux qui violent gravement les lois, qui oserait faire le mal ?

LXXV

Le peuple méprise la mort parce que sa vie est trop dure. Ce qui fait qu’il méprise la mort. Seul celui pour qui la vie n’est pas trop dure peut apprécier la vie.

LXXVI

La dureté et la rigidité sont inférieures ; la souplesse et la faiblesse sont supérieures.

LXXVI

Les hommes en naissant sont tendres et frêles, La mort les rend durs et rigides ; En naissant les herbes et les arbres sont tendres et fragiles, la mort les rend desséchés et amaigris. Le dur et le rigide conduisent à la mort ; le souple et le faible conduisent à la vie.

LXXVIII

Les paroles de Vérité semblent paradoxales

LXXVIII

Accepter toutes les immondices du royaume, C’est être le seigneur du sol et des céréales{35}. Accepter les maux du royaume C’est être le monarque de l’univers.

LXXVIII

La faiblesse a raison de la force ; La souplesse a raison de la dureté. Tout le monde le sait Mais personne ne peut le mettre en pratique

LXXXI

Les paroles vraies ne sont pas agréables ; les paroles agréables ne sont pas vraies. Un homme de bien n’est pas un discoureur ; un discoureur n’est pas un homme de bien. L’intelligence n’est pas l’érudition ; L’érudition n’est pas l’intelligence.

LXXXI

Le saint se garde d’amasser ; en se dévouant à autrui, il s’enrichit, après avoir tout donné, il possède encore davantage.

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