Livre de Laurent Huguelit et Olivier Chambon sur le Chamanisme
Highlights
DIALOGUE II Mythes et métaphores
J’utilise parfois Internet comme métaphore auprès des personnes qui viennent me voir pour leur expliquer le fonctionnement du chamanisme. Cela me permet d’expliquer ce que sont les autres mondes, parce que la réalité invisible dans laquelle voyagent les chamanes a beaucoup de points communs avec Internet : c’est une réalité dans laquelle sont « stockées » toutes les informations possibles et imaginables – et même au-delà –, et ce que nous faisons, ce que font les chamanes, c’est d’aller chercher ces informations. Un chamane fonctionne comme un programme de navigation sur Internet, comme Internet Explorer, si tu veux. Il peut par exemple passer d’un ordinateur à un autre, c’est-à-dire d’une personne à une autre, et naviguer dans le réseau.
Note
Nagual
DIALOGUE II Mythes et métaphores
si c’est, comment dire ?… moderne. D’ailleurs, je pense que le développement d’Internet a commencé au même moment que le (re)développement du chamanisme en Occident. La révolution informatique, les substances psychédéliques, l’écologie et les diverses approches spirituelles qui ont pris de l’ampleur dans nos pays, tout cela nous vient directement de la deuxième moitié du XXe siècle.
DIALOGUE II Mythes et métaphores
Donc les chamanes voyagent dans une toile, dans un réseau, et accèdent à de l’information, comme dans le Web18. Mais ce n’est pas quelque chose de virtuel : c’est une facette invisible de la réalité dans laquelle nous vivons et dans laquelle tout est relié. Nous pouvons l’appeler le « psychocosmos », l’« inconscient collectif », l’« au-delà », la « réalité non ordinaire » ou tout simplement l’« autre monde ». Peu importent les mots. Les chamanes sont des spécialistes du « surf » dans cette facette invisible de la réalité : ils partent en quête d’informations, d’énergies de guérison, etc. Et, dans cette quête, les esprits qui habitent l’autre monde guident les chamanes, ils leur montrent le chemin. Un peu comme Google. Les chamanes posent une question, et cette question va déterminer l’issue de leur quête dans l’autre monde.
DIALOGUE II Mythes et métaphores
Lorsque le chamane « surfe » dans l’autre monde, il n’y a ni temps ni espace, il a accès au passé, il a accès aux futurs potentiels — et je dis bien « potentiels » –, et tout cela est regroupé sous un terme technique : le voyage chamanique. Le voyage chamanique, c’est le surf des chamanes dans l’autre monde.
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Effectivement, les chamanes agissent dans l’autre monde, mais ils essayent – et je dis bien « essayent » – d’agir constructivement. C’est une problématique fondamentale. Tant donné que nous avons accès à ce réseau universel, jusqu’à quel point interférons-nous avec le flux naturel des choses ? Quand sommes-nous en harmonie avec ce flux ? Sommes-nous plutôt des « antivirus » avec une approche constructive, ou des hackers, des personnes en quête de pouvoir, des sorciers ? C’est la question éthique qui est centrale dans la pratique.
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Un chamane qui travaille pour le bien de sa communauté, dans une démarche constructive, est, d’une certaine manière, un bon antivirus. C’est pour cela que nous faisons des extractions chamaniques, que nous faisons sortir des esprits, des souvenirs, des traumatismes qui parasitent le fonctionnement de la personne.
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Ensuite, ce qu’il est fondamental de comprendre, c’est que l’accès à l’autre monde se fait par l’intermédiaire d’une carte. Dans les cultures traditionnelles, chaque culture, et même parfois chaque chamane, a sa carte de l’autre monde. La cartographie est très souvent déterminée par la culture et par des siècles d’expérimentation chamanique. C’est d’ailleurs pour cela que certaines personnes ont des difficultés à accepter qu’il y ait des chamanes en Occident. C’est que, traditionnellement, il y a une carte de l’autre monde qui est déterminée par l’environnement culturel. Dans nos cultures, nous avons oublié ces cartes, pour diverses raisons culturelles, religieuses, idéologiques, etc. Mais libre à nous d’en créer de nouvelles.
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En Amazonie, ce ne sera pas la même carte qu’au Mexique ou en Sibérie : pour chaque peuple, c’est différent, et pour chaque chamane, c’est différent. On pourrait presque dire qu’il y a sept milliards de chamanes sur Terre, parce qu’il y a sept milliards d’individus avec des conceptions différentes. Mais, ce qu’il y a derrière la carte, c’est-à-dire l’autre monde, dans son essence, c’est la même chose pour tous.
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Donc les chamanes voyagent dans l’autre monde, mais leur perception en est différente, et c’est pour cela qu’il est important de ne pas entrer dans des comparaisons superficielles et dire que telle culture est meilleure « chamaniquement parlant » qu’une autre. C’est simplement une question de cartographie de l’autre monde. Dans certaines cultures, les cartes sont clairement définies par les anciens chamanes qui les transmettent aux novices, alors que dans d’autres cultures, comme dans nos cultures modernes, il est important de laisser chacun créer sa propre carte. Mais les techniques chamaniques et l’autre monde sont les mêmes pour tout le monde. Sauf que j’ai mes croyances, j’ai mes esprits et j’ai ma manière de travailler qui ne sont pas forcément ceux d’un autre chamane.
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lors de mes voyages chez des peuplades traditionnelles, j’ai pu observer que la fascination des Occidentaux pour le chamanisme traditionnel est souvent liée à la carte. En fait, c’est cette carte qui fascine. Parce que lorsque la carte est bien définie, on s’y retrouve facilement. Le chamane explique tel phénomène, tel esprit rencontré ou monde exploré avec une cartographie qu’il connaît bien et qui est claire pour lui. Cette cartographie définit l’autre monde et permet au chamane de dire que « ça, c’est juste » ou « ça, c’est faux », « ça, c’est ce qu’il faut faire », « ça, c’est ce qu’il ne faut pas faire », etc. .
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Dans le chamanisme tel que nous le redécouvrons dans nos pays, nous créons notre propre carte, ce qui signifie aussi, d’une certaine manière, que nous avons une responsabilité par rapport à la carte que nous créons. Nous ne pouvons pas dire « oui, ce sont les anciens, ce sont les traditions, etc. ». Nous créons notre propre carte et nous devons la gérer. Gérer sa propre carte, c’est aussi une manière de récupérer sa propre force ou son propre pouvoir. Dans les chamanismes traditionnels, il faut souvent s’adapter à une carte donnée, ainsi qu’aux visions et aux esprits qui peuplent cette carte. Tandis que dans le chamanisme que je pratique, tout est ouvert, rien n’est imposé au départ : tout découle de la pratique, des expériences, des influences que l’on choisit au lieu de se les faire imposer. J’ai voyagé dans de nombreuses cultures chamaniques et je me suis intéressé à de nombreuses approches, mais en fin de compte, je n’ai intégré que les éléments qui correspondaient vraiment à ma manière de faire.
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D’ailleurs – et c’est une chose que je dis assez souvent en séminaire ou aux personnes qui viennent faire une séance chez moi –, un chamane qui impose des croyances, laissez tomber ! Est-ce que c’est vraiment cela que nous recherchons ?
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le chamanisme, c’est quelque chose pour les gens qui aiment la liberté. Je suis à 100 % d’accord avec lui. Mais la liberté n’est pas toujours quelque chose de facile à gérer. Nous vivons dans un monde où la liberté est idéalisée. Beaucoup de personnes se disent que c’est quelque chose de génial et que tout le monde veut être ou croit être libre, mais dès le moment où un individu commence à créer sa propre pensée, ses propres croyances ou sa propre manière de fonctionner, il entre dans un état de liberté et de responsabilité. Et le côté « responsable », nous avons tendance à vite l’oublier.
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Ce qui attire les gens dans le chamanisme traditionnel, c’est souvent le fait qu’on leur sert une cosmologie – c’est-à-dire une mythologie, une carte de l’expérience – sur un plateau.
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Tu payes et tu reçois une cosmologie, mais est-ce que c’est vraiment cela que tu recherches ? Est-ce que tu veux vraiment avaler aveuglément les croyances d’une autre personne, d’une autre culture ?
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Olivier : Souvent, les psychothérapeutes qui suivent religieusement une seule école pensent avoir raison et demandent aux patients d’agir selon les modèles de cette école et pas autrement. C’est beaucoup plus facile d’agir comme cela, parce que créer son propre modèle demande une certaine forme de responsabilité. De la vigilance et une bonne connaissance de soi sont également de rigueur. Cela veut dire créer à partir de soi et non pas laisser un modèle créé à l’avance venir envahir son esprit. C’est un point très important et c’est exactement la même chose dans un contexte chamanique ou transpersonnel.
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Laurent : Oui, c’est cela le plus difficile, je pense. C’est l’essence du débat entre les différents types de chamanisme traditionnel et les différents types de « néochamanisme », même si je n’aime pas du tout ce mélange de concepts, que je trouve péjoratif. On dit « le » chamanisme, mais je pense que ce sont « les » chamanismes. Il y a une multitude de chamanismes, et cela également en Occident. Il y a des approches qui sont très traditionnelles, mais il y en a également qui sont très intégratives et d’autres très ésotériques, voire très New Age. Et je ne dis pas cela péjorativement, c’est important de le comprendre. Je ne fais pas de jugement de valeur. Il y a des chamanismes très psychologiques également, axés sur des questions de comportement, sur une déconstruction des schémas de pensée, etc
DIALOGUE II Mythes et métaphores
Mais on oublie l’essentiel dans tout cela : c’est-à-dire que le chamane est une personne qui travaille en état modifié de conscience avec des esprits. La voilà, la définition de base, et elle est souvent oubliée, parce qu’elle est plus dérangeante que lorsque la question des esprits est occultée et reléguée au folklore.
Note
Définition
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les médecins font toujours le serment d’Hippocrate. Laurent : Le fait de prêter serment, cela peut être considéré comme une forme de rituel chamanique : c’est une communion spirituelle avec le fondateur de la discipline. Olivier : Voilà ! Ce sont ces origines chamaniques que l’on a oubliées. Regarde le caducée : c’est un symbole chamanique qui est encore aujourd’hui utilisé pour labelliser différentes disciplines de la santé, comme la pharmacie.
DIALOGUE II Mythes et métaphores
Bref, le fonctionnement de notre société et ses rapports avec le religieux et la science nous ont conditionnés à isoler une partie du savoir et à en faire une sorte d’absolu totalitaire. Le fonctionnement du corps tel qu’il est décrit par la médecine moderne a créé une vision morcelée des pathologies. Nous avons alors fini par croire qu’il n’y avait plus que cela de vrai et d’utile, qu’il n’y avait plus que cela de respectable, et de légal même. Je trouve cela grave ! Et maintenant, à travers ce livre, à travers de nombreux débats et discussions qui ont lieu dans tous les milieux concernés, nous sommes justement en train de redéfinir tout cela, pour décloisonner nos croyances limitées et, surtout, pour ouvrir nos cœurs et nos esprits.
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pour moi, la question de la cartographie, de la cosmologie, est Tune des questions les plus importantes, parce que si nous voulons nous comprendre, nous devons clarifier le langage que nous utilisons.
DIALOGUE II Mythes et métaphores
c’est cela qui est fondamental : l’accès à ces réalités n’est pas un phénomène limité aux cultures traditionnelles et à leurs cartes transmises de génération en génération. Laurent : Et, chose intéressante, le chamanisme tel qu’il se développe dans nos pays est en train de devenir un peu comme celui des cultures traditionnelles – c’est-à-dire que c’est la jungle. Il y a tout ce que l’on veut, et c’est comme ça, il n’y a pas à juger
DIALOGUE II Mythes et métaphores
On essaye parfois – et surtout dans les milieux académiques — d’en faire un truc très pur dans lequel on va dire : « Lui, c’est un chamane, c’est certifié, c’est écrit en gros caractères sur son front… Mais lui, par contre, ce n’est pas un chamane, il a pas la tête de l’emploi…» Mais, dans le fond, chacun est libre de faire ce qu’il en veut, tout comme chacun est libre de se définir comme il le souhaite.
DIALOGUE II Mythes et métaphores
Dans les définitions classiques du chamanisme, il y en a une qui dit qu’un chamane, c’est quelqu’un qui a des résultats. C’est également une personne qui est considérée par sa communauté comme étant un chamane, et ces deux choses sont très importantes : les résultats et la reconnaissance. En toute franchise, je suis un peu timide par rapport au fait d’être étiqueté « chamane ». Je dis parfois « praticien chamanique », mais c’est une sorte d’euphémisme.
DIALOGUE II Mythes et métaphores
Ça me gêne presque parfois que l’on m’appelle « chamane », mais dans le fond… Nous avons été tellement conditionnés pendant des siècles à avoir honte de faire ça, à devoir se cacher, à devoir se justifier. Pour finir, nous en sommes arrivés au point où il y a une sorte de « complexe d’infériorité chamanique », une « névrose chamanique ».
DIALOGUE II Mythes et métaphores
en Suisse romande par exemple, certains guérisseurs pratiquent ce que l’on appelle le « secret ». C’est devenu quelque chose de secret parce que ces gens ont dû se cacher… pendant des siècles. Olivier : Pourtant, aujourd’hui tout cela refait surface. Les « secrets » sont enfin à nouveau révélés. Des méthodes bien diffusées, telles que le « toucher thérapeutique », ont démontré leur efficacité par des études contrôlées.
DIALOGUE II Mythes et métaphores
c’est important parce que tous les gens ont, inscrites en eux, dans leur ADN, des capacités soignantes. Bien sûr, tout le monde ne devient pas un grand guérisseur, parce que c’est un peu comme faire du sport : tout le monde peut en faire, mais tout le monde ne devient pas champion olympique. Certaines personnes, même parmi les professionnels de santé, n’oseront jamais se dire guérisseur ou magnétiseur : elles auront un complexe, seront incrédules, alors que tout le monde peut l’être à partir du moment où l’on applique ses mains sur une personne et que l’on apprend à diriger son intention, à se concentrer.
DIALOGUE II Mythes et métaphores
De même, à mon avis, à partir du moment où l’on a utilisé une fois un esprit pour soigner quelqu’un, on est chamane.
DIALOGUE II Mythes et métaphores
Je suis à la fois d’accord et pas d’accord avec ce que tu dis, Olivier. Oui, toute personne peut travailler énergétique-ment, toute personne peut développer sa spiritualité, j’en suis convaincu. D’ailleurs, dans les cultures traditionnelles, comme par exemple chez les Huichols, toute la communauté participe aux rituels chamaniques : les enfants, les femmes, les anciens, tout le monde participe. Tout le monde fait du chamanisme. Mais, dans un groupe, il y a quand même une ou deux personnes qui sont garantes de l’équilibre spirituel de la communauté, et ce sont eux les chamanes au sens propre du terme.
DIALOGUE II Mythes et métaphores
Laurent : Les techniques, tout le monde peut les apprendre. Pour autant, on ne choisit pas les gens qui vont devenir chamanes : ça se fait tout seul. Il ne faut pas oublier qu’un chamane, c’est une personne qui travaille avec des esprits. Je vais le répéter plusieurs fois, mais c’est important, parce que je crois que c’est un truc que tout le monde n’a pas encore compris dans nos pays. Ce sont les esprits qui choisissent la personne qui sera chamane. Ce n’est pas moi qui vais dire « Olivier sera un chamane » ou « Untel sera un chamane ». La personne qui sera appelée à faire cela recevra un « message » qui sera clair pour elle.
DIALOGUE II Mythes et métaphores
Traditionnellement, les gens qui sont appelés par les esprits savent pourquoi ils sont appelés. Ça peut être lié à la famille, à la tradition, mais ça peut également être quelque chose qui tombe du ciel. Il est souvent dit que les chamanes se font foudroyer. C’est une métaphore pour dire qu’il y a un événement à un moment ou à un autre de la vie qui fait que l’on est appelé. C’est la première chose. La deuxième chose, c’est que toutes les personnes qui font du chamanisme, y compris les chamanes traditionnels reconnus comme tels, sont des personnes qui ont, d’une manière ou d’une autre, souffert, connu la maladie, échappé à la mort, etc. En anglais, le terme wounded healer est employé à ces fins et signifie « guérisseur qui a lui-même été blessé ».
DIALOGUE III Présentation du chamane
Laurent : Une vie normale, c’est faire des études et ensuite avoir un travail comme tout le monde. Pour moi, cela pourrait signifier faire du journalisme ou être prof, ou travailler dans une entreprise ou dans l’administration. Ce sont des choses que j’ai faites et dont j’ai gardé l’expérience. Mais j’ai ensuite cessé de mettre cela au centre de ma vie pour me consacrer au chamanisme, à l’écriture et à différentes formes de création artistique.
DIALOGUE III Présentation du chamane
Lorsque j’étais adolescent, j’ai commencé à pratiquer spontanément le chamanisme. Je faisais des voyages chamaniques et j’utilisais certaines plantes avec une grande assiduité, mais sans vraiment savoir que c’était du chamanisme. Disons que j’étais un peu ignorant sur le plan conceptuel : je ne savais pas que tout cela s’appelait « chamanisme ». C’est seulement après coup – lorsque j’ai commencé à lire de la littérature spécialisée – que je me suis rendu compte que mes pratiques étaient similaires à celles décrites dans les livres d’anthropologie et que cela s’appelait chamanisme. Petite parenthèse en passant : le terme « chamanisme » est un peu une imposture, parce que ce sont les anthropologues qui ont commencé à utiliser ce terme pour qualifier toute une série de pratiques, mais le terme « chamane » vient de Sibérie à l’origine… C’est par l’usage que ce terme est devenu générique et populaire.
DIALOGUE III Présentation du chamane
J’ai travaillé dans le Sud du Mexique, où j’ai eu l’occasion de partager la vie d’une peuplade traditionnelle dans la jungle du Chiapas. Cette première expérience sur le terrain a radicalement changé ma manière de voir les choses. J’ai ensuite passé sept ans à développer ma discipline personnelle : j’ai appris le yoga dans un contexte monastique et je l’ai enseigné. J’ai pratiqué la méditation Vipassana22 du bouddhisme Théravada.
DIALOGUE III Présentation du chamane
Olivier : Et comment as-tu mis en place ta pratique, comment as-tu fait pour te faire connaître et permettre aux gens intéressés de venir se faire soigner chez toi ? Laurent : En fait, c’est tout simple : j’ai ouvert un centre de chamanisme dans le Jura suisse où je soigne des gens. Et je fais cela à un rythme qui n’est pas « industriel » : j’essaye de respecter le rythme des personnes tout en respectant le mien aussi ; c’est-à-dire que je ne prends pas quinze mille personnes par semaine. J’essaye d’en prendre quelques-unes, et le reste du temps j’enseigne les techniques chamaniques – celles qui me semblent les plus simples et les plus efficaces – et je travaille en free-lance dans des domaines totalement différents. Cela me permet de rester fermement en contact avec le monde qui m’entoure, ce qui est très important.
DIALOGUE III Présentation du chamane
Tu as dit quelque chose de très important tout à l’heure, quand tu parlais du chamane : il faut que ce dernier soit efficace, c’est capital. Pourquoi est-ce si important ? Parce que quand j’essayais de mettre en avant les thérapies intégratives et éclectiques, c’était ça l’essentiel : utiliser tout ce qui fonctionne. Je me fiche des théories, à la limite, du moment que ça marche. Mais il est essentiel d’utiliser les techniques intelligemment. C’est ça, le principe : utiliser tout ce qui est efficace. Ensuite, s’il y a des résultats, il s’agit d’être créatif et inventif, sans tomber dans un délire personnel. C’est très important !
DIALOGUE III Présentation du chamane
Nous pourrions très bien, de la même manière, évaluer scientifiquement les thérapies chamaniques. Je suis certain que les résultats seraient très bons. Il suffirait de faire des statistiques sur les gens qui sont venus, qui ont été satisfaits, etc. Dans le fond, ce n’est pas un problème qui est en rapport avec la science ou avec des résultats à prouver, c’est un problème de prétendue normalité. Nous n’étudions que ce que nous trouvons « normal » : c’est un dogme. Il ne s’agit pas de science dans ce cas, mais plutôt de scientisme, c’est-à-dire d’adhésion à la religion matérialiste qui dit que tout n’est que matière, et qui refuse d’examiner scientifiquement tout phénomène n’entrant pas dans sa définition restreinte du monde.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Laurent : Dans le chamanisme, il est question de se ressentir comme faisant partie d’un tout, de la nature, d’un écosystème qui vit avec nous et auquel nous participons. Robert Anton Wilson, un auteur américain très iconoclaste, dit que la spécialisation, c’est pour les insectes. Olivier : Il a raison ! (Rires.) La médecine occidentale est une discipline totalement cloisonnée, totalement fragmentée, dans laquelle il y a un réel manque de vue globale : à tel point que j’aurais pu être médecin psychiatre sans faire de psychologie. Les études de psychologie en médecine sont réduites à… rien. Enfin, il y a des bases, mais ces bases sont totalement insuffisantes pour permettre une application
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
médecine occidentale plutôt mécanique, et médecine traditionnelle et chamanique, plutôt énergétique. C’est cette vision énergétique qui s’oppose à une vision mécaniste de l’individu. Je pense que nous sommes bien plus qu’une machine, bien plus.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Les TCC fonctionnent bien dans l’ensemble, c’est vrai, mais pas toujours : il y a eu des études scientifiques sur le sujet. Par contre, ce n’est pas le cas de la thérapie psychanalytique, qui marche très peu, pour un investissement en temps et en argent disproportionnés par rapport à son efficacité. Les psychanalystes disent que l’évaluation est difficile à mettre en œuvre, parce que, pour eux, ce qui est évaluable, c’est le processus. Mais à quoi cela sert-il d’évaluer le processus ? Doit-on évaluer les thérapies en se fondant sur la rhétorique sans savoir si elles sont finalement utiles au niveau des soins ou de la guérison ? L’évaluation ne doit-elle pas plutôt servir à détecter les thérapies efficaces et à les mettre en valeur ?
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Le chamanisme fait appel à l’invisible mais a des résultats visibles, à l’inverse de la psychanalyse qui est une pratique visible aux résultats invisibles. (Rires.)
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
La psychologie moderne s’est arrêtée à ce qui est individualisé, séparé et sans liens avec l’univers. Pourtant, au-delà de l’ego avec sa biographie individuelle, au-delà d’une présence isolée de l’homme dans un monde matériel où il n’y aurait rien d’autre, la psychothérapie transpersonnelle ou le chamanisme permettent un travail avec l’énergie, l’invisible, les esprits, les états modifiés de conscience, dans le temps – passé, futur – ou dans l’espace – guérison à distance. Nous entrons là dans une autre dimension thérapeutique.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Olivier : Je dirais que du point de vue de la psychologie transpersonnelle, la psychanalyse est une méthode inventée par un névrosé, qui est névrosante pour ceux qui la pratiquent et qui amplifie les névroses de ceux qui la subissent. Je vais me faire tuer là ! (Rires.)
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Quand je dis que la psychanalyse est un truc de névrosé, j’exagère, bien sûr. J’amplifie le phénomène, mais elle a quand même pour effet, à mon avis, de renforcer l’ego des gens. Je suis dur avec la psychanalyse, mais si je le suis, c’est parce qu’elle a été dure avec les autres psychothérapies en général, dans une volonté d’hégémonie. Cela dit, ce que je critique surtout, c’est la psychanalyse en tant que méthode thérapeutique, parce qu’elle fournit quand même beaucoup de concepts fondamentaux et de théories utiles pour comprendre l’être humain.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Je serais quand même curieux de savoir ce qui se serait passé dans le génie de Freud s’il avait pris des plantes psychédéliques avec des chamanes. Il aurait peut-être ouvert son esprit et découvert des éléments particuliers de la conscience ou d’autres potentialités du soin, comme Jung a pu le faire par exemple. Mais justement, Freud a fait l’inverse, il a pris des drogues « limitantes » : de la cocaïne et du tabac. Il fumait vingt cigares par jour ! Il fut l’un des premiers cocaïnomanes et a lui-même mis en évidence les pouvoirs anesthésiants de la cocaïne. Il en prescrivait même à de nombreux patients… Le pauvre a fini sa vie sous morphine, tant les douleurs que lui causait son cancer de la mâchoire étaient insupportables.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Laurent : Mais, tout de même, le tabac et la coca sont des plantes chamaniques. La différence avec la consommation pure « à la Freud », c’est que lorsque ces plantes sont utilisées dans un contexte chamanique, ce n’est pas un rapport pathologique ou d’addiction à la substance. Les chamanes apprennent à connaître et à apprivoiser les plantes. Ils travaillent directement avec l’essence spirituelle des plantes, avec leurs esprits respectifs. Ce n’est pas juste une interaction moléculaire ou un rapport de consommation pure et dure : c’est un rapport intime avec le monde qui les entoure
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Pour reprendre l’exemple du tabac, beaucoup de chamanes fument ou utilisent du tabac de diverses manières, mais c’est avant tout un outil de travail pour eux, ce n’est pas une relation de dépendance à la plante. C’est une relation d’esprit à esprit. Et pour la coca, c’est la même chose : les Indiens des Andes utilisent la coca dans un contexte chamanique depuis des milliers d’années, ce qui n’a absolument rien à voir avec la consommation de cocaïne telle que nous l’observons dans nos pays. En plus de cela, c’est une plante qui est liée à leur survie non seulement spirituelle, mais également physique26. Elle est leur esprit allié, dans un environnement de vie particulièrement difficile. Là aussi, c’est une relation d’esprit à esprit.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Ce sont les esprits qui initient les chamanes, et ce ne sont pas les livres ni les êtres humains qui le font – c’est là ma propre croyance. Je crois que cette thématique est au centre de la définition de ce qu’est le chamanisme, et elle est souvent occultée ; c’est à mon avis le dernier rempart – un rempart intellectuel – qui nous sépare d’une vraie perspective chamanique. Il est important de parler des esprits parce que beaucoup de personnes se remettent à pratiquer dans nos pays. Mais si l’on ne croit pas aux esprits ou que l’on ne travaille pas avec des esprits, ce n’est pas vraiment du chamanisme. Il est bien sûr possible d’entrer dans une approche symbolique, c’est-à-dire que dans ce cas les esprits sont considérés comme des symboles représentant l’inconscient ou certaines parties de notre monde intérieur… Mais tout cela, ce n’est pas non plus du chamanisme. Dans le chamanisme, les esprits existent et ils ont une réalité autonome à l’extérieur de nous. Ce ne sont pas des « images » qui sont à l’intérieur de nous, ce ne sont ni des symboles mentaux, ni des constructions de notre imagination.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Une question qui revient souvent, c’est : « Mais quand on fait un voyage chamanique, est-ce qu’on voyage dans l’inconscient ? » Et j’y réponds : « Oui, mais pas seulement. » Une partie du voyage chamanique peut avoir lieu dans l’inconscient et peut faire remonter des souvenirs, des traumatismes, etc. Néanmoins, les chamanes voyagent bien au-delà du « monde intérieur ». Christian Ratsch, un anthropologue et ethnobotaniste allemand, a expliqué cela en disant que « la différence entre un moine bouddhiste et un chamane, c’est que le chamane voyage à l’extérieur »
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
voyage chamanique, ce n’est pas juste un « trip intérieur » ou une méditation ; c’est vraiment un travail actif – et je souligne « actif » – dans lequel on choisit d’aller bien au-delà de ce que nous considérons comme notre petit « monde intérieur ». Si je vais me promener dans la personne qui est couchée devant moi pour voir s’il y a des choses à extraire en elle, je ne voyage certainement pas dans mon imaginaire. Bien sûr, on peut dire que l’accès à l’extérieur est à l’intérieur, mais là, on joue avec les mots. Il y a un titre de livre publié récemment qui illustre bien cela : Inner Paths to Outer Space27, ce qui signifie « les chemins intérieurs vers l’espace infini ». Selon ces recherches, qui sont à l’avant-garde chamanique, il est évident que le voyage chamanique permet de se déplacer sans limites vers des mondes et des univers qui transcendent notre idée un peu stéréotypée du « voyage intérieur ».
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Laurent : Un esprit, c’est un être qui vit dans ce que l’on appelle « l’autre monde ». Alors l’autre monde, qu’est-ce que c’est ? En toute franchise, je n’en sais rien, et plus je pratique, moins je sais comment le définir. En lisant des livres, nous allons apprendre que l’autre monde, c’est le « psychocosmos », c’est l’« inconscient collectif », c’est l’« au-delà », c’est la « réalité non ordinaire », etc. Nous pouvons lui donner plein de noms différents selon l’approche que nous en avons. Mais, en fin de compte, l’autre monde, c’est tout cela et bien plus encore. Certains spécialistes pensent la même chose que moi, comme par exemple l’anthropologue Luis Eduardo Luna. Ce dernier affirme que l’autre monde dépasse complètement les cadres dans lesquels nous cherchons à renfermer : le cadre psychanalytique, le cadre de la méditation, le cadre symbolique, etc. Et même, à mon avis – en forme de boutade –, le cadre chamanique. L’autre monde, c’est tout : il y a tout dedans. Nous vivons dans l’autre monde, mais nous ne le voyons pas lorsque nous sommes dans un état de conscience « normal ». Nous l’appelons « l’autre monde », mais c’est simplement la face invisible de l’univers dans lequel nous existons. Les mots sont terriblement limités pour en parler. L’autre monde est en même temps dedans et en même temps dehors, simultanément passé et en devenir, à la fois proche et éloigné, etc
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Finalement, ce qu’il est important de comprendre et qui est fondamental, c’est que notre intention détermine la manière dont nous percevons l’autre monde. C’est notre intention qui détermine l’issue du voyage chamanique, qui lui donne un sens et une structure. La chose la plus importante dans la pratique chamanique, c’est d’avoir une intention claire.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Quand nous faisons un voyage chamanique, que ce soit avec ou sans plantes, si nous n’avons pas d’intention, nous allons partir dans toutes les directions. C’est un peu le problème de la pratique chamanique en Occident où il n’y a pas toujours la discipline nécessaire pour avoir des intentions claires. Mais si l’intention est claire, qu’il y a une question précise à poser, un problème concret à résoudre, alors le voyage dans l’autre monde sera clarifié et aura un résultat clairement visible.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
A plus forte dose, nous parlons d’effet psychédélique parce que cela n’ouvre plus seulement sur l’intérieur, mais aussi sur l’extérieur, c’est-à-dire que des canaux de perception s’ouvrent, comme si des antennes étaient ajoutées sur un toit permettant de capter de nouvelles chaînes. A ce moment-là, l’invisible devient visible : l’énergie, les forces et les consciences présentes dans ce que tu appelles « l’autre monde » deviennent visibles, palpables, et peuvent être utilisées par la personne.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Les substances et plantes psychédéliques peuvent, à faible dose, favoriser l’accès à l’inconscient de la personne, et nous parlons ainsi « d’effet psycholytique ». Il est alors possible de faire une « turbo-psychanalyse », si je peux me permettre le terme
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Donc voilà la différence entre les effets psycholytiques et psychédéliques. La même différence existe entre intégratif et holistique ou entre non chamanique et chamanique.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Pour continuer la réflexion à propos de ce qu’est un esprit, on pourrait dire qu’il s’agit d’un puissant champ d’énergie vibrante. Notre conscience est en interaction avec une multitude de ces champs énergétiques, et dans le chamanisme cette interaction est clairement mise en évidence. Notre conscience subit l’influence de ces champs, mais elle peut également agir dessus.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Peut-être même que ces champs ne sont constitués ni de matière ni d’énergie. .. En tout cas, ce qui est intéressant pour concevoir l’esprit humain et les esprits en général, c’est que ces champs en question sont comme des courants circulant partout dans l’univers et sur lesquels notre conscience se branche et crée la réalité. Ces courants étant partout, ils n’appartiennent à personne et représentent un infini de possibilités. Comme ils sont accessibles à chacun, le chamane a la faculté de naviguer et d’interagir avec ces courants d’énergie
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Si nous parlons d’« esprits » pour qualifier de tels courants ou champs d’énergie vibrante, c’est parce que notre conscience filtre l’information provenant de ces champs, en quelque sorte, et ils nous apparaissent non pas dans leur forme brute, mais en fonction de ce qui nous parle à nous, selon notre culture, nos connaissances, etc. C’est pour cela que les esprits prennent une forme particulière, et qu’un tel les verra sous une forme et un autre, sous une forme différente.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Laurent : C’est passionnant ce que tu racontes, mais il faut dire que les chamanes ne se posent généralement pas toutes ces questions : un esprit, c’est un esprit, point !
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Toute spéculation sur la nature de l’autre monde et de la réalité est intéressante. C’est notre côté rationnel : nous voulons comprendre, définir, saisir la chose conceptuellement. Mais au moment de pratiquer, il faut faire taire le spéculatif et entrer dans l’action.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Dans la pratique, ma définition des esprits est très simple : ce sont les habitants de l’autre monde ; et étant donné que tout est stocké dans l’autre monde, nous pouvons y rencontrer des morts ou des personnages fantastiques, par exemple. Ce sont des exemples classiques « hollywoodiens ». Mais il y a plein d’autres choses qui sont stockées dans l’autre monde. Nous avons accès à une mémoire universelle, à un stock illimité d’informations. Les esprits sont donc les habitants de ce monde, et les chamanes, ce sont des personnes qui travaillent avec ces esprits, ni plus, ni moins.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
chamanes ne font pas grand-chose finalement, parce que ceux qui font la plus grande partie du travail, ce sont les esprits. Le chamane est juste là pour coordonner les actions et pour observer ce qui se passe, afin de ramener des informations dans la réalité dite « ordinaire ». Il ouvre et ferme les vannes de l’expérience chamanique.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Le « grand chamane » qui soigne les gens avec son pouvoir, c’est un mythe. C’est un mythe égocentrique, et il est très important de comprendre cela. Le chamane qui dit : « C’est moi qui fais le travail », est un chamane qui surestime sa propre importance. Un chamane qui fait son travail avec honnêteté ne dira jamais : « J’ai soigné la personne. » Je le répète : ce sont les esprits qui soignent la personne. Ça fait un peu mal à l’ego, mais c’est tant mieux !
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Dans le Monde d’en bas et dans le Monde d’en haut, il y a des esprits spécialisés qui peuvent nous aider parce qu’ils sont libérés des contraintes du temps et de l’espace, ainsi que de l’ego. Harner les appelle compassionate spirits, les esprits compatissants, parce que c’est par compassion qu’ils nous aident, sans rien demander en retour.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Dans le Monde du milieu, il y a également des esprits spécialisés, mais ils ont encore de forts liens avec la réalité matérielle, ils ont un ego, des désirs, etc., ce qui fait qu’ils sont plus complexes à gérer et que, bien souvent, il faut leur « payer » leurs services d’une manière ou d’une autre. D’où les offrandes, les pactes avec des plantes, etc.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
quand je vois le travail des guérisseurs philippins ou des chirurgiens brésiliens à mains nues, je me rends compte qu’ils racontent tous la même chose. Ils disent qu’ils sont possédés lors de leur transe et que quelqu’un d’autre, un esprit, fait le travail à leur place, qu’ils ne sont qu’un « canal ».
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Ce ne sont donc pas seulement les chamanes qui travaillent avec les esprits, mais toute personne qui s’intéresse à ce qui est au-delà de l’homme isolé, au-delà de cette perception selon laquelle l’homme serait seul au monde et dans l’univers et qu’il serait la seule forme d’intelligence dans un monde purement matériel.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Les psychédéliques ouvrent des canaux donnant accès à des possibles. Dans le même ordre d’idées, les chamanes sont des « ouvreurs de canaux ». Nous parlions d’Internet tout à l’heure et, dans le même registre, je pourrais dire que les chamanes sont comme des personnes qui branchent des antennes, qui câblent l’information via un système et qui peuvent s’en servir.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Laurent : Comme tu l’as dit, ce ne sont pas seulement les chamanes qui font ce travail et travaillent avec des esprits, mais ce sont eux qui ont la primeur, historiquement parlant, si je puis dire. Et il est important de comprendre que tout cela existe depuis très longtemps : nous n’inventons rien. Il n’y a pas de nouvelle technique révolutionnaire inventée par Untel – il est important de s’en souvenir. Tout ce que nous faisons dans le travail cha-manique se fait depuis des dizaines de milliers d’années. Le type qui débarque avec un livre ou avec un nouveau concept et qui dit qu’il l’a inventé, c’est un menteur. Nous ne faisons qu’utiliser des techniques ancestrales.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Pour la question de l’ego, les chamanes utilisent des techniques vieilles comme le monde et laissent les esprits travailler : deux bonnes raisons de ne pas entrer dans un « ego trip ».
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Olivier : C’est la même chose pour les psys : de nombreuses psychothérapies reposent sur des thérapies et techniques traditionnelles. Par exemple, les techniques psychocorporelles sont issues des techniques traditionnelles de massage. Je pense aussi à l’EMDR, qui est une technique qui fait beaucoup parler d’elle actuellement. Dans le yoga, il y a des techniques de mouvements oculaires qui y ressemblent beaucoup. Une autre technique récente de psychothérapie, la MBCT31, est également issue de la méditation traditionnelle indienne. De même pour l’hypnose, qui vient aussi du chamanisme. En ce sens, la médecine psychiatrique et les techniques de psychothérapie ont eu tendance à morceler les techniques issues des thérapies traditionnelles. J’ajouterais que la plupart des médicaments de l’industrie pharmaceutique dérivent directement des plantes. Le point de départ de toute recherche chimique, de toute mise au point d’une nouvelle molécule médicamenteuse, ce sont les plantes. Mais malgré cela, étonnamment, la médecine traditionnelle et la phytothérapie demeurent taboues aux yeux des médecins scientifiques
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
« big pharmas » n’hésitent pas à aller piller le savoir des Indiens d’Amazonie -d’ailleurs, l’ayahuasca32 a failli être breveté pour ses propriétés médicinales ! Heureusement, les organisations indigènes font tout pour protéger leurs connaissances.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Dès le moment où un chamane commence à dire « avec mon pouvoir, je sauve les gens, avec mon pouvoir, je fais ceci ou cela…», ce n’est pas bon signe.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Ce qui fait qu’un chamane parvient à avoir des résultats, c’est simplement sa capacité à être complètement vide pendant la pratique. Plus on est vide et plus on est ouvert aux forces de la nature, plus le travail spirituel peut se faire. A tel point que lorsque je reviens de certains voyages chamaniques, je dois parfois faire un effort pour me remémorer ce que j’ai vu avant de le transmettre à la personne.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
ce n’est donc pas la personne qui va pomper la force du guérisseur lui-même. La personne se laisse juste porter par l’intelligence de son corps et son guérisseur intérieur fait le travail, c’est tout. Les guérisseurs, par exemple, racontent qu’ils redonnent le pouvoir au propre guérisseur intérieur de la personne, et c’est tout. C’est très important. Il s’agit tout simplement de retrouver confiance en soi. L’estime de soi permet de s’accepter pleinement tels que nous sommes et de trouver l’amour pour soi, ce qui est fondamental pour aller vers les autres. La confiance en soi ne peut s’épanouir que comme cela.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Pouvoir compter sur soi-même face aux aléas et aux défis de la vie est un gage d’autonomie et de liberté. La personne a besoin de retrouver foi en elle et en la vie, et elle va retrouver de cette force grâce au travail du guérisseur.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
L’impression que j’ai, dans nos pays, c’est qu’étant donné que le chamanisme a été diabolisé, autant par la science rationnelle que par l’Église, maintenant que de nombreuses personnes recommencent à travailler au grand jour avec des esprits, il y a une force potentielle gigantesque. Pendant des siècles, nous avons créé un barrage mental en niant l’existence de ces pratiques, et maintenant, en (re)pratiquant le chamanisme en Occident, nous sommes en train d’ouvrir une brèche. La puissance de ce qui passe à travers cette brèche est phénoménale. Les esprits n’attendent qu’une chose, c’est de nous aider.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Comme je l’ai déjà expliqué, dans la cosmologie la plus simplifiée et universelle – et qui n’exclut certainement pas les autres –, il y a trois mondes. Le Monde d’en bas et le Monde d’en haut sont des mondes qui sont indépendants des questions de pouvoir ou d’ego. Les esprits qui vivent dans ces mondes-là sont des « esprits neutres ». Ce sont les esprits avec lesquels je travaille, parce qu’ils ont une perception des choses qui dépasse les questions de pouvoir, justement. Tandis que les esprits qui vivent dans le Monde du milieu ne sont pas des esprits neutres : ils ont un ego, une volonté, des désirs, etc. Parmi ces esprits du Monde du milieu, il y a les plantes chamaniques. C’est un sujet passionnant et controversé. C’est pour cela que dans certaines formes de chamanisme, les plantes chamaniques ne sont pas utilisées. Pourquoi ? Parce que dès le moment où l’on entre en relation avec des esprits du Monde du milieu, une relation complexe se crée, dans laquelle l’esprit nous donne quelque chose, tout en attendant quelque chose en retour
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Le meilleur exemple de cette interaction paradoxale, c’est le tabac, qui est l’une des plantes chamaniques les plus puissantes, mais qui est aussi l’une des plantes qui tuent le plus de personnes. Le tabac est extrêmement puissant, mais également extrêmement dangereux. A mon avis, c’est l’exemple parfait du Monde du milieu : c’est le roi du Monde du milieu… avec le café, bien entendu !
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Mon opinion est qu’avant d’approfondir la pratique chamanique, il faut savoir à quels types d’esprits nous avons affaire. C’est cela qui fait la spécificité des chamanes : ce sont des spécialistes des esprits. Arriver à reconnaître un esprit avec lequel tu peux travailler, c’est toute une pratique dans laquelle la naïveté et l’idéalisme n’ont pas leur place.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Dans les relations de pouvoir, il y a toujours un consentement mutuel, même s’il est dans beaucoup de cas inconscient.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Donc ce n’est pas « de la faute à l’esprit » ou « de la faute au Monde du milieu », mais c’est une interaction complexe dans laquelle les motifs cachés sont souvent difficiles à percevoir – ou à comprendre.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Chez les peuples traditionnels, beaucoup de pratique chamanique, de rituels ou de cérémonies ont lieu dans le Monde du milieu. Ces contextes chamaniques sont très complexes, avec beaucoup d’histoires de pouvoirs entre les chamanes, entre les esprits, etc. Bien souvent, nous avons tendance à réduire le chamanisme à ces histoires de pouvoir et à ces approches-là, comme s’il n’y avait que cela : des plantes et du pouvoir.
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Finalement, chaque personne doit se positionner face à une question fondamentale : qu’est-ce que je recherche dans tout cela ?
DIALOGUE IV Les médecins et les psys
Lis le Faust de Goethe : c’est là l’essence du Monde du milieu, l’apprenti chamane qui ne sait plus si c’est l’esprit qui prend le chamane ou le chamane qui prend l’esprit…
DIALOGUE VI Les portes de la perception
beaucoup de gens voulant faire du chamanisme aujourd’hui ont tendance à commencer par le Monde du milieu ; c’est-à-dire qu’ils commencent par le plus difficile. Pourquoi commencer par le plus difficile ? Parce que c’est le plus attrayant et qu’il est lié aux plantes chamaniques, qui elles-mêmes sont fort attrayantes. Elles sont également appelées « plantes de pouvoir », et ce n’est pas pour rien : elles nous donnent un pouvoir qui nous manque. Mais à partir du moment où tu as compris que ce pouvoir est en toi, tu n’as plus besoin de la plante pour y accéder. C’est également valable, par exemple, pour les plantes stimulantes : lorsque tu apprends à utiliser ton corps et tes capacités, tu peux te passer de la caféine, de la nicotine, etc. Petite parenthèse : j’adore les plantes et je n’ai strictement rien contre elles
DIALOGUE VI Les portes de la perception
je me base sur le tambour, et j’y reste fidèle. C’est l’outil le plus stable que je connaisse pour faire du chamanisme. Mais, soit dit en passant, bien évidemment il n’y a pas que le tambour : il existe de nombreux instruments chamaniques, comme les hochets, les grelots, le fameux didjeridoo des Aborigènes d’Australie, l’arc à bouche, etc. Et bien entendu l’instrument de base que possèdent tous les humains : les cordes vocales.
DIALOGUE VI Les portes de la perception
Avec les plantes, il est évident que l’on peut faire de puissantes initiations, des « défragmentations du disque dur », des voyages psychanalytiques et cosmiques, aller à la rencontre des esprits spécifiques de certaines traditions, etc. Elles nous connectent à une intelligence végétale qui nous ouvre les yeux sur notre rapport à la nature et aux mondes visibles et invisibles qui nous entourent. Pour certaines personnes, c’est une facette importante du travail chamanique, et je les comprends. Mais faire un travail continu, au jour le jour, c’est difficile avec les plantes, à moins de vivre dans une culture traditionnelle, comme en Amazonie ou au Mexique par exemple.
DIALOGUE VI Les portes de la perception
A partir du moment où l’on a une bonne pratique au tambour, avec les esprits des Mondes d’en bas et d’en haut, alors on peut s’intéresser au Monde du milieu. C’est une spécialisation chamanique, le Monde du milieu. Tous les chamanes ne travaillent pas dans ce monde, parce qu’il faut aimer faire cela. C’est très complexe, il y a beaucoup d’interactions compliquées
DIALOGUE VI Les portes de la perception
Laurent : L’anthropologue Michael Harner dit que, statistiquement, il y a 90 % des traditions chamaniques qui sont sans plantes et 10 % avec33. C’est peut-être exagéré comme proportion, mais ce qui est intéressant, c’est que l’on se focalise sur la minorité des cultures avec plantes.
DIALOGUE VI Les portes de la perception
c’est la question de l’intégration, qui est fondamentale et parfois un peu oubliée. Je comprends bien les gens qui veulent prendre des plantes, qui veulent par exemple prendre de l’ayahuasca à tout prix : c’est une belle expérience, c’est puissant, ça décape, mais en même temps, j’en fais quoi, de cette expérience ? J’en ramène quoi ensuite, quand je retourne chez moi ? Ce sont des questions qu’il faut se poser avec un minimum de réflexion. Olivier : Bien que je sois d’accord avec toi, il ne faut pas non plus oublier que ces plantes sont souvent un excellent déclencheur : elles ouvrent des portes qui sont ensuite exploitables par d’autres moyens. Et longtemps après que la plante a été prise, elle continue à faire son travail, à guider les intuitions, à mettre la personne sur le chemin de son guide intérieur.
DIALOGUE VI Les portes de la perception
Laurent : Lorsque tu dis « longtemps après que la plante a été prise, elle continue à faire son travail », c’est bien ce que j’essayais d’expliquer tout à l’heure : si tu es d’accord que la plante « squatte » en toi, alors c’est OK. Tu as ce que tu veux, tu as même payé pour ça. Tu es peut-être allé à l’autre bout du monde pour ça. C’est parfait. Mais si tu es un nouveau venu dans ce milieu, que l’on ne t’a pas informé à propos de cette interaction et que tu te retrouves avec l’esprit d’une plante chamanique qui s’installe en toi, qu’est-ce que tu fais ? Comment intègres-tu dans ta vie cet esprit qui vit en toi ?
DIALOGUE VI Les portes de la perception
Mon message est simplement le suivant : soyez au clair avec vos intentions. J’ai vécu des situations où des personnes novices arrivaient à voir dans une tierce personne l’esprit d’une plante, tellement cette dernière était bien installée. Cela donne des situations cocasses du type : « Laurent, je vois une plante sortir de son ventre, c’est normal ? J’en fais quoi ? » (Rires.)
DIALOGUE VI Les portes de la perception
Les plantes permettent d’avoir un regard sur le tambour et le tambour m’aide à avoir un regard sur les plantes ; et je pense que ce sont les deux facettes d’une seule et même pièce. Alors je ne suis pas en train de dire que les plantes, ce n’est pas bien, mais je dis juste que commencer avec les plantes les plus puissantes, ce n’est pas forcément la meilleure solution. Ce que je trouve intéressant, c’est de se poser la question : « Mais pourquoi est-ce cela que l’on recherche en premier ? » Là, nous en revenons à la question de notre société où l’on veut des feux d’artifice, que ça décape, qu’il y ait des visions, etc.
DIALOGUE VI Les portes de la perception
il est évident et prouvé mille fois que ces plantes sont bien moins toxiques que l’alcool ou la nicotine et qu’il y a peu d’accidents, tant physiques que psychiques. Mais je ne parle pas d’accidents, je parle de se trimbaler l’esprit de la plante sans le vouloir. Je parle d’intégrité énergétique. Je parle d’une problématique chamanique, qui est invisible dans les statistiques.
DIALOGUE VI Les portes de la perception
Je dirais que 99 % des êtres humains consomment quotidiennement des plantes ou des substances chamaniques. Le café, c’est une plante de pouvoir, le thé, c’est une plante de pouvoir, le cacao, c’est une plante de pouvoir, le tabac, c’est une plante de pouvoir. Alors quand j’entends parfois dire que le chamanisme n’est pas présent dans nos cultures, c’est un mensonge. Nous vivons dedans. J’ai travaillé cinq ans dans une société de médias en Suisse, et tout était chamanique : des histoires de pouvoir, des histoires de politique, des histoires d’argent, des influences sur les gens… Nous vivons dans un monde chamanique. La politique, c’est chamanique. La médecine, c’est chamanique. La science, c’est chamanique.
DIALOGUE VI Les portes de la perception
petite parenthèse : je vis dans la région d’origine de l’absinthe35, dont la recette a été achetée à une rebouteuse au XVIIIe siècle. La boisson la plus populaire de France à la fin du XIXe siècle était une boisson chamanique ! Regarde ses effets sur la création artistique de cette période : poésie, impressionnisme… chamanisme. Et, comme pour boucler la boucle, cette même boisson a été persécutée… par les lobbies du vin. La boisson chamanique contre la boisson de l’Église. Pas besoin d’aller étudier l’arrivée des conquistadors au Mexique et la persécution des plantes sacrées : nous sommes en plein dedans ici même. Ouvrons les yeux.
DIALOGUE VI Les portes de la perception
Laurent : Le chamanisme m’a ouvert les yeux sur la manière dont un grand nombre d’interactions sociales ou professionnelles sont invisibles. Ce sont des « histoires de pouvoir ». Comme dans la jungle. La jungle urbaine. Un livre qui peut sembler étonnant vient d’être publié à ce sujet. Son titre ? Le Pouvoir magique : les techniques du chamanisme managérial36. Cela peut faire sourire, mais c’est juste hallucinant ! Ce livre résume tellement bien notre approche du chamanisme : du pouvoir, de la magie, et c’est parti ! C’est un pavé dans la mare qui nous dit : « Ouvrez les yeux, vous êtes en plein dedans. Ça se passe autour de vous, et vous ne voyez rien. »
DIALOGUE VI Les portes de la perception
Pour en revenir aux plantes, un grand nombre de milieux professionnels vouent un culte quasiment religieux au café. Si tu enlèves la machine à café dans la rédaction d’un journal, d’une radio ou encore dans la salle des maîtres d’un lycée, les gens pètent les plombs ou font grève ! A mon avis, cette dimension est chamanique. C’est le Monde du milieu. Le « pouvoir magique »… Olivier : La machine à café, c’est un totem. On met une pièce dedans comme pour faire une offrande.
DIALOGUE VI Les portes de la perception
Notre manière de vivre, notre manière d’avoir des relations entre êtres humains, notre manière de consommer, tout cela peut être considéré comme étant du chamanisme… Mais nous le nions, et j’ai tendance à penser que moins nous y croyons, plus nous l’utilisons inconsciemment, ce qui signifie que nous n’en avons pas la maîtrise, et qu’en fin de compte nous en sommes les victimes au lieu de l’utiliser constructivement et créativement.
DIALOGUE VII La relation thérapeutique
en travaillant avec l’amour inconditionnel, avec l’intention, voire avec l’énergie et avec les esprits, comme c’est pratiqué dans le chamanisme, je pense qu’il y a beaucoup moins de risques de transfert. Qu’est-ce que tu en dis ? Laurent : Le fait de laisser les esprits travailler et de ne pas se présenter comme étant le « grand guérisseur » est un garde-fou important qui permet d’éviter ce type de problématiques.
DIALOGUE VII La relation thérapeutique
D’ailleurs, ces thérapies, qu’elles soient énergétiques, chamaniques ou psychédéliques, mettent la personne en contact avec une partie d’elle-même qu’elle ne connaissait pas, et elle s’aperçoit qu’elle est beaucoup plus grande que ce qu’elle croyait être au départ. Ce qui est essentiel, c’est qu’elle prend conscience qu’elle a un lien avec des forces invisibles.
DIALOGUE VII La relation thérapeutique
elle tombera peut-être amoureuse de l’univers, de la nature, et surtout d’elle-même. Elle va s’ouvrir. C’est l’inverse du transfert qui rétrécit la conscience, finalement.
DIALOGUE VII La relation thérapeutique
Le transfert rétrécit la conscience dans le sens où le patient se met des œillères et ne voit plus que cela. Il ne voit plus que sa relation de transfert avec le thérapeute et oublie le reste. Il oublie même parfois pourquoi il est venu se faire soigner.
DIALOGUE VII La relation thérapeutique
Laurent : En t’écoutant, je me dis qu’il est possible que dans le travail avec les plantes, certaines personnes puissent faire un transfert non pas sur le chamane, mais sur la plante que le cha-mane leur donne. C’est la plante qui devient une figure d’autorité.
DIALOGUE VII La relation thérapeutique
ce que tu appelles le transfert est moins présent dans le cadre chamanique. Il faut dire qu’il y a un côté très court et très explosif dans la pratique chamanique
DIALOGUE VII La relation thérapeutique
les chamanes apprennent à éviter les balles parce que cela fait partie de leur travail. Us y parviennent en ayant de la clarté dans leur discours et dans leurs intentions ; c’est un point très important. Quand il y a une situation de transfert ou autre, j’appelle cela des « histoires de pouvoir », en me référant à Castaneda, parce que ses livres sont remplis d’histoires de pouvoir, à croire que le chamanisme, ce n’est que cela. Mais nous y reviendrons plus tard. En bref, les histoires de pouvoir, c’est une expression qui a le mérite d’être claire. Lorsque je vis une telle situation, je ne vais pas laisser la chose prendre des proportions gigantesques. Je vais aller directement discuter avec la personne. J’ai une approche très transparente ; j’aime bien que les choses soient claires. Cela peut rebuter certaines personnes parce que la transparence peut faire peur lorsque l’on dit les choses de manière très claire.
DIALOGUE VII La relation thérapeutique
D’une manière générale, je pense que les chamanes sont des gens assez rudes et qu’ils ont un certain détachement. Leur manière de s’exprimer et de relativiser peut être interprétée comme une forme de brusquerie. Ce sont des gens de la campagne, du désert, des montagnes ; des ploucs quoi ! (Rires.)
DIALOGUE VII La relation thérapeutique
C’est du genre : « Tu viens, on fait le travail, tu repars, et tout le monde est content. » Il n’y a pas ce côté « piégeant », avec un bel emballage, où il faut être en plus compatissant, doux, cordial, à l’écoute, etc.
DIALOGUE VII La relation thérapeutique
Plutôt que d’être une personne qui fait en sorte d’aller plus vers les gens et d’être plus conciliant, d’être un « marketing-chamane », je reste fidèle à moi-même.
DIALOGUE VII La relation thérapeutique
Il faut simplifier, chercher l’efficacité, pas l’emballage. Lorsque ça devient compliqué au niveau relationnel, avec le « chamane-ami », le « chamane-saint », le « chamane-maître-spirituel-qui-fait-bien-la-cuisine-en-plus », j’ai tendance à bien clarifier les choses et à ramener les gens sur Terre. Il y en a qui apprécient et d’autres pas.
DIALOGUE VII La relation thérapeutique
le chamane fait le lien entre les mondes, mais il ne s’implique que très peu. Un chamane qui commence à avoir pitié et à ajouter de l’eau au moulin des peines de la personne qui est venue le voir, c’est mauvais signe. Le chamane s’en fiche, dans le fond ! Ce sont des révélations qui peuvent paraître choquantes, mais c’est comme ça. Il y a un côté impitoyable dans la pratique ; c’est important. J’aime beaucoup le mot « impitoyable ». On en a une perception très péjorative, mais ce n’est pas négatif, bien au contraire. C’est juste que le chamane est là pour faire un lien, mais il ne va pas commencer à plaindre les gens, à entrer dans leurs histoires, à les caresser dans le sens du poil. C’est plutôt le contraire : nous allons directement là où il y a des choses à régler, là où ça fait mal, là où ça coince.
DIALOGUE VII La relation thérapeutique
réel clivage, mais je peux parler de différences. Le chamanisme, ou en tout cas ce qui est véhiculé par le chamanisme, ne fait pas forcément appel à des notions comme l’amour, la compassion, le chakra du cœur1, etc. Alors que dans beaucoup d’autres approches, c’est un élément clé pour appeler les esprits, pour entrer en communication avec des énergies, pour la perception extrasensorielle. Les chamanes utilisent peu ces notions. Laurent : Le chamanisme, c’est rude, mais c’est efficace. Donc, je ne prends pas les gens avec des pincettes, je vais directement au cœur du problème : mon discours est clair, je définis mon intention et je fais le travail. D’où la caricature : le chamane, tu lui amènes deux poules, il fait le truc et tu rentres chez toi… (Rires.) Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas d’amour. Seulement, cet amour n’est pas directement affiché ; il faut aller au-delà des apparences. Olivier : Peut-être que le chamanisme va nous aider à nous décontaminer d’une vision un peu romantique ? Laurent : Je l’espère bien !
DIALOGUE VII La relation thérapeutique
dans ta pratique, est-ce que tu donnes des recommandations, est-ce que tu conseilles les gens sur ce qu’ils doivent entreprendre après la séance ? Est-ce que tu fais des « ordonnances chamaniques » ? Laurent : J’évite toute forme d’ingérence parce que je n’ai pas la prétention de savoir ce qui est bon pour autrui. Ce que les gens viennent chercher chez moi, ce ne sont pas les conseils d’une personne qui est censée être « spirituellement évoluée », mais bel et bien leur propre capacité à prendre des décisions, leur propre conseiller intérieur.
DIALOGUE VII La relation thérapeutique
C’est un peu comme pour les plantes chamaniques : si l’on veut bénéficier de leurs effets, il faut goûter à leur amertume. On a beau sucrer le tout à mort, c’est l’amertume qui est efficace. Cela résume bien le chamanisme. Les chamanes et les guérisseurs, dans ma région natale, ce sont surtout des paysans ; ce ne sont pas les rois du marketing ou des public relations.
DIALOGUE VII La relation thérapeutique
le chamane nous fournit la preuve qu’avec l’intention, la concentration, l’énergie, nous pouvons efficacement modifier la réalité matérielle. C’est important parce que c’est une démonstration technique
DIALOGUE VII La relation thérapeutique
les chamanes ne sont pas tous de fins psychologues ; et les quelques voyages que j’ai faits chez des peuplades traditionnelles ont fini par m’en convaincre. Ce n’est pas leur but. Leur but, c’est d’être efficaces, c’est tout.
DIALOGUE VII La relation thérapeutique
De plus en plus de personnes recherchent ce côté un peu rude et efficace, sans compromis, sans emballage, parce que les gens en ont marre qu’on les prenne pour des enfants et qu’on soit là en train de leur dire : « Oh ! Mon pauvre, tu es malade…» Sous-entendu : « Ça t’est tombé dessus par hasard, la vie est cruelle, etc. » Non ! Il faut sortir de ces schémas d ’ autocomplaisance.
DIALOGUE VII La relation thérapeutique
soyons bien clairs sur ce point : les chamanes arrivent à percevoir les souffrances, à les localiser. Ils n’y sont pas indifférents. Certaines techniques d’extraction nous font même endosser la souffrance de la personne pendant le travail. Néanmoins, et c’est là toute la différence, leur but est l’efficacité. Une fois la séance terminée, le chamane ne reste pas à porter le fardeau de son client, il ne reste pas dans une dynamique de pitié. Le travail a été fait, et il est important que la personne retrouve son intégrité, sa propre force. D’ailleurs, traditionnellement, ce sont les esprits qui ont pitié de la personne, pas le chamane. Je le répète une fois encore : le chamane est juste un pont, un canal.
DIALOGUE VIII Séance de soins
Je ne soigne pas les gens quand ils ne sont pas prêts à se faire soigner. C’est pour cette raison que je ne fais pas de pub en dehors de mon site Internet, qui a un but plutôt informatif, une recherche de visibilité pour montrer que « ça existe ». Mais je ne cherche pas à créer un « marché », parce que dans ce cas, ça devient vite compliqué au niveau thérapeutique. Je ne veux pas entrer dans une optique dans laquelle je dois à tout prix vendre un produit. Tout cela est également valable pour les séminaires et les stages que j’enseigne : il y a souvent des résistances, des désistements de dernière minute. Dans le fond, tant mieux, parce que les doutes et les hésitations se matérialisent de cette manière. Mais lorsque la personne est là, bien présente, je sais qu’elle est prête à avancer, qu’elle veut se prendre en main, qu’elle commence à récupérer sa propre énergie. Le travail est beaucoup plus difficile quand la personne n’est pas prête.
DIALOGUE VIII Séance de soins
Nous sommes souvent attachés à nos souffrances, nous pensons qu’elles font partie de notre personnalité et, pour certaines personnes, être malade, c’est un mode de vie. Donc pour ces personnes-là, ce sera peut-être plus difficile, chamaniquement parlant.
DIALOGUE VIII Séance de soins
une fois que la personne est là, en général, je passe un certain temps à l’écouter expliquer les raisons pour lesquelles elle vient. Je prends quelques notes, et là j’explique également ce que l’on va faire, notamment le fait que ça va changer beaucoup de choses très vite et qu’il faut prendre ses responsabilités face à ces changements ; il faut les assumer. Souvent, il y a une profonde recherche de changement, mais quand ça change, c’est parfois difficile. Et ça, je préfère le signaler à l’avance. Il y a vraiment un côté explosif dans le chamanisme. Il y a un avant et un après la première séance, qui est souvent déterminante, et je ne dis pas cela pour faire de la publicité mensongère — c’est comme ça !
DIALOGUE VIII Séance de soins
C’est moins vrai avec les psychothérapies, même dites brèves. Je peux quand même obtenir avec l’hypnose une guérison spectaculaire, mais ce n’est pas la majorité des cas. C’est souvent plusieurs séances, avec l’effet cumulé. C’est moins explosif que le chamanisme. Sauf pour des techniques très précises comme l’EMDR ou l’EFT, où, en une séance, on peut voir la personne changer devant soi. Et comme par hasard, ce sont des techniques qui utilisent les états modifiés de conscience et l’énergétique, c’est intéressant
DIALOGUE VIII Séance de soins
Laurent : Je crois qu’au niveau de la rapidité, les chamanes, les magnétiseurs et les rebouteux ont une optique semblable : ce sont des gens qui provoquent un changement en une séance ou en quelques séances. Pour en revenir à ma séance, une fois que la personne est là, que nous avons discuté, mis les choses au clair au niveau de l’intention du travail, je fais ensuite le soin. En général, je fais faire un voyage chamanique au tambour à la personne, et cela même si c’est une personne qui n’a jamais fait de chamanisme ou qui ne sait pas ce que c’est, le chamanisme. Cela montre que c’est tout simple et souvent le fait que la personne participe à sa propre séance lui fait prendre confiance en sa propre capacité à se guérir.
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
Olivier : Alors, explique-moi ce qu’est un « voyage chamanique ». Qu’est-ce que tu fais ? Qu’est-ce qui se passe ? Laurent : La personne se couche et je lui explique que l’écran, le support, c’est le même que celui de l’imagination ; mais ce n’est pas de l’imagination, c’est réel.
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
Olivier : A ce sujet, des recherches en neurosciences indiquent que notre cerveau fonctionne de la même manière lorsque nous percevons la réalité extérieure et lorsque nous effectuons une action dans notre imagination. L’imagination est donc tout à fait « réelle » et est interprétée comme telle par le cerveau.
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
la technique telle qu’elle s’est développée dans nos pays vient à la base des travaux de Michael Harner
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
Pour faire un voyage chamanique, il faut un point de départ qui peut être un arbre ou un endroit avec un accès vers le bas. Il faut qu’il y ait un trou, par lequel on a accès au Monde d’en bas. Olivier : C’est un peu comme dans Alice au pays des merveilles, de Lewis Carroll : tu plonges dans le terrier du lapin. Laurent : Oui, si tu veux ; ce type de littérature est très chamanique
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
Donc, je fais aller la personne dans le Monde d’en bas et je la fais travailler chamaniquement dès la première séance. Je lui fais rencontrer une personne de son entourage familial ou sentimental avec laquelle elle a des choses à régler. Donc la personne a déjà fait une partie du travail elle-même, alors que moi, je n’ai encore rien fait. Le but, c’est : « Vous voyez ? Vous pouvez le faire vous-même ; je suis simplement là pour vous montrer comment faire. Mais ce n’est pas moi le grand manitou qui fait la séance, c’est vous qui faites votre séance. »
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
La personne revient avec des informations, et ce qui est incroyable, c’est que dans la plupart des cas, sans aucun entraînement, sans forcément avoir quinze ans de pratique, les gens reviennent avec des informations épatantes, éclatantes de transparence de leur voyage chamanique, même si c’est la première fois qu’ils en font un
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
Ensuite, je fais un point sur la suite de la séance, qui est le soin chamanique proprement dit, où c’est moi qui entre en transe et fait un voyage chamanique. Je vois alors les différentes actions à entreprendre, si je dois faire des extractions, un recouvrement d’âme, etc. Précisons que les recouvrements d’âmes et les extractions chamaniques sont vraiment les deux principales techniques chamaniques, d’un point de vue thérapeutique. Les chamanes, soit ils (r)amènent des choses – recouvrement –, soit ils enlèvent des choses – extraction. C’est très simple : c’est de la plomberie spirituelle.
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
les chamanes enlèvent ou retrouvent deux types de choses. Soit c’est quelque chose qui est entré « par effraction », soit c’est quelque chose qui était perdu, comme une partie d’âme qui a été prise, volée, ou que la personne a abandonnée ou laissé attachée à autre chose, etc. Laurent : Oui, c’est très simple : tu as des trucs en trop en toi ? Le chamane les enlève. Des trucs te manquent ? Le chamane les rapporte. En gros, c’est ça, la face thérapeutique de la pratique chamanique. Et pour avoir accès aux informations, nous faisons des voyages chamaniques. Tout le reste, c’est de l’emballage culturel.
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
Olivier : Pour reprendre la métaphore informatique, tu supprimes ou tu apportes des programmes. Laurent : C’est ça. Ce que tu enlèves est souvent lié à des traumatismes, des intrusions, des peines, des émotions, etc. Ce que tu ramènes, en gros, c’est l’intégrité énergétique de la personne. .. Extractions et recouvrements sont liés, un peu comme des vases communicants. Si tu vis un traumatisme, comme par exemple un accident de voiture, un viol ou un deuil, tu peux perdre une partie de ton âme ; elle se réfugie quelque part dans l’autre monde, pour échapper à la douleur, en quelque sorte. Cette partie que tu as perdue va être remplacée par autre chose : une drogue, une dépendance, une dépression, ou que sais-je encore ? Les possibilités sont infinies. Le chamane va enlever cette énergie de remplacement et ramener ce qui est parti, c’est-à-dire toi-même. On rebouche le trou et on referme la bouteille. C’est pour cela que c’est tellement efficace : une fois que l’intégrité énergétique est rétablie, que l’âme est entière à nouveau, les énergies de remplacement n’ont plus de raison d’être.
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
tout cela fonctionne de manière très logique : ce n’est pas un délire irrationnel. Nous travaillons directement sur la structure énergétique des personnes qui viennent nous voir et de ce qui les entoure.
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
je ne crois que pas que ce soit optimiste pour le patient de rester dans une perspective biologique où la médecine ne lui laisse aucun espoir. Parfois, certains éléments échappent à la science et les phénomènes de guérisons dites miraculeuses, ça existe
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
En toute franchise, je me fiche complètement de savoir s’il y a des gens qui ont des capacités incroyables. Quel est l’intérêt ? Nous sommes tous nos propres guérisseurs ; pourquoi mettre de l’espoir dans une autre personne que soi-même ? Je n’aime pas trop l’élitisme spirituel, la fascination pour les pouvoirs extraordinaires et les histoires à dormir debout
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
J’ai des croyances qui vont très loin dans le domaine du pouvoir de l’esprit, mais je fais attention à ne pas mettre la charrue avant les bœufs, à ne pas mettre l’espoir avant la possibilité. Je me dis souvent que tout est vrai, mais que seulement une partie de ce qui est vrai s’exprime dans notre monde en trois dimensions. Les cas limites existent, mais sont rares. Je ne peux pas baser ma pratique sur des cas limites. Des personnes qui ont eu une lésion cérébrale suite à un accident, je n’en ai jamais eu en consultation jusqu’à aujourd’hui ; je ne peux pas formuler d’avis sur ce que je n’ai pas expérimenté, et d’habitude ces gens-là vont voir des neurologues, pas des chamanes. De même, pour la personne qui a perdu un membre, elle ira voir un médecin spécialiste. Par contre, je peux faire en sorte de ramener la joie de vivre, un équilibre dans sa vie, à cette personne. C’est là, je pense, que toutes ces approches sont complémentaires : chacun fait sa part du travail.
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
Je travaille plus sur le flux de la vie, sur l’équilibre de la vie, que sur de prétendus « miracles ». Les gens qui vont voir un chamane, ce sont des gens qui veulent régler des choses dans leur vie. Si c’est un problème physique spécifique, un genou qui fait mal, je peux essayer, et le chamanisme va certainement aider d’une manière ou d’une autre. Peut-être que le genou qui fait mal est lié à une problématique pouvant être réglée chamaniquement, mais pas forcément. Il y a des médecins pour ça.
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
Par contre, ce qui m’intéresse, c’est qu’en quelques séances, lorsque la personne est prête à collaborer et a une intention claire, tu peux soigner une dépression, une dépendance aux opiacés, un deuil dramatique – et là, nous sommes effectivement dans le domaine du miracle. Mais ce n’est pas possible de faire repousser un membre amputé ; ni pour le chamane ni pour la médecine d’ailleurs. En tout cas, pas encore.
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
tout ce qui est du domaine des interactions entre les esprits, de la perte d’un bout de l’âme et des extractions, c’est typiquement chamanique. S’il y a un problème de ce type à résoudre, il faut aller voir un chamane. Ce qui est intéressant, c’est que beaucoup de gens ont ce type de problème dans notre culture et restent malades toute leur vie, parce que bêtement nous ne croyons plus au chamanisme ; nous ne croyons pas à la possession, à l’âme et à toutes ces notions pourtant fondamentales. Étant donné que nous n’y croyons pas, nous en sommes les victimes. C’est un paradoxe dans lequel nage la société occidentale.
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
au lieu de dire les chamanes, les médiums, les guérisseurs, les magnétiseurs, les psys, etc., on pourrait dire : le travail avec les esprits, le travail avec les énergies et le travail avec le psychisme. Un même thérapeute pourrait utiliser ces ressources différemment en fonction des besoins de la personne qui vient le voir. Cela permettrait d’arrêter de dire : les guérisseurs sont là, les chamanes sont là, les psys sont là, etc. Laurent : Ce sont des catégories arbitraires : le chamane, le guérisseur, le médecin. Mais tout de même, ce que je vois dans la pratique proprement dite, c’est qu’il y a des éléments spécifiques dans le chamanisme
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
Dans la pratique chamanique, le bout d’âme que nous allons rechercher, ce n’est pas juste un concept que nous allons mettre en évidence quelque part dans la psyché, ni une image mentale ou un symbole intellectuel. Nous le tenons dans la main et nous le soufflons quand nous sommes en état modifié de conscience, et c’est cette matérialisation du spirituel qui fait l’efficacité et le côté explosif des techniques chamaniques.
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
En cas de doute, les esprits ont une manière de nous convaincre. Ils utilisent tout ce qui nous entoure : notre vie, la nature, les événements, les rencontres, tout, pour nous convaincre. Des synchronicités, des synchronicités et encore une petite couche de synchronicités. Alors tu ne peux plus tergiverser indéfiniment : c’est là, devant toi
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
pourquoi est-elle « symbolique » cette hypnose symbolique ? Olivier : C’est étiqueté symbolique parce que, justement – et c’est là toute la différence – nous, les psys, nous avons du mal à dire que c’est réel ; nous préférons dire que c’est imaginaire ou symbolique. Laurent : Justement, la voilà, la grande différence. Parce que, pour les chamanes, tout cela, c’est réel. Olivier : Et pour les guérisseurs aussi. Nous pourrions finalement dire que ce sont des champs d’informations qui sont invisibles pour tout un chacun, mais qui deviennent visibles dans des états de conscience particuliers. Laurent : C’est ça. C’est avec la pratique que l’on se rend compte que c’est réel. Comme je l’ai dit tout à l’heure, au début, tout cela semble bizarre, même quand on le fait soi-même. On se dit : « Mais attends… ce n’est pas possible. Je dois être en train d’imaginer tout cela. » Mais avec la pratique, ces questions disparaissent : c’est réel. L’univers n’est pas limité aux trois dimensions observables avec nos sens physiques. Je pense que le jour où nous aurons accepté, digéré et intégré cela, nous ferons un grand pas en avant. Tout cela, c’est devenu ma vie et la vie de plein d’autres personnes. Il y a des moments de doute, bien sûr, mais à force, avec l’habitude de rencontrer les mêmes esprits, de travailler avec eux, de voir les résultats se concrétiser, se matérialiser, tu te dis c’est bon, OK, j’y crois.
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
Les synchronicités sont des cadeaux des esprits. C’est la manière qu’ont les esprits de se manifester. Et quand on a besoin d’être convaincu, ils vont y mettre le paquet. Et parfois, ce sont vraiment des choses incroyables qui peuvent arriver. Statistiquement, on peut toujours se dire que c’est le hasard ; mais cela fait bien longtemps que je ne crois plus au hasard. Le hasard est un mensonge conventionnel, une excuse rhétorique.
DIALOGUE IX Des aventures extraordinaires
dans le fond, c’est quelque chose de divin. C’est le flux universel. Les esprits, c’est la forme que prend l’univers pour communiquer avec nous. Que ce soient les devas dans le bouddhisme ou les esprits animaux dans certaines traditions chamaniques, les esprits sont la personnalisation de l’intelligence de l’énergie de l’univers. Et nous en faisons partie. Nous sommes des esprits qui avons choisi de vivre des expériences dans un univers en trois dimensions.
DIALOGUE X Cosmologies
D’après des spécialistes comme Michael Harner ou Mircea Eliade, la réalité non ordinaire est divisée en trois mondes ; c’est une composante universelle de la pratique chamanique, même s’il y a bien entendu des spécificités culturelles. Certaines cultures sont en effet plus actives dans un monde que dans l’autre, mais quand les chamanes travaillent avec une carte de la réalité non ordinaire dans laquelle il y a les trois mondes, ils ont une vision globale
DIALOGUE X Cosmologies
Le Monde d’en bas, c’est le monde lié aux énergies de la Terre. Plus spécifiquement, ces énergies telluriques sont reliées à ce que l’on appelle les « esprits animaux », les esprits qui guident le chamane dans son voyage chamanique. On les appelle aussi les « animaux de pouvoir » ou les « animaux de force ». Olivier : Pourquoi des animaux et pas des anges ou des esprits plus « spirituels » ? Laurent : Bonne question. C’est parce que les animaux ont de l’instinct et que le principal outil du chamane, c’est l’instinct. C’est pour cette raison que l’animal de pouvoir est très important et c’est également pour cette raison que le Monde d’en bas est vraiment, je pense, un monde typiquement chamanique. Il n’y a que les chamanes qui vont dans le Monde d’en bas. Il est rare d’aller se promener dans le Monde d’en bas dans d’autres traditions.
DIALOGUE X Cosmologies
Nous vivons dans un contexte culturel et religieux dans lequel il est très facile de s’élever, mais où il est plus difficile de descendre. Tout simplement parce que le Monde d’en bas est perçu comme contre évolutif : dans notre optique fragmentée et manichéenne, il faut monter, toujours monter, gravir les échelons, s’élever spirituellement, alors qu’en bas, c’est l’enfer, c’est le samsara42 des traditions védiques et bouddhiques, c’est l’animal qui vit en nous. C’est conventionnellement ce qu’il faut chercher à éviter, pour résumer. Tout cela nous ramène à nos propres peurs, à nos difficultés à nous accepter en tant qu’habitants d’une planète et d’un monde en trois dimensions, ainsi qu’à notre croyance en la suprématie de l’homme sur ce qui l’entoure. Bref, sans vouloir faire de la philosophie de comptoir, dans la plupart des traditions spirituelles et des religions, ou même dans notre perception politique du monde, le bas ce n’est pas bien et le haut, c’est bien
DIALOGUE X Cosmologies
Au fur et à mesure, à force de faire des voyages chamaniques avec un accès vers le bas – qui est en général un tunnel –, une découverte et un apprentissage de la géographie de cet autre monde se mettent en place. C’est un monde qui a une forme très naturelle. C’est-à-dire qu’il apparaît sous la forme de grands espaces sauvages, comme des déserts, des étendues de forêts, etc. C’est un monde qui est indépendant des objectifs égocentriques humains
DIALOGUE X Cosmologies
Je voyage très souvent dans le Monde d’en bas quand j’ai des questions difficiles à résoudre ou des questions de pouvoir à régler, parce que c’est un monde qui est neutre et qui se trouve au-delà des histoires de pouvoir.
DIALOGUE X Cosmologies
Le Monde du milieu, c’est celui dans lequel nous vivons en ce moment même, en y ajoutant sa face invisible à l’œil nu. C’est-à-dire que tout ce qui nous entoure est fait d’énergie et communique avec nous sous la forme d’esprits : toutes les plantes, les arbres, les objets, les personnes qui nous entourent sont des esprits. Ces esprits-là – c’est-à-dire la face spirituelle de notre monde soi-disant « matériel » –, nous pouvons également les rencontrer en voyage chamanique, mais c’est une pratique beaucoup plus complexe que d’aller dans le Monde d’en bas. Les esprits qui habitent le Monde du milieu sont liés à la vie et à la mort et sont liés à la personnalité, à l’ego ; ils ont des désirs, des buts qui leur sont propres… Ils ne sont pas simplement là pour nous aider.
DIALOGUE X Cosmologies
Dans ces contextes, il y a souvent beaucoup de sorcellerie, d’histoires de pouvoir. La sorcellerie est une spécificité du Monde du milieu ; c’est le résultat d’un manque de discernement dans la pratique. Nous y reviendrons plus loin dans la discussion.
DIALOGUE X Cosmologies
l’esprit des morts, les « revenants », c’est également le Monde du milieu ? Laurent : Oui, effectivement
DIALOGUE X Cosmologies
Avec nos pensées et nos peines, lors d’un deuil, nous pouvons maintenir les gens décédés dans le Monde du milieu, et dans ce cas, le travail du chamane, c’est d’aller couper les liens et de libérer les âmes. C’est un travail qui demande de la pratique et une certaine maîtrise de la peur, bien que, dans mon expérience, les morts soient plutôt sympathiques. Ils sont juste un peu perdus.
DIALOGUE X Cosmologies
Tu peux être à la fois mort et vivant, c’est-à-dire qu’une partie de toi est partie pour de bon, mais une autre partie reste parce qu’elle est liée à l’existence par un désir, une peine, une action à terminer. Par exemple, une partie de toi reste parce qu’elle veut dire à ses proches qu’elle les aime. Dans ce cas-là, le chamane pourra faciliter la communication
DIALOGUE X Cosmologies
Nous pouvons en fait être à plusieurs endroits en même temps. Nous pouvons être dans le Monde d’en bas et dans le Monde du milieu en même temps. Une partie est bloquée là et une autre partie peut être bloquée ailleurs. Quant à la question de savoir s’il y a une vie après la mort, le chamane n’y répond pas vraiment intellectuellement, parce qu’il n’en sait rien. Il est clair qu’à force de pratiquer, je me rends compte d’une certaine continuité. Mais cette continuité, il faut en faire l’expérience, il ne sert à rien de disserter, de lire des livres : tout est basé sur la pratique, au-delà des mots.
DIALOGUE X Cosmologies
Le Monde d’en haut, c’est le monde des énergies purement spirituelles. C’est un monde plus facile d’accès, plus attirant, qui correspond plus à notre perception de ce qui est « divin »
DIALOGUE X Cosmologies
A mon avis, si l’on veut vraiment travailler dans le vif du sujet ou travailler sur des problèmes concrets, il faut aller dans le Monde d’en bas. Dans le Monde d’en haut, tout est très spirituel, tout est très zen et tout est très beau. C’est plein d’amour. Dans ce monde, il y a aussi des esprits alliés qui prennent la forme de guides ou de maîtres spirituels. Pour résumer, dans le chamanisme que je pratique, le chamane a au minimum deux alliés principaux : un allié dans le Monde d’en bas qui est l’animal de pouvoir, et un allié dans le Monde d’en haut, qui est le guide. Dans ma pratique, le guide, c’est peut-être 10 % de mon travail. Le gros du travail, c’est mon animal de pouvoir qui le fait.
DIALOGUE X Cosmologies
Une fois que cette cartographie est intégrée et que nous arrivons à nous déplacer d’un endroit à l’autre, tout devient possible. Mais au début, nous fragmentons volontairement les approches : nous apprenons à descendre, puis ensuite à monter. Finalement, nous pouvons passer d’un monde à un autre librement.
DIALOGUE X Cosmologies
Le voyage chamanique dans les trois mondes, c’est la base essentielle de la pratique telle que je la conçois et telle que Michael Harner l’a développée dans le cadre de ses recherches. Il a dédié sa vie à cela, ce n’est pas rien.
DIALOGUE X Cosmologies
Le Monde du milieu est un monde d’interactions énergétiques denses, ce qui fait que l’on peut dire que c’est un monde enchanté, ou même ensorcelé, d’une certaine manière. Le simple fait de vivre et d’avoir des interactions avec d’autres êtres vivants, c’est une forme de magie, déjà, à la base. Il n’y a rien de mal à cela, c’est simplement une constatation. Ensuite, notre devoir d’êtres humains, c’est de savoir ce que nous allons faire de toutes ces interactions, de toutes ces forces, de cette magie.
DIALOGUE X Cosmologies
La face cachée du Monde du milieu, c’est simplement le fait de percevoir que tout est esprit et que tout communique à des niveaux qui ne sont pas seulement mesurables matériellement, mais également à des niveaux subtils qui n’en sont pas moins réels.
DIALOGUE X Cosmologies
à la base, chez de nombreuses peuplades traditionnelles, le voyage chamanique dans le Monde du milieu pouvait permettre de trouver du gibier
DIALOGUE X Cosmologies
il y a un phénomène psi appelé remóte viewing, ou « vision à distance », qui a été étudié en parapsychologie, et notamment par un institut de recherche américain, le Stanford Research Institute, ainsi que par le gouvernement américain et la CIA
DIALOGUE X Cosmologies
C’est pour cela que j’aime bien dire que le chamanisme, c’est avant tout un système de survie. Le chamane trouve l’endroit où il y a du gibier, des points d’eau, des forêts.
DIALOGUE X Cosmologies
comme dans ton exemple de remóte viewing, tu peux te déplacer en voyage chamanique dans le Monde du milieu : tu peux aller voir ta tante, voir si elle va bien ou pas. Robert Gordon Wasson43 à vécu ce type d’expérience lorsqu’il a rencontré la chamane mazatèque Maria Sabina au Mexique : il lui avait demandé des nouvelles de sa fille et elle était allée voir, à distance… Cela peut sembler incroyable, mais pour un chamane, c’est une pratique classique.
DIALOGUE X Cosmologies
Agir pour le « bien » d’autrui sans qu’il l’ait demandé, c’est de la sorcellerie.
DIALOGUE X Cosmologies
tu peux aller parler à un arbre, mais le truc, c’est que l’arbre ne va pas t’apparaître sous une forme anthropomorphique et te dire « bonjour monsieur ! » Ce sera l’essence de l’arbre, son esprit, qui va te parler, qui va communiquer avec toi. Olivier : Il te parle comment, cet esprit ? Laurent : C’est très subtil, en fait. Cela peut sembler un peu farfelu de dire que je communique avec un arbre ou une pierre… Il ne faut pas croire pour autant que la pierre va nous serrer la main et nous dire bonjour. Il faut apprendre à capter les modes de communication des esprits de la nature. Communiquer avec une pierre ou avec un arbre, ça peut être très intéressant parce qu’ils sont très vieux. Une pierre, c’est extrêmement vieux, et cette vieillesse a quelque chose à nous apprendre. La nature est notre meilleur enseignant.
DIALOGUE X Cosmologies
l’on perçoit la densité qui est liée au Monde du milieu. Les Mondes d’en haut et d’en bas sont des mondes purement spirituels. Mais quand tu te trouves au sein d’une peuplade cha-manique traditionnelle, en Amazonie ou au Mexique, là où une grande partie du travail a lieu dans le Monde du milieu, avec les esprits des ancêtres, des lieux, des plantes, tu peux sentir cette densité dans l’air. La densité du Monde du milieu. Tu peux sentir cela à beaucoup d’endroits sacrés sur Terre : je l’ai par exemple également ressenti à Varanasi (Bénarès), en Inde, où j’ai passé un certain temps. Je sentais la magie dans l’air, c’était palpable ; c’est typiquement une sensation du Monde du milieu, et c’est très dense au niveau spirituel. C’est parfois presque insupportable ! C’est pour cela que dans les voyages que je fais de temps en temps chez les Huichols, au Mexique, j’ai parfois l’impression d’être dans une marmite à pression durant deux ou trois semaines.
DIALOGUE X Cosmologies
Est-ce que l’on peut distinguer esprit et entité ou est-ce la même chose ? Laurent : C’est la même chose,
DIALOGUE X Cosmologies
Olivier : La liberté nécessite de la discipline. Laurent : Quand on commence à travailler dans le Monde du milieu, il faut également avoir une certaine dose de courage – et simplement aimer faire ça. C’est souvent à ce moment-là que les gens qui veulent « faire du chamanisme » arrêtent parfois
DIALOGUE X Cosmologies
Il faut aimer faire ça pour bien le faire, je pense. Il faut vraiment en être convaincu au fond de soi, sinon il faut faire autre chose.
DIALOGUE X Cosmologies
Le dilettantisme, le fait de butiner à droite et à gauche, de tester des plantes et des techniques par-ci par-là, je ne suis pas fondamentalement contre, mais j’aimerais faire passer le message qu’il faut faire attention et qu’il faut un minimum de discipline mentale. Ce n’est pas un jeu !
DIALOGUE X Cosmologies
Des cultures chamaniques ont été éradiquées et détruites par les religions monothéistes depuis plus de deux mille ans, pour des raisons de « concurrence spirituelle ».
DIALOGUE X Cosmologies
Le but du chamanisme est de rétablir l’intégrité individuelle, de faire en sorte que les gens puissent être en contact avec leur propre force. C’est tout l’inverse des religions, qui ont organisé les croyances, qui sont de véritables administrations des âmes… C’est également une question politique, économique et de liberté individuelle. Il y a donc quelque chose de subversif à faire du chamanisme
DIALOGUE X Cosmologies
les sorcières du Moyen Age n’étaient pas forcément des sorcières dans le mauvais sens du terme. C’est une étiquette qui leur a été collée à l’époque parce que la médecine et l’Église voulaient s’accaparer du pouvoir. Les sorcières étaient des chamanes à cette époque : elles connaissaient la pharmacopée botanique et les états modifiés de conscience. Leur persécution était effectivement une question de monopole et de pouvoir sur les gens. Laurent : Et une question de misogynie également. Les grandes religions sont profondément misogynes : séparer les sexes pour régner sur les âmes
DIALOGUE X Cosmologies
Je pense que tous les gens qui ont une expérience plus élargie de leur conscience sont quand même plus pacifistes, plus tolérants en général que les gens à la conscience rétrécie, bloquée sur leur ego. Ce sont souvent les gens qui ont une conscience rétrécie qui attaquent les autres, qui cherchent la guerre ou qui refont l’histoire des autres.
DIALOGUE X Cosmologies
Laurent : C’est surtout une question de peur, parce que dans le cadre d’une perception chamanique, nous nous rendons compte que nous ne contrôlons pas grand-chose. La domination de la nature chère à nos cultures, nous pouvons l’oublier. Nous sommes inclus dans la nature et nous sommes en interaction permanente avec elle, avec la vie et la mort, avec les mystères de l’existence. En prenant conscience de cela et en l’acceptant, nous commençons à sortir des histoires de pouvoir.
DIALOGUE X Cosmologies
J’ai foi en l’être humain et en sa capacité à avoir une approche constructive de son existence : nous en approchons, et je pense que c’est pour cette raison que les vieux systèmes sont en crise.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Olivier : Ça me fait penser à la question du pouvoir de l’esprit sur la matière, qui est très bien documentée maintenant : il y a de nombreux travaux scientifiques qui ont mis en évidence que l’esprit a une influence sur la matière, et cela même à distance dans le temps et dans l’espace. Me viennent à l’esprit les excellents travaux de Dossey, Radin, Tart et Carter, entre autres. Pourquoi ne pas en tenir compte ? Les sceptiques n’ont qu’à les consulter et les éplucher, ils ont été faits pour eux.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Charles Tart a parlé du « Big Five » pour désigner les cinq capacités parapsychologiques qui étaient clairement démontrées par des études scientifiques rigoureuses en laboratoires, menées ces cent dernières années : la télépathie, la clairvoyance, la pré-cognition, la télékinésie, et la guérison psi (action à distance sur des systèmes vivants).
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
le terme « initiation » est un terme typiquement ésotérique. « Ésotérique » signifie un enseignement ou un savoir qui est réservé à une élite, aux initiés, à ceux qui savent versus ceux qui ne savent pas. Peu de gens ont conscience de cela et utilisent ces termes à tort et à travers
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
C’est un jeu de pouvoir : « Fais-tu partie du cercle des initiés ? » Bien évidemment, il y a des types de chamanisme qui sont très ésotériques, mais ce n’est pas mon truc. Je suis pour une approche transparente – et surtout, pour laisser les esprits faire leur travail.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
J’ai remarqué qu’il y a souvent pas mal de points communs entre les rituels et les « épreuves » de la thérapie chamanique et les techniques utilisées par les gens qui font de la thérapie stratégique ou de la thérapie ordalique ou de la thérapie provocative44. Ils utilisent des techniques qui créent un fort impact émotionnel et qui provoquent un recadrage cognitif ; un peu comme ce que tu décris dans ta thérapie chamanique, avec un changement extrêmement rapide. Je ne sais pas s’ils l’ont fait volontairement ou pas mais il y a beaucoup de rituels ou d’épreuves qui sont proposés aux patients qui ressemblent beaucoup à ce que peuvent faire les chamanes.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Laurent : As-tu des exemples ? Olivier : Aller dans la nature, regarder des plantes ou des cactus, aller dans un zoo pour regarder les animaux, tout cela en rapport avec un phénomène psychique qui a provoqué un blocage. Ou alors, prendre quelque chose qui représente la maladie, un symbole, le représenter dans la nature, puis ensuite le détruire en le jetant dans le feu ou en le mettant dans l’eau d’un lac. Alors, évidemment, il n’y a pas la notion d’esprits, mais ça ressemble beaucoup à ce que peuvent proposer certains chamanes pour recadrer le sens d’un symptôme ou pour sortir la personne de son isolement intérieur et lui faire voir le monde différemment
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
La spécialité des thérapeutes stratégiques, c’est qu’ils n’expliquent pas forcément leur démarche. Ils n’expliquent pas pourquoi on fait ça ou comment ça marche, pour que les patients ne cherchent pas à comprendre ce qui se passe avec leur tête. Surtout pas d’intellect.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
puis, par exemple, le thérapeute peut proposer au patient de signer un « chèque en blanc » et lui dire : « Avant de savoir ce que je vais vous demander, je vous demande une confiance totale en tout ce que je vais vous dire. » Laurent : Ce n’est pas trop mon truc, ça. C’est un jeu de pouvoir déguisé. Comment peux-tu demander une confiance totale alors que toi-même tu es en train d’improviser de nouveaux rituels ? Olivier : L’idée est que lorsque le patient dit oui, c’est un engagement important pour lui, hors du domaine du connu et hors du domaine de son contrôle sur les choses, pour se lancer dans l’imprévisible, l’inconnu. Le simple fait d’accepter cet engagement est déjà un changement important.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
J’ai un peu de peine à te suivre, je dois te l’avouer. Je trouve étranges toutes ces différentes psychothérapies labellisées avec des dénominations superintellectuelles mais qui se prétendent intuitives, sans utiliser la tête, etc. ; vous essayez de décloisonner, mais toutes ces étiquettes, ce sont des cloisons. Ce sont juste des termes, des marques déposées, des droits d’auteur — Untel ou tel autre type invente un nouveau concept et lui donne un nom : « C’est mon invention, ma méthode. » Pourtant, toutes ces approches sont universelles, et il n’y a pas forcément besoin de mettre des étiquettes dessus. Et dans tout cela, dans cette profusion de dénominations, définir à partir de quel moment c’est plutôt du chamanisme ou plutôt une nouvelle approche thérapeutique, c’est difficile parce que chaque chamane a la liberté d’utiliser les techniques qu’il veut. Voilà. Ensuite, je ne sais plus de quoi tu as parlé. J’ai déjà oublié. (Rires.)
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Le chamanisme a une perception simple des problèmes humains, maladie y compris. Quand ça devient trop compliqué ou trop théorique ou trop intellectuel, je pense que l’on sort du domaine du chamanisme. Ça sort du cadre… En fait, l’optique chamanique est tellement simple que l’on a de la peine à l’accepter dans sa simplicité. On essaye toujours de la compliquer. Regarde « chamanisme » sur Google et tu verras que ça se complique très vite… Mais à la base, c’est simple. Olivier : Aussi simple que le guérisseur de nos campagnes qui se laisse guider ou qui pose ses mains et qui laisse faire. Laurent : Oui, parce qu’en fait nous travaillons avec notre intuition et nous n’avons pas besoin de quinze mille étiquettes. Je le répète beaucoup, mais ce sont les esprits qui nous dirigent de toute manière, ce sont eux qui nous guident pendant les soins. Nous n’avons pas besoin d’avoir cent manuels ou d’avoir fait dix mille cours. Si tu as ça en toi, ça vient tout seul.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Les guérisseurs et les magnétiseurs ont tous leurs propres mythes fondateurs. C’est-à-dire qu’ils ont tous vécu un événement particulier qui les a fondés et légitimés en tant que guérisseurs. On retrouve la même chose dans le chamanisme. Laurent : Oui. Quand nous sommes appelés, nous devons répondre à cet appel, et c’est quelque chose qui n’est pas forcément facile à comprendre. Dans certaines traditions, être un chamane, ce n’est pas toujours un cadeau. Dès le moment où les esprits t’appellent… eh bien, il faut y aller. Ce n’est pas forcément toujours ce que l’on veut. Nous voudrions peut-être avoir une vie tranquille comme tout le monde, sans trop se poser de questions, et d’un coup nous sommes confrontés à toutes ces forces et à toutes ces problématiques. Nous devons le faire, quoi ! Mais en même temps, nous aimons faire ce travail. Cela ne nous tombe pas dessus par hasard. C’est un mélange entre le devoir de répondre à un appel et le fait que nous aimons faire ce travail.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Quelles sont les origines de la maladie dans le chamanisme ? Laurent : C’est très simple : tu tombes malade parce que tu transportes et accumules des énergies qui ne sont pas les tiennes. Inversement, il peut te manquer des énergies qui sont à toi, mais que tu as perdues durant ta vie.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Par exemple, si tu as un accident quand tu es enfant ou un traumatisme quelconque, une partie de ton être va se détacher de toi. Tant que personne ne sera allé chercher cette partie qui s’est détachée, tu vas vivre pendant des années avec un vide. Des énergies indésirables vont s’accumuler dans ce vide et vont perturber ton fonctionnement subtil, c’est-à-dire ton âme et ton intégrité énergétique. Donc l’hygiène de notre être profond, de notre manière de fonctionner, est liée aux événements qui ont lieu dans notre vie.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
La maladie, c’est juste la partie visible de l’iceberg. Souvent les gens viennent en consultation pour un problème physique – mal de dos ou autre chose –, mais la séance révèle ce qui se trouve derrière ce mal de dos : il y a eu des événements douloureux, des ruptures sentimentales, des deuils, du ressentiment, de la frustration
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
les chamanes s’intéressent très peu aux symptômes de la maladie ; ils s’intéressent à la cause profonde de la maladie,
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Si quelqu’un se plante une épine dans le pied, il ne va pas faire une extraction chamanique, mais plutôt une extraction chirurgicale : il va retirer l’épine du pied et désinfecter et faciliter la cicatrisation avec une plante. Les chamanes, en tout cas traditionnels, sont donc capables de comprendre et d’accepter les origines physiques de la maladie mais ne s’y cantonnent pas : ils vont plus loin et sont capables d’en comprendre également les origines émotionnelles et spirituelles. Ils ont une perception globale du problème, à tous les niveaux en même temps.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Une personne qui est prête à se faire soigner par un chamane, c’est une personne qui est prête à avoir un regard différent sur sa propre vie et sur le fait qu’elle est l’artiste qui crée sa propre vie, comme une œuvre d’art.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Pendant notre enfance et notre adolescence, nous vivons dans une sorte d’inconscience qui fait qu’une partie de l’œuvre nous échappe momentanément, mais ce n’est pas négatif : c’est comme ça. Nous accumulons parfois des choses qu’il faut ensuite régler chamaniquement, au moment opportun : tu vas voir un chamane, un guérisseur, un magnétiseur, un je-ne-sais-quoi, et il s’en occupe. Rien n’arrive par hasard.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Je dis souvent que le hasard, c’est une invention de l’esprit rationnel visant à expliquer ce qui le dépasse. « Ça me dépasse, alors, c’est le hasard. » Mais quand tu pratiques régulièrement, le hasard, tu peux oublier. Hop, un mensonge de moins.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Les chamanes n’ont rien inventé non plus. Nous ne faisons que puiser dans un savoir universel qui appartient à tout le monde. L’invisible est accessible à tous… et devient visible pour tous.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
qu’au niveau de la physique quantique, au niveau des travaux parapsychologiques, c’est démontré. Quelque chose d’invisible existe bien, et nous pouvons même le manipuler. Il peut y avoir des interactions entre le visible et l’invisible, il n’y a pas de soucis. C’est déjà démontré. Nous n’en sommes plus au stade de faire de nouvelles études pour le prouver, mais au stade de diffuser cette connaissance.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
en physique quantique, les travaux de David Peat ont démontré la prévalence des synchronicités dans l’univers.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Avant une séance, la personne a tendance à se dire : « Oui, je veux changer, oui, je me réjouis de changer…» Mais une fois que le changement arrive, une fois que les mécanismes se mettent en marche, ce n’est pas forcément facile à assumer. Sur le long terme, l’approche chamanique est toujours positive, mais il y a quand même du travail à faire du côté de la personne qui va se faire soigner, parce que c’est sa vie qui va changer. C’est elle qui va être confrontée à elle-même.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
que penses-tu du charlatanisme ? Laurent : Pour moi, c’est simple : un thérapeute qui est dans un jeu de pouvoir avec une personne qui lui demande de l’aide — et cela peut être un simple transfert de pouvoir –, ce n’est pas forcément un bon thérapeute. Un thérapeute qui redonne sa force et son intégrité, son indépendance à la personne qui vient le voir, c’est un bon thérapeute.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Le but, ce n’est pas de se coltiner toute la souffrance du monde, comme c’est le cas dans certaines religions. Le but, ce n’est pas de porter le fardeau des autres. Au contraire, il faut justement essayer de faire en sorte que les gens soient maîtres de leur propre vie.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Un point très important de ma pratique, c’est que je fais toujours très attention à ne pas parasiter l’esprit des gens avec mes propres croyances, ma propre terminologie… Olivier : Tu essayes d’entrer en adéquation avec leur propre univers en quelque sorte ? Laurent : Voilà ! En fait, je parle peu, contrairement à ce que je fais pour ce livre. (Rires.)
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Il y a de plus en plus de gens qui en ont marre qu’on leur raconte des salades, du bla-bla, des théories, des promesses, des cosmologies où l’on parle d’« entités de lumière de la seizième dimension » ou de machins… Dans le fond, tout cela, c’est accessoire ; ce qui compte, ce sont les résultats dans le travail que l’on fait
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Dès le moment où ça devient théorique, dès le moment où ça devient philosophique, où il faut changer de système de croyances pour passer à un autre système de croyances, on s’éloigne du but. Le but, ce n’est pas de passer d’un système de croyances à un autre. Ce n’est pas de passer du christianisme au bouddhisme ou du capitalisme au marxisme ou je ne sais quoi encore. C’est plutôt de se libérer de ces systèmes de croyances – y compris du mien en tant que praticien chamanique. J’ai mes croyances, mais je ne vais pas chercher à les imposer ni à les vendre à autrui.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Quand il se passe des choses typiquement chamaniques pendant les séances, qui sont par exemple liées aux animaux de pouvoir ou aux trois mondes, j’explique toujours que c’est selon ma compréhension du chamanisme et selon mes perceptions. Et je rajoute ensuite : « Vous en faites ce que vous voulez. Vous n’avez aucune obligation de croire en ce que je dis, ni de croire en l’animal de pouvoir, ni de croire aux trois mondes. Ce qui compte, c’est le résultat dans votre vie. »
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Olivier : Et là, par exemple, imaginons que je suis la personne : qu’est-ce que tu fais ? Laurent : Tu es couché et tu as les yeux fermés. Tu entends le son du tambour et mes chants. Tout d’un coup, ça commence à bouger en toi. Je m’approche de toi, j’aspire quelque chose avec ma bouche et tu te sens vidé, ça te fait des frissons. Je continue de jouer et hop, je reviens vers toi, et je souffle sur ton ventre, et là, tu sens beaucoup de chaleur jusque dans ta tête. Une séance de chamanisme, c’est un moment très fort pour les gens en général, parce qu’ils se rendent compte que juste avec un peu de rythme, un peu de chant, quelques mouvements, on arrive à débloquer des trucs incroyables. Les personnes vivent ces choses de l’intérieur, elles ont accès, d’un coup, à l’invisible ; il y a des images qui leur apparaissent dans la tête, et parfois elles font elles-mêmes un voyage chamanique, même sans qu’on leur demande, même sans savoir ce que c’est
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Olivier : Il y a des gens qui font des voyages chamaniques en hypnose, sans qu’on leur ait demandé, qui vont dans un monde, qui voient un animal, qui ressentent un contact avec l’animal alors qu’on ne leur a jamais dit que c’était un voyage chamanique. Mais c’est valable avec tous les états modifiés de conscience : l’accès est là, à portée d’esprit. Laurent : Ça prouve que c’est réel et universel. Par exemple, avant que les gens vivent leur premier voyage chamanique lors des séances, je ne leur parle pas d’animal de pouvoir et je ne leur dit pas qu’ils vont rencontrer un animal. Je leur dit juste : « Observez ce qui se passe. » Et dans beaucoup de cas, ils me racontent une rencontre avec un animal !
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
On a toujours tendance à croire que le chamane suggère des choses à l’avance, mais au contraire, j’essaye justement de suggérer le moins de choses possibles, pour voir ce qui vient.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
C’est expérimental : j’apprends au fur et à mesure que je pratique. Un chamane n’arrête jamais d’apprendre de nouvelles choses. Même un chamane de 80 ans continue à apprendre. Tous les jours, on apprend. Il n’y a pas de diplôme de fin d’études, du type « c’est bon, maintenant tu sais tout, tu es un grand docteur…»
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Petite parenthèse : ce n’est pas l’inconscient dans le chamanisme. Ce sont & autres mondes !
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
d’accord, mais je différencie : je parle d’inconscient ou d’extraconscient. J’avais écrit un mémoire dans lequel je parlais de « l’hypnose holotropique ». J’avais expliqué que, jusqu’à maintenant, on parlait de l’inconscient avec Erickson et qu’avec l’hypnose humaniste conceptualisée par Lockert on évoquait l’extraconscient, c’est-à-dire cette partie de la conscience non localisée dans le corps et qui est en relation avec tout dans l’univers.
DIALOGUE XI La médecine de l’invisible
Laurent : Cette histoire d’inconscient, c’est un truc qui revient souvent. Quand des médecins ou des psys viennent aux séminaires de chamanisme, ils parlent souvent de voyages dans l’inconscient ou de voyages intérieurs. Mais ce n’est pas seulement un voyage intérieur. Ça peut en être un, mais pas seulement. Je le répète encore une fois : un chamane, c’est quelqu’un qui voyage à l’extérieur également, pas juste dans son inconscient.
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
Souvent, les extractions créent un vide. C’est pour cette raison qu’on ne laisse pas les gens repartir d’une séance sans leur avoir ramené des énergies suite aux extractions. Je peux parfois enlever des énergies sur lesquelles la personne s’est appuyée pendant des années, même si ces énergies lui sont néfastes. La personne peut avoir vécu un traumatisme dans son enfance qui peut faire partie intégrante de sa vie présente. La maladie peut être comme un bouchon qui bouche un trou derrière lequel se cachent d’autres problèmes que la personne cherche à éviter. Si le chamane enlève cette protection, la personne se retrouve à nu…
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
C’est marrant, parce qu’en hypnose humaniste, c’est le même processus : le thérapeute extrait une énergie ou une sorte d’entité, ou en tout cas quelque chose d’autonome ou de semi-autonome. Puis, ensuite, il ne laisse jamais comme cela un trou béant, il le remplit de quelque chose de positif, de quelque chose de bon.
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
Les chamanes matérialisent par des gestes, par des chants, par une manière d’être les actions qu’ils font. Le mouvement et la matérialisation de l’acte sont importants. Cela ne se passe pas seulement à un niveau abstrait, symbolique ou purement spirituel. La manière la plus classique de faire des recouvrements ou des extractions, c’est avec la bouche, en aspirant ou en soufflant, mais il y a un nombre infini de variations
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
Dans mon expérience, je finis toujours par revoir mes clients à un moment ou à un autre. Cela peut être deux semaines après, six mois après, deux ans après. Mais le but ultime, c’est vraiment de redonner toute sa force à la personne pour qu’elle soit autonome.
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
Dans la perspective chamanique, l’âme, c’est l’intégrité énergétique de l’individu, c’est l’essence de l’être, et cette essence évolue avec l’être : elle n’est pas immuable. Elle est peut-être immortelle, mais elle n’est pas immuable : elle vit des expériences à travers nous, et parfois ces expériences altèrent la qualité de son énergie. Elle peut devenir une sorte de passoire énergétique qui absorbe un peu tout et n’importe quoi. Elle peut être morcelée, décentrée, perdre sa cohérence. L’âme vit ses histoires d’âme. C’est tout simple, dans le fond.
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
nous avons beau ne pas y croire, tout cela existe. Je pense que notre monde est un monde enchanté ou ensorcelé, et c’est paradoxalement dû au fait que nous n’y croyons pas. Moins nous croyons en ces choses-là, plus nous en sommes les victimes, en quelque sorte. Nous croyons vivre dans un monde rationnel, matériel, et cela nous rassure, alors que nous vivons dans un monde fait d’énergie, d’interactions complexes, de liens à distance. Tant que notre culture n’ouvrira pas les yeux là-dessus, elle vivra dans une sorte de naïveté chamanique.
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
Les personnes qui ont le courage d’aller voir un chamane — parce que c’est une forme de courage que d’aller voir un chamane – tant mieux pour elles. Souvent, même les personnes qui ne connaissent pas du tout ce genre de pratiques à priori sont soulagées de « quelque chose » après une séance. Parce qu’enfin, au bout de tant d’années, quelqu’un s’occupe de leur âme. Enfin un ou une spécialiste de l’âme !
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
malgré le fait que j’aie fait des études de médecine, des pratiques conventionnelles pendant longtemps, puis de la psychanalyse, des TCC et plein d’autres psychothérapies, je dois dire que je n’ai jamais été déçu ou trompé par les approches transpersonnelles ou par le chamanisme. Je n’ai jamais eu l’impression que cela me faisait sortir de la réalité ou que je commençais à faire des trucs qui dérapaient. Au contraire
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
le terme « chamanisme », comme je l’ai déjà dit, est une sorte d’imposture : on essaye de tout mettre dans le même panier parce que c’est plus facile à comprendre ainsi. Mais, finalement, c’est simplement le retour de pratiques qui mettent en jeu des forces qui ne sont pas visibles dans un état de conscience normal ou ordinaire.
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
Chaque chamane a des esprits alliés avec lesquels il travaille quotidiennement. Pour ma part, je ne travaille pas à chaque fois avec de nouveaux esprits, je ne demande pas à chaque esprit qui apparaît dans le voyage chamanique de m’aider. Je travaille avec ceux avec lesquels j’ai établi des contacts, avec lesquels j’ai développé une certaine confiance, de la complicité. Je dirais même que c’est une relation d’amitié.
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
le channeling, ce n’est rien de nouveau non plus. Regarde les oracles de la Grèce antique…
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
Dans ma pratique, dans mes soins, ce sont mes esprits alliés qui me montrent ce que je dois faire. Donc le chamane – en tout cas moi – ne prend pas de décisions. Lorsque je vois une énergie ou un esprit à extraire, je demande à mon animal de pouvoir : « Est-ce que je vais extraire cette chose ou pas ? » Alors parfois il me dit oui et parfois il me dit non. Pourquoi me dit-il plutôt oui ou plutôt non ? Je n’en sais rien. Ça ne me regarde pas, dans le fond : ça appartient à la personne. Donc ce n’est pas moi qui prends la décision. Je ne me base pas sur une échelle de valeurs ou sur une sorte de grille explicative de ce qui est bon ou mauvais. Je laisse mes esprits alliés me diriger
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
c’est là que Ton fait la différence entre le chamanisme de pouvoir, où c’est un être humain, avec son ego, sa personnalité et ses références culturelles qui prend la décision, et le chamanisme dans lequel on est juste vide pendant la séance et on laisse les esprits travailler à travers soi.
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
La question est surtout de savoir : quels types d’esprits les channels ou médiums contactent-ils dans leur travail ? S’il s’agit d’esprits du Monde du milieu, comme c’est souvent le cas, eh bien, les esprits du Monde du milieu ont leurs croyances, leur ego, leur personnalité, leur agenda… Voilà le problème. Nous pouvons ensuite nous demander pourquoi certains channels ont des informations contradictoires ? C’est parce que les esprits qu’ils « channelisent » sont des esprits du Monde du milieu, tout simplement.
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
Un très bon exemple d’esprit fiable est Seth, qui s’exprime à travers Jane Roberts dans Seth parle46. C’est, à mon avis, le meilleur exemple de channeling dans lequel un esprit collabore littéralement avec un auteur et fournit des informations remarquables de pertinence. Donc, ce qui est important avant tout pour un chamane, un channel, un médium, c’est de savoir avec quels esprits, quelles énergies il travaille. A qui, à quoi avons-nous affaire ?
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
les chamanes font également de la divination, de la prévention, des interventions sociales, du travail spirituel pour les gens – pas seulement un travail de guérison physique, en fait… Ils travaillent à tous les niveaux, les chamanes. Laurent : Oui, et dans les sociétés traditionnelles, ils travaillent également aux niveaux politique et économique.
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
quand c’est écrit dans un livre, ça reste. C’est cela, le pouvoir des mots : c’est écrit, c’est gravé, ça reste… Dès le moment où nous commençons à faire des définitions… Olivier : … nous sommes piégés.
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
Le piège, c’est que bien souvent, dans le dialogue entre le chamanisme et la science, c’est finalement la science qui finit par imposer ses définitions, parce que dans le chamanisme il n’y a pas cette volonté de toujours définir, de poser des concepts. Les chamanes, dans le fond, ils s’en fichent. C’est le scientifique qui aura le dernier mot… parce qu’il veut avoir le dernier mot.
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
je trouve l’hypothèse de Jérémy Narby dans Le Serpent cosmique très intéressante, parce qu’effectivement, je pense que le voyage chamanique peut nous donner accès à des dimensions microscopiques de la matière. Ça rejoint ce que je dis dans mon bouquin sur la méditation Vipassana : notre esprit est un microscope électronique, et peut-être même le plus puissant des microscopes électroniques. Et dans cet état modifié de conscience dans lequel l’esprit se transforme en un microscope, quand nous soufflons une âme, par exemple, cela pourrait effectivement avoir un effet sur l’ADN, une fonction de reprogrammation dont le mécanisme est encore inconnu.
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
bien sûr ! L’ADN est un émetteur-récepteur. Cela a été mis en évidence par des travaux de scientifiques russes qui ont traversé des filaments d’ADN avec un faisceau laser et ont montré que la même vibration continuait à être émise ensuite quand on retirait l’ADN. Ils ont appelé cela l’« ADN fantôme ».
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
L’ADN est un supraconducteur capable de recevoir des informations de très loin et de les transmettre très loin à température corporelle. Cela signifie que notre ADN est une antenne, et c’est peut-être cette antenne qui nous connecte aux autres mondes
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
Pourtant, cela n’explique pas tout. Lorsqu’il s’agit des esprits, il ne faut pas tout mettre dans l’ADN. Cela dit, je constate que la plupart des scientifiques qui ont fait des découvertes majeures au niveau de l’ADN ont eu des expériences avec les états modifiés de conscience. Déjà, le codé-couvreur de l’ADN, le Prix Nobel Francis Crick47, utilisait le LSD lorsqu’il a découvert la molécule en double hélice avec Watson. Ensuite, le Prix Nobel de chimie Kary Mullis48 a clairement expliqué le rôle qu’a joué le LSD dans sa découverte de la PCR (réaction en chaîne par polymérase), l’un des mécanismes les plus utilisés aujourd’hui en génie génétique.
DIALOGUE XII Pratiques chamaniques
Michael Harner a également vu des filaments d’ADN lors d’une prise d’ayahuasca avec des chamanes Conibo. Il donne un compte rendu détaillé de cette expérience dans son livre La Voie du chamane. C’est un document classique de l’anthropologie des plantes chamaniques, et ce n’est que vingt ans plus tard qu’il fit le rapprochement avec l’ADN…
DIALOGUE XIII Histoires de pouvoir
il y a des anthropologues qui ont décortiqué l’œuvre de Castaneda, et en fait, la plupart des informations qu’il donne ne tiennent pas debout49. Pour couronner le tout, selon certains chercheurs, il aurait tout « pompé » sur certains pionniers, tels que Weston La Barre2, Robert Gordon Wasson ou Timothy Leary50. Il offre une sorte de mélange revisité à sa sauce. Olivier : C’est une sorte de roman imaginaire basé sur des informations réelles. Laurent : C’est un roman initiatique, et lorsqu’il est pris dans ce sens-là, c’est un bon roman initiatique.
DIALOGUE XIII Histoires de pouvoir
Olivier : Pour toi, Don Juan a-t-il existé ? C’est très controversé, parce que Don Juan ressemble à une sorte de grand sage, mais ce n’est pas vraiment un chamane guérisseur. C’est plutôt l’archétype du chamane initiateur. C’est une sorte de sorcier qui joue avec la réalité, qui cherche le pouvoir. Laurent : Il parle beaucoup de pouvoir, en effet. Don Juan peut tout simplement être le guide chamanique de Castaneda, un guide de l’autre monde, pas forcément un personnage en chair et en os. Tout est possible, tout est réel dans l’expérience chamanique. Olivier : Don Juan, c’est un peu Merlin…
DIALOGUE XIII Histoires de pouvoir
Olivier : Je me demande d’ailleurs ce qui dérange tant dans le New Age en Occident. Retrouver des valeurs proches de la nature ? Se reconnecter à des parties de notre être occultées par la société ? Faire l’expérience de ses sens et de l’invisible, chose diabolisée par les religions ? Alors, c’est quoi qui dérange ? C’est le côté décalé des rituels New Age qui dérange ? Et alors ?
DIALOGUE XIII Histoires de pouvoir
Quand, dans les traditions chrétiennes, Y on demande de « manger le corps » et de « boire le sang » du Christ, ce n’est pas décalé, peut-être ? C’est du cannibalisme symbolique, après tout. Laurent : C’est chamanique : c’est un rituel visant à acquérir le pouvoir de celui qui s’est sacrifié. Le bouc émissaire paie le prix des fautes de la tribu. Cela vient du fait qu’au départ, quelques dizaines de milliers d’années avant l’émergence de ce que nous appelons la « civilisation », dans les tribus de chasseurs-cueilleurs, les chasseurs intégraient la force de leurs proies en les mangeant.
DIALOGUE XIII Histoires de pouvoir
les rituels établis dans nos sociétés dites « civilisées » sont pauvres de sens et ne servent qu’à marquer des passages normés et conformistes : passer son bac, son permis. .. Le foot est une sorte de religion, avec son côté cérémoniel — voire un côté EMDR, avec les yeux qui bougent pour suivre le ballon – il active une sorte de transe ou de furie chez le spectateur, mais l’énergie est souvent mal canalisée et rend le public parfois hystérique, violent ou triste, surtout quand son équipe perd… (Rires.) Laurent : Et pour l’EMDR, que dire du tennis ? Un coup à gauche, un coup à droite… Il semble que ce soient les sports favorisant les mouvements oculaires qui marchent le mieux dans nos sociétés, ce n’est pas anodin ! (Rires.)
DIALOGUE XIII Histoires de pouvoir
le chamanisme tel qu’il est décrit par Castaneda, c’est plutôt de la sorcellerie et des histoires de pouvoir
DIALOGUE XIII Histoires de pouvoir
beaucoup de gens pensent que c’est cela, le chamanisme, des histoires de pouvoir. C’est pour cette raison qu’il y a actuellement tout un courant de chamanisme de pouvoir. J’appelle cela le « capitalisme spirituel » : accumuler du pouvoir, le stocker dans des objets, accumuler du pouvoir dans son corps, etc. ; alors que le pouvoir, dans le chamanisme tel que je le pratique, ne fait que nous traverser – nous ne l’accumulons pas.
Note
Comme notre monnaie: le but est d’en accumuler…
DIALOGUE XIII Histoires de pouvoir
C’est d’ailleurs pour cette raison que dans les stages nous utilisons souvent le mot « force » pour remplacer « pouvoir », qui est un peu connoté péjorativement.
DIALOGUE XIII Histoires de pouvoir
Selon certains chercheurs, le chamanisme en Occident serait soi-disant New Age, ce ne serait pas vraiment du chamanisme. Qu’est-ce que tu leur réponds ? Laurent : Je connais bien cette problématique et, pour être franc, j’ai cessé de me prendre la tête avec ce type de discussions stériles… Beaucoup d’énergie perdue pour pas grand-chose. Ce que j’en ai retenu, c’est que les arguments de ces chercheurs se basent sur une absence de souffrance lors de la crise initiatique et l’absence de sorcellerie et d’histoires de pouvoir. Sans ces ingrédients, ce ne serait pas vraiment du chamanisme.
DIALOGUE XIII Histoires de pouvoir
Et pour voir les histoires de pouvoir, il faut pratiquer, il faut s’investir. Je ne vais pas me forcer à faire de la sorcellerie pour que certains anthropologues daignent s’intéresser à ma pratique… (Rires.)
DIALOGUE XIII Histoires de pouvoir
En bref, dès que tu commences à pratiquer, l’objectivité, tu peux oublier. Je pense que c’est là tout le dilemme de l’anthropologie – que je comprends tout à fait, soit dit en passant : comment étudier intellectuellement quelque chose qui ne peut être compris intellectuellement ? C’est d’ailleurs certainement pour cela que Michael Harner a quitté le monde académique : l’appel chamanique était bien trop fort. Et passer sa vie à se justifier, non merci.
DIALOGUE XIII Histoires de pouvoir
dans toute société humaine, il y a des jeux de pouvoir. Dès qu’il y a du pouvoir sans amour, il y a de la sorcellerie. Laurent : Lorsque des croyances sont imposées, c’est le même problème. C’est pour cette raison que je joue la carte de la transparence dans ce dialogue. Cela signifie que j’ai décidé d’expliquer des choses soi-disant secrètes ou taboues. A mon avis, il faut cesser de vivre dans le secret. Dans les cultures traditionnelles, les secrets et les initiations ésotériques sont une manière de canaliser le pouvoir. Je pense au contraire qu’il est important que l’information circule
DIALOGUE XIII Histoires de pouvoir
Pour pouvoir définir et comprendre comment fonctionnent les histoires de pouvoir, il faut sortir des livres et aller voir ce qui se passe sur le terrain. Mais les histoires de pouvoir n’existent pas seulement dans le chamanisme. C’est dans l’humanité en général. Ou, pour être plus précis, dans l’humanité à son stade d’évolution actuel. C’est ce que nous pouvons observer dans la politique, dans l’économie…
DIALOGUE XIII Histoires de pouvoir
Tout cela est en rapport avec la question de l’ingérence dont nous avons déjà parlé, c’est-à-dire le fait d’agir contre la volonté d’autrui, sans son consentement, et cela même lorsque l’on pense agir pour son bien. J’essaye de faire le moins d’ingérence possible. L’ingérence, c’est la forme de sorcellerie la plus répandue dans le monde. Aider autrui contre son gré, c’est du colonialisme spirituel. Dès le moment où j’aide une personne contre son gré, dès le moment où j’ai des sentiments de pitié, c’est une forme de sorcellerie. J’aide seulement les personnes qui me demandent explicitement de les aider
DIALOGUE XIII Histoires de pouvoir
le problème du pouvoir, c’est que ça se paye comptant. Il est possible d’accumuler le pouvoir, mais il faut également l’assumer ensuite
DIALOGUE XIII Histoires de pouvoir
En médecine et en psychothérapie aussi il y a des histoires de pouvoir. Par exemple lorsque les organisations de psychothérapie cherchent à asseoir leur autorité, elles ont tendance à avoir une attitude totalitaire en excluant les autres approches. Ainsi, elles tournent autour du pouvoir : elles cherchent à imposer aux gens qu’elles forment et aux malades qu’elles soignent une certaine notion du soin qui n’est pas toujours en rapport avec la réalité, parce que les patients ont une trajectoire qui n’est pas la leur. Donc oui, il y a des histoires de pouvoir partout, et je les retrouve également dans les non-dits… d’où l’intérêt de la transparence, comme tu le dis.
DIALOGUE XIII Histoires de pouvoir
quand on est psy, on peut très facilement être fasciné par le pouvoir de l’invisible, par une sorte de flatterie narcissique.
DIALOGUE XIII Histoires de pouvoir
Soigner, c’est un mouvement vers les personnes qui ont une demande explicite. Il n’y a pas ce côté religieux où il faut sauver les autres de leurs propres erreurs ou soi-disant péchés. Ce n’est pas du missionnariat ni du prosélytisme, bien que tout cela se développe également de plus en plus : il y a des groupes qui se forment pour lutter « spirituellement » contre les problèmes de l’humanité, par exemple. Je pense au contraire, qu’au niveau des énergies, cela peut renforcer encore un peu plus les problèmes, parce que dès le moment où tu commences à te battre contre une chose soi-disant négative, tu ne fais que la renforcer ; tu lui sacrifies ton attention et ton énergie.
DIALOGUE XIII Histoires de pouvoir
Comme le disait si justement Mère Teresa : « Je ne participerais pas à une manifestation contre la guerre, mais sans hésitation à un événement pour la paix…» Laurent : Oui, je crois que c’est une différence subtile qu’il faut parvenir à comprendre.
DIALOGUE XIII Histoires de pouvoir
cherchez votre propre guide. Ou encore mieux : commencez par vous chercher vous-mêmes plutôt que de vous demander si Don Juan existe ou pas. Olivier : C’est un peu la quête des Occidentaux : aller chercher un gourou en Inde, aller en Amazonie chercher son chamane. Laurent : Ou aller dans une librairie chercher Castaneda… (Rires.
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
Un tambour, c’est un objet qu’il faut apprivoiser : ça prend du temps pour parvenir à le maîtriser, il faut travailler tous les jours
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
Laurent : Il y a parfois comme un préjugé, une forme de snobisme par rapport au tambour. On se dit : « Le tambour, c’est soft, le tambour, c’est léger, léger…» Mais lorsque le tambour est bien travaillé, ça décape. Olivier : Les ondes cérébrales s’accordent au rythme du tambour. Laurent : Bien sûr ! Ce n’est pas du chamanisme placebo
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
Olivier : Historiquement, j’ai plutôt tendance à penser que c’étaient les plantes en premier… Laurent : Oui, il y a deux écoles à ce sujet. Il y a l’école « plantes » et il y a l’école « tambour ». Je suis en train de lire un livre53 qui date l’utilisation de la musique à plus de trente mille ans avant J.-C., alors que selon les trouvailles faites dans les Andes, les plus anciennes traces d’utilisation de plantes, c’est au maximum huit mille ou dix mille ans avant J.-C. Mais peu importe…
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
Olivier : Les deux approches sont importantes. Avec les plantes, tu accèdes très vite et très haut à un domaine que tu peux ensuite exploiter au tambour. Laurent : Tellement vite et tellement haut que la première fois que l’être humain a consommé de l’amanite tue-mouches54, il n’a pas forcément dû comprendre ce qui lui arrivait… Il était défoncé, ça, c’est sûr. {Rires.)
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
Le fait de mettre l’un au-dessus de l’autre, dans un rapport hiérarchique, comme par exemple le tambour au-dessus des plantes ou le contraire, c’est une chose que j’ai cessé de faire. C’est du snobisme chamanique. Ceux qui sont à 100 % dans le tambour et qui disent « ah non, moi, les plantes, jamais ! » se ferment peut-être des portes d’accès, tout comme les gens qui disent « ah non, moi, le tambour, ça ne marche pas…» Nous devons apprendre à ne pas nous crisper sur une approche au détriment des autres. Olivier : Nous retrouvons cette problématique dans l’intégration en psychothérapie. Les personnes qui faisaient uniquement de la psychanalyse ou uniquement telle ou telle autre technique se fermaient certainement des portes en pensant que leur technique était la meilleure…
Note
Si je l’ai fait c’est que c’est bien… Biais d’auto-connivence qui découle de l’expérience d’être au centre de sa propre histoire
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
Il faut toujours voir à long terme dans la pratique chamanique : le temps finit toujours par nous répondre. Olivier : Bien sûr… C’est tout le travail du chamane, qui ne donne pas comme ça une fois de l’ayahuasca ou autre, et c’est fini. Il faut qu’il y ait tout un travail de suivi, une vie en communauté, d’autres interventions, des jeûnes dans la nature avec des « plantes maîtresses » et autres. C’est un travail d’intégration, petit à petit…
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
Les personnes que je rencontre qui ont commencé leur pratique chamanique en prenant de l’ayahuasca, je peux te dire que, statistiquement, ce sont des personnes qui ont plus de difficultés à faire des voyages chamaniques avec d’autres outils. Pourquoi cela ? Parce que le canal chamanique est « squatté » par l’ayahuasca, tout simplement. Parce que c’est comme une chaîne de télévision sur laquelle on reste bloqué : c’est toujours la même chaîne qui est allumée. Pour changer de chaîne, c’est plus difficile si tu as commencé à travailler avec une plante puissante, parce que c’est la plante qui a créé le canal. Le canal a été formé par la plante. C’est une question technique, pas une question morale
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
les plantes n’aiment pas être critiquées… et les personnes qui prennent des plantes n’aiment pas que l’on critique les plantes. C’est tout simplement une relation de pouvoir. Dès le moment où l’on commence à critiquer les plantes, ces personnes ont l’impression qu’on les condamne… Mais je ne les condamne pas. Je dis juste : « Ouvrez les yeux sur ce que vous faites. » Pour moi, d’un point de vue technique, c’est l’esprit de la plante qui réagit à travers la personne, parce que l’esprit de la plante est dans la personne. Une plante qui est un très bon exemple de ce phénomène, c’est le cannabis. Dès l’instant où tu commences à critiquer le cannabis, certains fumeurs ou certaines personnes qui sont en relation avec la plante vont se vexer, vont s’énerver et vont crier au scandale. On ne touche pas à ça ! Tabou ! Pour moi, c’est juste une manière de montrer que c’est le pouvoir de la plante qui est en train de parler.
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
Je me souviens d’une période durant laquelle j’ai expérimenté beaucoup de plantes, et après avoir fait une pause de plusieurs mois, je me suis dit : « OK, maintenant je sais sentir la présence des plantes en moi et je sais également quand je suis totalement de retour en moi-même… et ça prend du temps pour s’en rendre compte. » Ça prend parfois des mois pour s’en rendre compte.
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
Dale Pendell, qui est peut-être l’un des meilleurs spécialistes de la question, appelle ce processus de retour à soi-même ground State training, c’est-à-dire « l’entraînement à l’état de base » ; autrement dit, savoir revenir à soi-même, dans son corps, sur Terre.
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
C’est un peu la même différence qu’entre prendre l’avion et aller à vélo. A vélo, tu peux toujours t’arrêter quand tu veux. Alors qu’en avion, tu es obligé d’aller jusqu’au bout. Laurent : A vélo, tu as le temps de voir le paysage, tu as le temps de voir les montagnes, tu as le temps de t’arrêter pour observer une jolie fleur sur le bas-côté de la route… C’est pour cette raison que je trouve que la pratique au tambour est idéale pour créer une base stable, parce qu’il est possible d’arriver à comprendre plus facilement ce qu’est un voyage chamanique. Une des choses que je dis souvent lorsque j’enseigne les techniques du voyage chamanique au tambour, c’est : allez lentement ! On peut passer d’un endroit à l’autre très vite, passer du cosmos aux mondes souterrains en un clin d’œil… Mais pourquoi ne pas y aller plus lentement, plus tranquillement ? Voir ce qui se passe, avoir le temps d’observer des détails… C’est comme cela que l’on développe la « vision ».
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
je tiens à signaler que je parle également de plantes qui ne sont pas forcément très médiatisées, chamaniquement parlant : par exemple le thé et le tabac, que je considère comme des alliés importants. C’est plus un travail de réflexivité, d’initiation, de « défragmentation du disque dur ». Au tout début, j’ai commencé avec les plantes, c’est important de le signaler. J’ai une immense gratitude envers elles. Olivier : Tu n’as pas eu l’impression que cela t’a « obturé » un canal ? Laurent : Non, pas vraiment. Peut-être que c’est dû au fait qu’entre deux j’ai fait sept ans de méditation Vipassana afin de savoir où j’en étais. Bien sûr, ce n’est en rien nécessaire, mais sur mon chemin, ça s’est présenté ainsi : j’ai dû passer par là et travailler mon discernement, mon sens de l’observation, ma vigilance… avant d’aller plus loin, chamaniquement parlant.
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
Nous pouvons d’ailleurs revenir, à ce sujet, sur la question de la discipline, qui est également un sujet sur lequel je ne vais pas me faire beaucoup d’amis, parce que c’est très politiquement incorrect. Mais apprenez à vous connaître vous-même avant de faire du chamanisme. Apprenez à développer un minimum de discipline spirituelle.
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
Bref, j’ai donc fait une pause de sept ans durant lesquels j’ai pratiqué la méditation Vipassana tous les jours. J’ai arrêté de fumer, j’ai arrêté de boire de l’alcool et j’ai arrêté de manger de la viande pendant sept ans. Je n’ai consommé aucune plante pendant sept ans, parce que je voulais voir la différence entre travailler avec des plantes et travailler sans plantes – et également sans tambour. J’ai trouvé qu’il était très intéressant de prendre ce recul quelques années par rapport à une vie où l’on consomme tous des plantes, même si c’est du café, même si c’est du tabac, même si c’est la petite clope de la pause ou le chocolat du quatre-heures… Nous vivons dans un monde qui est complètement influencé par les plantes chamaniques. Si tu veux voir ce que cela signifie réellement, il faut t’en extraire, il faut utiliser des techniques sans plantes.
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
Je suis né dans une région dans laquelle poussent beaucoup de Psilocybe semilanceata, les fameux « champignons magiques », et je connais relativement bien les effets de ces champignons… La première fois que j’ai fait une session de méditation Vipassana, c’est-à-dire onze heures de méditation par jour à observer mon souffle et mes sensations corporelles, eh bien, au bout du quatrième jour, j’avais les effets des champignons : les filaments de couleur, le serpent cosmique, la totale ! Sans plantes ni tambour. La deuxième anecdote se situe durant un séminaire d’une semaine de chamanisme au tambour. J’étais avec un ami qui a également beaucoup d’expérience avec les psychédéliques et, au bout de quelques jours de pratique, nous nous sommes retrouvés assis sur un canapé en train d’observer les tableaux bouger sur le mur. Nous nous sommes regardés en souriant et nous nous sommes dit : « Nous sommes en plein trip de LSD ! » Mais nous n’avions rien pris ; rien du tout. Tout cela pour dire que toutes ces potentialités, nous les avons en nous-mêmes…
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
D’ailleurs, notre cerveau produit son propre ayahuasca – des 6-carbolines et de la DMT – par le biais des sécrétions de la glande pinéale : on appelle cela l’« endohuasca ». L’ayahuasca est en nous ! Pas besoin d’aller le chercher bien loin… Laurent : Oui, et lorsque nous déléguons notre pouvoir, que ce soit à un objet chamanique ou à une plante, nous entretenons la croyance selon laquelle nous avons besoin d’un outil spécifique pour atteindre ces états. Nous déléguons notre pouvoir à des esprits, et ce n’est pas le but. Les esprits sont des auxiliaires, des alliés, ne l’oublions pas.
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
il m’arrive de plus en plus souvent de faire des voyages chamaniques sans rien du tout, juste en silence… Olivier : Là, tu te rends compte du pouvoir de ta conscience
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
Quand cela nous amène à voir qu’on a une conscience qui est immortelle, infinie, en lien avec tout, nous n’avons pas besoin d’aller chercher ailleurs. Par contre, nous devenons un très bon allié pour les plantes, si nous voulons collaborer avec elles. Parce que, pour travailler avec les plantes, il faut être fort soi-même. Sinon, tu en deviens l’esclave.
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
je ne fais jamais de voyage chamanique avec une plante sans appeler mon animal de pouvoir. L’animal de pouvoir est le garant de mon intégrité dans toutes mes expériences chamaniques. C’est lui qui me fait partir, c’est lui qui me ramène, y compris avec les plantes. En tout cas, cela me permet de revenir en un morceau, si je puis dire. Bien entendu, c’est ma manière de travailler, ce n’est pas une vérité absolue. Chaque chamane développe sa propre manière de travailler.
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
Nous parlions des plantes et du tambour, mais il y a également d’autres techniques dans le chamanisme pour entrer en transe, comme par exemple le chant ou la danse.
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
le chant participe vraiment à la structuration de l’expérience dans certains cas, comme chez les chamanes utilisant l’ayahuasca ou d’autres plantes. Ils chantent pour donner corps au voyage chamanique et pour éviter que la personne ne soit perdue dans les autres mondes. La danse est également utilisée pour que le chamane se mette en transe ou pour symboliser ses actes.
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
La danse est une manière de matérialiser les esprits. Et le chant, c’est effectivement une manière de faire voyager la personne et de moduler le voyage. Le fait de chanter me permet aussi d’entrer dans l’autre monde. Pour autant, ce n’est pas quelque chose qui est réservé aux chamanes. Il suffit d’aller à l’opéra pour se rendre compte que le chant nous transporte ailleurs, dans un autre monde.
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
Parfois, lorsque l’on est complètement perdu dans une expérience et que l’on a l’impression d’être complètement dispersé, chanter permet de se rassembler et de rendre l’expérience plus cohérente. Cela permet de redonner un pouvoir à l’intention que l’on a donnée. C’est difficile à expliquer, mais cela augmente l’énergie et la rend plus personnelle.
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
En Occident, nous avons un peu perdu la relation au chant. Nous pensons que c’est pour les chanteurs qui passent à Bercy et pour la Star Ac. (Rires.) Je pense qu’il est très important, lorsque l’on fait du chamanisme, d’apprendre à chanter. Cela ne signifie pas apprendre le solfège, mais plutôt apprendre à utiliser sa voix pour moduler l’expérience.
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
Le chant et la danse sont des outils nous permettant de dépasser nos peurs, parce que dès le moment où tu commences à danser, tu es nu ; tu perds ton apparence figée. Tu ne peux plus prétendre être tel personnage, tel ce type bien posé, sûr de lui, qui fait de jolies théories sur la vie. (Rires.) Tu redeviens un enfant, d’une certaine manière, car tu laisses ton corps s’exprimer – et surtout tu laisses les esprits s’exprimer à travers lui, tu leur prêtes ton corps. C’est une manière d’apprendre à lâcher prise – il faut se laisser complètement aller.
DIALOGUE XIV Plantes, chant et danse
C’est pour cela que, traditionnellement, l’un des passages obligatoires pour développer la pratique est d’acquérir un ou plusieurs chants. Ce sont nos chants de force, les chants que nous utilisons pour entrer en transe et pour faire « danser les esprits ».
DIALOGUE XV L’intention
Laurent : Ce que j’ai envie de communiquer au lecteur ou à la lectrice, c’est : faites vos propres expériences, expérimentez vos propres perceptions, créez vos propres croyances. C’est ce que j’ai de plus important à dire en ce qui me concerne.
DIALOGUE XV L’intention
Le message, c’est : ne croyez rien de ce que l’on vous dit, de ce que vous lisez, tant que vous ne l’avez pas expérimenté. La question de savoir quelle approche est la meilleure, ce n’est pas important. Vivez vos propres expériences.
DIALOGUE XV L’intention
Pour moi, les placebos sont une manière de jouer avec les croyances des gens qui n’est pas toujours très correcte. C’est un petit peu prendre les gens pour des imbéciles. L’intention cachée est de soigner à tout prix, aux dépens de l’intégrité de la personne.
DIALOGUE XV L’intention
Ce n’est pas vraiment mon truc : il faut jouer la carte de la transparence, une fois encore, pour que la personne puisse participer au processus de guérison. Il ne faut pas que des choses lui soient cachées soi-disant pour son bien. Il est important de savoir quel type de conscience nous désirons développer. Pour certains chamanes ou pour certains médecins, cela ne pose aucun problème que d’imposer certaines croyances. Tant mieux, parce qu’il y a des gens qui n’attendent que cela. Ils sont là pour recevoir des croyances. Ils payent pour recevoir des croyances.
DIALOGUE XV L’intention
Mais dans mon optique, tout ce que vous pouvez lire, toutes les suppositions, toutes les théories n’ont aucune valeur tant que vous ne les avez pas expérimentées. Pratiquez, et vous verrez. Moi-même, je me trompe sûrement dans ce que je dis. Mais en ce moment, c’est ma vérité telle que je la perçois ; mais c’est une vérité personnelle, ce n’est pas une vérité universelle.
DIALOGUE XV L’intention
nous pouvons transmettre des techniques, donner des indications sur le chemin à suivre, répondre à certaines questions ; mais dire « j’ai la vérité et je vais vous apprendre comment y arriver », c’est tout autre chose. C’est une vérité parmi d’autres, qui est liée à ma vie, à mon cheminement et à ma manière de percevoir les choses.
DIALOGUE XV L’intention
le monde de l’invisible est un monde qui te met en rapport avec le côté créateur de ta conscience. Je ne parle pas du côté « créatif », mais du côté « créateur ». Les synchronicités, par exemple, nous démontrent l’impact de notre conscience sur notre environnement et, par définition, si tu es un créateur, tu ne vas pas demander à un autre comment faire. Sinon, tu n’es pas un créateur, tu es une usine qui réplique un modèle qui a déjà été construit auparavant.
DIALOGUE XV L’intention
Laurent : Oui, c’est vraiment une problématique fondamentale : faut-il être « créateur », comme tu le dis, ou se contenter de répliquer ce qui a déjà été fait ? C’est là le cœur de la problématique du chamanisme tel qu’il se développe aujourd’hui. Souvent, lorsque je fais un voyage chamanique pour aller consulter mes alliés de l’autre monde sur une question précise, sur un dilemme, la réponse est très simple : « Fais ce que tu veux. » C’est très différent de « fais ce que tu peux ». Vouloir et pouvoir, ce n’est pas la même chose, parce que, dans le fond, nous pouvons faire ce que nous voulons. Mais que voulons-nous ? Quel est le but ? Quelle est l’intention ? Que ce soit dans le chamanisme avec plantes ou sans plantes, dans la vie en général, c’est la plus importante question que nous devons apprendre à nous poser. Qu’est-ce que je cherche ? Qu’est-ce que je veux ? Olivier : D’ailleurs, les plantes et les substances te mettent face à cette question : pourquoi fais-tu cela, en ce moment ? C’est par narcissisme ? C’est pour avoir de belles expériences ? C’est pour te sentir fort ? Ou est-ce par amour ? Est-ce que tu as envie de rejoindre la Conscience – ou Dieu ? C’est important, cela, parce que l’une des choses qui permettent de savoir pourquoi l’on fait ce travail, c’est de savoir si l’on est dans l’amour lorsqu’on le fait ou pas.
DIALOGUE XV L’intention
Je trouve intéressant d’observer que ce sont les personnes les plus intellectuelles, qui ont les doctorats les plus fantastiques, qui vont étudier les personnes les plus rurales et les plus archaïques à l’autre bout de la planète, alors que des paysans, il y en a à côté de chez eux… et des chamanes, aussi. Il n’y a pas besoin d’aller à l’autre bout de la planète pour en trouver. Je vis dans le Jura suisse, et tout le microcosme chamanique est là. C’est cela que je trouve paradoxal, parce que nous allons chercher très loin ce que nous avons à portée de main. Nous oublions de regarder ce qui se passe dans nos campagnes.
DIALOGUE XV L’intention
J’aimerais signaler qu’en Suisse l’un des plus gros succès en librairie de ces dernières années est un livre écrit par une ethnologue sur les guérisseurs de Suisse romande
Note
Jenny, M., Guérisseurs, rebouteux et faiseurs de secret en Suisse romande, Favre, 2008.
DIALOGUE XV L’intention
Les médias ont projeté cette image de maîtres spirituels sur les chamanes, alors que ce ne sont pas des maîtres spirituels
DIALOGUE XV L’intention
Le seul type qui ressemblait plus ou moins à mon image du maître spirituel, je F ai rencontré près de la source du Gange, à quatre mille mètres d’altitude. Il vivait dans une grotte et il m’a juste dit : « Life is a laugh », c’est-à-dire « La vie, c’est un éclat de rire ». Très chamanique ! Que dire de plus ? (Rires.)
DIALOGUE XVI Le sens de la vie et de la mort
ce que je trouve intéressant, c’est cette liberté que peut donner le chamane : il redonne confiance, il redonne la liberté, d’une certaine manière. Croire, c’est aussi une forme de liberté. Nous pouvons croire ce que nous voulons ; et cela, sans forcément adhérer à un modèle dogmatique. Nous pouvons avoir notre propre rapport au monde et à la réalité, ce qui donne du sens à ce que nous faisons.
DIALOGUE XVI Le sens de la vie et de la mort
Laurent : La vie a un sens, et par nos actions, nous donnons du sens au sens… Olivier : La vie a énormément de sens ! Est-ce moi qui invente ce sens ? Je crois que, souvent, le sens t’est donné. Souvent, tu ne l’inventes pas. Ce n’est peut-être pas cette liberté romanesque telle que nous l’entendons en Occident. Laurent : Oui, c’est quelque chose de beaucoup plus complexe, un mélange détonnant et paradoxal de libre arbitre, de choix et de devoir à accomplir en harmonie avec les forces de la nature et de l’univers.
DIALOGUE XVI Le sens de la vie et de la mort
« Accueillir son propre destin », c’est une belle formule. Et si en plus Ton y ajoute une dose de créativité, la vie devient une œuvre d’art. D’un point de vue chamanique, la vie a évidemment un sens en dehors de l’humain. L’humain est juste un élément de la vie parmi d’autres. Tout est esprit, tout a une intelligence, et cette intelligence, nous n’en sommes qu’une fraction. C’est d’ailleurs pour cette raison que les chamanes sont accros à la nature. La seule vraie drogue des chamanes, c’est la nature, parce que c’est dans la nature que cette intelligence est partout visible.
DIALOGUE XVI Le sens de la vie et de la mort
Olivier : Croire, c’est voir, et je crois qu’il est important de comprendre cela, surtout pour les personnes qui désirent développer ces capacités. La croyance a souvent été perçue comme une sorte de mécanisme conditionné pour les gens naïfs, alors qu’en fait, c’est une source de motivation pour la vie en général. Laurent : Oui, sélectionner ses croyances, les choisir et les vivre, c’est fondamental… et difficile également, parce qu’il faut sortir de celles qui nous ont été imposées par l’extérieur, par la société, par l’éducation, par la religion.
DIALOGUE XVI Le sens de la vie et de la mort
Par exemple, lorsque tu regardes un film, tu crois au film, sinon, tu éteins ta télé. Cela ne sert à rien de le regarder s’il ne te parle pas, s’il t’impose une perception du monde qui ne résonne pas en toi. Mais si le film te plaît, s’il te parle, tu ressens des émotions, tu pleures, tu ris, tu vis le film. C’est pareil quand tu fais du chamanisme : tu entres dans tes visions. Tu vis ta vision, tu vis ce que ressent ton corps : voilà ce qui est important.
DIALOGUE XVI Le sens de la vie et de la mort
Olivier : Oui, quand je dis « croire », cela ne veut pas dire que ce n’est pas vrai. Je dis croire pour accéder à l’expérience. Laurent : Oui, oui, nous sommes bien d’accord. Choisir ses croyances, c’est choisir sa réalité – ses réalités. Quelle liberté et quelle responsabilité !
DIALOGUE XVI Le sens de la vie et de la mort
En parlant de responsabilité, je pense que la publicité est un très bon exemple de sorcellerie. Le fait d’insérer des croyances dans l’esprit des gens, par l’intermédiaire de la télévision, des médias… c’est de la sorcellerie déguisée en information.
DIALOGUE XVI Le sens de la vie et de la mort
Olivier : Comme par exemple lorsqu’on te dit que telle marque de lessive lave plus blanc que telle autre marque de lessive… Laurent : J’y crois ! C’est quelle marque déjà ? (Rires.) Olivier : C’est complètement irrationnel. Laurent : C’est une croyance qui est diffusée à des millions de personnes en même temps. Tu vois la puissance de ces outils ? La publicité et les médias nous imposent des voyages chamaniques : c’est une forme de contrôle mental de la population. Ils créent des voyages chamaniques pour nous – et dans leur propre intérêt, qui est de maintenir le paradigme de pensée en place coûte que coûte –, mais ce ne sont pas nos propres voyages chamaniques. Ils sont imposés par quelque chose – une idéologie, un dogme — d’extérieur à nous. Olivier : C’est un processus qui n’est pas conscient et dans lequel nous ne pouvons pas choisir nos croyances.
DIALOGUE XVI Le sens de la vie et de la mort
D’ailleurs, à ce sujet, les gens qui font de l’hypnose disent qu’en fait, ils déshypnotisent leurs patients ; ils les font sortir de ce monde de croyances qui leur a été imposé par divers moyens.
DIALOGUE XVI Le sens de la vie et de la mort
la télé t’emmène dans d’autres mondes et t’impose une vision de la réalité qui n’est pas la tienne
DIALOGUE XVI Le sens de la vie et de la mort
Le meilleur exemple de voyage chamanique détourné, ce sont les jeux vidéo et les jeux de rôles. Mais comme pour les livres, en comparaison avec la télé, il y a quand même un espace d’activité et de liberté plus large.
DIALOGUE XVI Le sens de la vie et de la mort
il y a un réel besoin de renouer le contact avec les mondes invisibles. On nous a empêché ce contact durant des siècles, et c’est pour cette raison qu’on l’a finalement détourné à travers divers moyens, divers médias. Les gens n’ont plus le temps d’explorer les réalités invisibles, et c’est pourquoi il y a des professionnels – écrivains, artistes, réalisateurs, programmateurs de jeux vidéo, etc. – qui le font à leur place et leur en rapportent quelque chose de plus ou moins utile…
DIALOGUE XVI Le sens de la vie et de la mort
Il est vrai que les autres réalités ont toujours été très présentes, comme par exemple dans les contes de fées, les livres et les films fantastiques, de science-fiction, etc. Laurent : Oui, nous sommes avides de découvertes chamaniques. C’est un besoin fondamental. Lorsque nous faisons des voyages chamaniques proprement dits, nous ne faisons que nous réapproprier notre propre vie, nous ne faisons que jouer les gammes de notre propre code génétique, de nos propres capacités spirituelles. Et le tout dans un but qui est axé sur la vie sur Terre, dans la matière, ce qui peut sembler paradoxal. Mais tout cela est très logique, en fait.
DIALOGUE XVI Le sens de la vie et de la mort
Olivier : Ce dont je parle, c’est de retrouver l’union avec le Tout. Laurent : Cette union, nous n’avons pas besoin de la chercher. Nous sommes en plein dedans, en ce moment même. Il n’y a pas besoin de chercher quoi que ce soit : nous sommes dans l’union. Olivier : Mais tout à l’heure, tu as dit que les chamanes, ce n’était pas vraiment leur problème… Laurent : Effectivement, ce n’est pas leur problème, parce qu’ils savent que nous sommes tous dans l’union. Le fait de savoir cela leur permet d’être efficaces dans les problèmes terrestres, dans les questions quotidiennes, avec une approche pragmatique. Olivier : Donc, c’est une question de langage. Laurent : C’est surtout que nous avons tendance à chercher midi à quatorze heures, alors qu’il y a du boulot à faire à la maison.
DIALOGUE XVI Le sens de la vie et de la mort
Olivier : Un peu comme ce que l’auteur Daniel Pinchbeck raconte lorsqu’il demande, en pleine transe, à un esprit : « Qu’est-ce que je peux faire pour le bien du monde et de l’humanité ? » L’esprit lui répond : « Range ta chambre ! » Laurent : Exactement : réponse chamanique.
DIALOGUE XVI Le sens de la vie et de la mort
Il n’y a pas vraiment de théories spirituelles ou religieuses dans le chamanisme. Nous baignons dans tout cela en permanence. C’est une acceptation de ce que nous sommes au moment où nous le sommes. Il ne s’agit pas d’être autre chose que ce que nous sommes.
DIALOGUE XVII Conscience quantique
le physicien Erwin Schrödinger60 a eu le sentiment qu’il était scientifiquement correct de dire que notre cerveau individuel contribue à l’esprit universel. Le point clé le plus important pour « faire des miracles » consiste à comprendre le lien qui nous relie tous : « Tout est un, en un est le tout ». Ce que la physique quantique nous apprend, c’est qu’il ne peut y avoir un univers sans un esprit qui y intervient, et c’est précisément l’esprit qui donne forme à ce qui est perçu.
DIALOGUE XVII Conscience quantique
Je crois que certains aspects des expériences en état modifié de conscience profond pourraient être jugés comme irréels si l’on s’en tenait uniquement à une conception newtonienne, aujourd’hui périmée. Laurent : Oui, Newton et les philosophes des Lumières… pour eux, les chamanes étaient soit des fous, soit des charlatans. Ce n’étaient pas les meilleurs amis des chamanes… Olivier : Pas vraiment, effectivement. L’univers newtonien est une machine inanimée, sans but, faite d’atomes inertes, gouvernée par des lois éternelles, totalement connaissables, déterminées, et sans créativité, à l’intérieur de laquelle tourne une Terre morte et inanimée. Cet univers ne serait finalement qu’un mécanisme d’horlogerie. Or, certaines de ces croyances newtoniennes ont été remises en cause par les nouvelles découvertes de la physique quantique et de l’astrophysique.
DIALOGUE XVII Conscience quantique
dans le chamanisme, nous disons que l’autre monde est au-delà du temps et de l’espace, et que c’est pour cette raison que nous pouvons avoir accès à des informations à distance ou dans d’autres temporalités.
DIALOGUE XVII Conscience quantique
Le théorème de Bell va dans le même sens puisqu’il implique un hyperespace où toutes les réalités existent en un seul point : aucun échange d’information n’est alors nécessaire entre les deux photons pour qu’ils puissent communiquer entre eux instantanément.
DIALOGUE XVII Conscience quantique
Les physiciens Everett et Wheeler ont construit un modèle très plausible à partir de l’hyperespace de Bell, dans lequel notre univers ne serait qu’un univers parmi de nombreux autres univers situés dans cet hyperespace à dimensions plus élevées. Je pense qu’en état modifié de conscience, le cerveau pourrait se transformer en « ordinateur quantique » et être capable d’explorer cet hyperespace. Il pourrait communiquer en son sein, au travers de microscopiques canaux de connexion appelés les « vermoulures ».
DIALOGUE XVII Conscience quantique
Il y a également les travaux de David Bohm et de Karl Pribram, qui fournissent un modèle de la conscience humaine permettant l’existence des phénomènes chamaniques et paranormaux en général. Leurs théories portent un regard neuf sur le monde : nos cerveaux construiraient une réalité « concrète » irréelle et la réalité objective n’existerait pas.
DIALOGUE XVII Conscience quantique
Olivier : Oui, et à mon avis, tout cela permet de comprendre un peu mieux la télépathie, la précognition, les sentiments mystiques d’union avec l’univers, et même la psychokinèse, c’est-à-dire la capacité de l’esprit à agir sur la matière ou sur le vivant, à distance. Les phénomènes paranormaux ignorés par le milieu scientifique parce qu’ils n’entraient dans aucun des schémas connus devraient désormais trouver leur place dans la compréhension du monde.
DIALOGUE XVII Conscience quantique
je me souviens d’un voyage chamanique exploratoire au cours duquel je me suis retrouvé face à une myriade de petites bulles – c’étaient des univers ! Il y en avait un nombre incalculable et là, au milieu, notre univers et notre belle planète, la Terre, que je ressentais comme étant une planète un peu… comment dire… « rock and roll » ; c’est-à-dire en phase de maturation, comme si elle était en pleine crise d’adolescence – et nous avec, bien entendu. Depuis ce jour-là, je considère les gratte-ciel des grandes villes comme étant les boutons de la crise d’acné de la Terre. Et le réchauffement climatique, c’est la fièvre du samedi soir. (Rires.) La question est bien entendu de savoir quelles seront les conséquences de cette fièvre…
DIALOGUE XVII Conscience quantique
nous vivons dans un univers participatif, dont la connaissance dépend de l’observateur, et que toute chose est, en réalité, d’une certaine façon, connectée à toute autre.
DIALOGUE XVII Conscience quantique
John E. Mack fut le psychiatre le plus impliqué dans ce domaine de recherche inhabituel. Dans ses études, il a observé que les personnes qui ont été « enlevées » par des extraterrestres disent très souvent que le « contact » a lieu au-delà du temps et de l’espace, qu’elles traversent des murs ou des vitres, qu’elles se retrouvent quasiment instantanément d’un endroit à un autre ; de chez elles à un vaisseau spatial. Ce qui est étonnant, c’est que dans la plupart des cas – et il y en a des milliers – ces personnes sont tout à fait saines psychiquement. Ce n’est en tout cas pas une pathologie « classique ».
DIALOGUE XVII Conscience quantique
Strassman a injecté de la DMT à des personnes volontaires dans le cadre d’un protocole expérimental et un grand nombre de ses sujets ont eu des expériences de rencontres avec des entités extraterrestres. Il ne s’attendait pas du tout à ces résultats, surtout que ses recherches étaient sponsorisées par le gouvernement américain !
DIALOGUE XVII Conscience quantique
Laurent : Un film qui résume bien toutes ces questions est 2001 : L’odyssée de l’espace. Tout y est. La fin du voyage est spirituelle, l’espace et le temps n’ont plus aucune cohérence newtonienne. L’humain doit se détacher de sa propre création – la technologie – pour continuer son voyage. Stanley Kubrick était un visionnaire. Il rejoint ce que disait Leary : « Les extraterrestres, c’est nous dans le futur…»
DIALOGUE XVII Conscience quantique
Olivier : Finalement, je crois que le voyage de l’âme en état modifié de conscience, qu’il soit psychédélique ou chamanique ou autre, peut être considéré comme une porte d’accès à toutes les possibilités, à tous les autres mondes : c’est la porte d’entrée vers le monde quantique. C’est dans les phénomènes les plus microscopiques de notre corps que se trouvent toutes les possibilités en suspens, c’est là que nous pouvons contacter tout l’univers et toute forme de vie, c’est là que l’accès à toutes les autres dimensions est possible, c’est là que s’exerce le pouvoir de la conscience et de l’intention sur la matière. C’est le monde des chamanes, des magiciens, des mystiques et… des physiciens quantiques. C’est le monde que nous révèlent l’iboga, l’ayahuasca, la kétamine et le LSD, entre autres… sans oublier le tambour, bien sûr. Parfois, cela peut être vécu spontanément sans que Ton n’ait rien demandé.
DIALOGUE XVII Conscience quantique
Olivier : Les états modifiés de conscience et les expériences chamaniques amènent le sujet à être en contact avec les processus et les phénomènes les plus microscopiques, c’est-à-dire avec ce qui fonde l’univers : l’énergie.
DIALOGUE XVII Conscience quantique
C’est à partir de l’installation de la perception dans ce lieu-là que l’individu rejoint l’esprit, c’est-à-dire qu’il réalise les infinies possibilités que la conscience est capable de créer. C’est pour cela que le chimiste Alexander Shulgin67 disait que tout ce qu’il avait vécu dans ses expériences psychédéliques ne pouvait simplement être dû aux comprimés blancs qu’il avait ingérés. (Rires.) Il avait la sensation que l’univers était accessible à travers notre propre corps. William Blake a dit la même chose à cheval entre le XVIIIe et le XIXe siècle68. Laurent : Oui, Blake est l’exemple parfait de l’artiste chamane occidental. Les fameuses « portes de la perception », c’est sa trouvaille
DIALOGUE XVII Conscience quantique
Les chamanes ne sont pas des mystiques qui cherchent à rester en permanence dans cet état : ils le visitent, font leur travail, et ensuite, ils reviennent. Petit message à toutes les personnes qui pratiquent ces techniques : revenir, c’est fondamental ! C’est là que l’on fait la différence entre un chamane, un mystique, un allumé et un perdu
DIALOGUE XVII Conscience quantique
pour approfondir notre compréhension des expériences liées aux états modifiés de conscience, nous devons reconsidérer toute l’étendue du matériel qui avait été méprisé sous les termes d’« hallucinations », de « psychose », de « suggestibilité », de « stupidité » et de « fraude », comme ne signifiant rien d’autre qu’une dysfonction et un désordre mental.
DIALOGUE XVII Conscience quantique
N’oublions pas que certaines des plus grandes avancées scientifiques furent rejetées par des scientifiques renommés de leur époque. En me remémorant mes cours de médecine, je me souviens que le physicien Lord Kelvin, à la fin du XIXe siècle, ne croyait pas ce qui n’était pas tangible et disait : « Les rayons X sont une fraude scientifique. » Laurent : Et aujourd’hui, cela donne : « Le chamanisme est une fraude scientifique. »
DIALOGUE XVII Conscience quantique
pour de soi-disant scientifiques ou docteurs, cette attitude n’est-elle pas aussi vaine que celle de l’Église quand elle a cru qu’il suffisait de confiner Galilée chez lui pour faire oublier ses découvertes ? Et que dire de l’État quand il décida que les questions posées par la recherche psychédélique s’estomperaient d’elles-mêmes en l’interdisant et en condamnant Timothy Leary à trente années de prison ? Laurent : On ne peut pas enfermer la vérité, c’est bien cela ? Et surtout pas si elle s’appelle Leary ! (Rires.) Nous en avons déjà souvent parlé en dehors du cadre de ce dialogue : je suis un lecteur très attentif de Timothy Leary. Il est à mon avis le meilleur exemple de « Galilée moderne » qu’on a fait passer pour un allumé afin de le discréditer. Le parfait bouc émissaire, dangereux parce que trop en avance sur son temps… trop subversif. Si un jour il y a une forme futuriste de chamanisme, c’est en grande partie de lui qu’elle proviendra. Le temps donne finalement toujours raison aux visionnaires.
DIALOGUE XVII Conscience quantique
Psychiatres et psychologues n’ont pas encore réussi à intégrer les données de la physique moderne à leurs théories. Certains d’entre eux diront qu’il n’y a rien à intégrer et qu’il n’existe aucune donnée nécessitant une compréhension quantique de leur discipline. Ils espèrent probablement que cela passera tout seul et qu’ils n’auront pas à « compliquer » leurs théories psychologiques ou psychiatriques, ou même la médecine dans son entier.
DIALOGUE XVII Conscience quantique
Le modèle quantique nous est très utile pour théoriser, et finalement « autoriser » l’observation et l’utilisation thérapeutique des manifestations extraordinaires de l’esprit. Et il s’agit ici de phénomènes comme voyager dans le temps – exploration des vies antérieures ou futures – ou dans l’espace – fusionner avec d’autres formes de vie –, des connexions directes entre des événements mentaux survenant lors d’états modifiés de conscience et des changements physiques survenant dans le monde extérieur, dans la réalité ordinaire – les synchronicités, la magie –, aller explorer d’autres niveaux d’énergie ou de conscience – voyages hors du corps, NDE, rencontres d’entités spirituelles, etc. Laurent : En gros, c’est ce que font les chamanes et tous les autres praticiens de l’esprit – mais sans l’enrobage théorique. Et ils font cela depuis des millénaires ! Donc, si je comprends bien, dans notre monde, il faut que ce soit digestible par la tête pour que ce soit « autorisé ». De là à dire que nous vivons dans une petite dictature de l’intellect, il n’y a qu’un pas…
DIALOGUE XVII Conscience quantique
que ce soit prouvé ou pas, cela n’a jamais empêché les chamanes de faire leur travail… et d’avoir des résultats.
DIALOGUE XVII Conscience quantique
J’ai lu récemment que notre société occidentale est l’une des seules cultures au monde qui n’accepte pas les états modifiés de conscience comme étant une source valable de savoir, d’information, de connaissance. Est-ce que tu crois qu’en les expliquant rationnellement, nous allons finir par les accepter ?
DIALOGUE XVII Conscience quantique
Olivier : Malheureusement, ce n’est pas si simple. Il va falloir aussi les accepter émotionnellement, c’est-à-dire accepter l’inconfort et l’angoisse que peuvent engendrer ces bouleversements profonds de notre conception du monde, de nos repères et de nos certitudes matérialistes. Et il faut beaucoup de temps pour que la raison accepte la réalité des faits.
DIALOGUE XVIII Le mot de la fin
Ce n’est pas si difficile que cela d’entrer dans ce monde-là. Il faut y aller avec une certaine dose d’humilité et de courage, avec un esprit de découverte. Il faut prendre le temps et oser jouer avec ses sens, avec son imagination et avec son intuition, surtout. Ce n’est pas si difficile que cela d’entrer dans l’invisible. Il y a des portes d’entrée classiques, telles que certaines méthodes spirituelles comme le yoga, la méditation, etc. Après, il y a des formations plus spécifiques, avec des personnes qui ont déjà affiné leur esprit et leur sens, comme dans le magnétisme, dans le chamanisme, etc. Ensuite, c’est un peu à chacun de suivre ses affinités
DIALOGUE XVIII Le mot de la fin
J’ai remarqué que quand tu commences à t’intéresser à ces domaines-là, à mettre un pied dedans, à pratiquer, les événements se précisent et les synchronicités s’organisent. Nous sommes conduits vers l’enseignement ou la pratique qui nous convient le mieux. Tout le monde ne suit pas le même chemin, mais par contre tout le monde peut y trouver son compte et élargir ses perceptions, développer ses capacités thérapeutiques et s’épanouir spirituellement tout en restant bien ancré sur Terre dans la réalité matérielle.
DIALOGUE XVIII Le mot de la fin
Dans tout ce qui a été dit, pour moi, ridée la plus importante est celle de la transparence. La transparence, d’une manière générale, dans le monde tel qu’il est en train de se dessiner aujourd’hui, c’est la chose la plus importante… et également la plus difficile à assumer, peut-être. Eure transparent, cela veut dire qu’il n’y a plus de secrets, cela veut dire expliquer les choses telles qu’on les vit. Ce n’est pas forcément la vérité absolue, mais c’est une vérité parmi d’autres.
DIALOGUE XVIII Le mot de la fin
La transparence permet également de sortir des histoires de pouvoir, ce qui me semble important pour le développement futur des pratiques chamaniques. Nous devons défragmenter nos pensées et notre manière de vivre.
DIALOGUE XVIII Le mot de la fin
Il est également important de prendre conscience que la France est un pays qui s’éveille à tout cela avec parfois un peu de réticence, alors que dans la plupart des autres pays d’Europe ou aux États-Unis… et même chez moi, en Suisse – pour parler des pays occidentaux –, le chamanisme fait tout naturellement partie du paysage : il y a des interactions avec des scientifiques, des médecins, des chercheurs, etc. ; et il y a une liberté individuelle qui n’est pas sans cesse remise en cause pour des raisons de sécurité publique ou de crainte de l’irrationnel, ou je ne sais quel argument bidon.
DIALOGUE XVIII Le mot de la fin
Il y a quelque chose de très contradictoire, de très paradoxal dans tout cela : ce n’est pas un jeu et, en même temps, c’en est un. Il faut prendre cela au sérieux – sans se prendre au sérieux.
DIALOGUE XVIII Le mot de la fin
Nous devons dépasser le complexe d’infériorité chamanique que nous avons en Occident. Nous devons dépasser notre timidité chamanique. Nous vivons à une période de l’histoire de l’humanité où nous ne pouvons plus nous permettre d’avoir ce type de limitations mentales.
DIALOGUE XVIII Le mot de la fin
Il n’y a pas besoin d’avoir eu une grand-mère sorcière pour le faire. Cela peut peut-être aider, mais ce n’est pas nécessaire. (Rires.)
DIALOGUE XVIII Le mot de la fin
Laurent : A la base, le chamanisme, c’est quand même un système de survie. Le chamane trouve les points d’eau, le chamane cherche le gibier, etc. Souvent, j’entends dire que dans notre monde moderne, nous n’avons plus besoin de cela… Je pense au contraire que nous sommes de plus en plus confrontés à des questions de survie, même si c’est à un autre niveau. C’est un autre type de survie, c’est quelque chose de plus subtil. Lorsque j’observe des personnes faire des burn out ou des dépressions, ou lorsqu’elles se posent simplement des questions face à un choix à faire, face à une orientation de vie, ce sont des questions de survie. Nous sommes en plein dans des questions de survie, et le chamanisme a son mot à dire également dans nos pays. Nous devons cesser d’être timorés par rapport à ces pratiques : au travail !
DIALOGUE XVIII Le mot de la fin
Le premier message des esprits, c’est de garder le sourire.