Lettres à Lucilius
Highlights
Lettre 1
Quel homme me citeras-tu qui mette un prix au temps, qui estime la valeur du jour, qui comprenne qu’il meurt chaque jour ? C’est là notre erreur, en effet, que de regarder la mort devant nous : en grande partie, elle est déjà passée ; toute l’existence qui est derrière nous, la mort la tient. Fais donc, mon cher Lucilius, ce que tu écris que tu fais, embrasse toutes les heures ; de la sorte, tu dépendras moins du lendemain quand tu auras mis la main2 sur l’aujourd’hui. Pendant qu’on la diffère, la vie passe en courant.
Lettre 1
n’estime pas pauvre celui qui, si peu qu’il lui reste, en est satisfait ; toi, pourtant, je préfère que tu préserves tes biens et que tu commences au bon moment. Car, selon l’avis de nos ancêtres, il est « trop tard pour épargner quand on arrive au fond6 » ; ce n’est pas seulement, en effet, la part la plus petite qui subsiste à la fin, mais la plus mauvaise. Porte-toi bien.
Lettre 2
Ce que tu m’écris et ce que j’entends dire me donnent bon espoir à ton sujet : tu ne cours pas dans tous les sens ni ne troubles ton repos à force de changer de lieu. Une telle agitation est le fait d’une âme malade : la première preuve d’une intelligence ordonnée1, c’est, à mon avis, de pouvoir s’arrêter et s’attarder avec soi.
Lettre 2
Or prends garde qu’une telle lecture d’auteurs nombreux et de volumes en tout genre n’ait quelque chose d’errant et d’instable. Il faut s’attarder et se nourrir auprès de génies choisis si tu veux en tirer quelque chose qui demeure fidèlement dans l’âme. On n’est nulle part quand on est partout. À passer toute sa vie en voyage, voici ce qui arrive : on a beaucoup de chambres d’hôtes, aucune amitié ; le même sort attend nécessairement ceux qui, au lieu de s’attacher intimement à un génie, traversent toutes les œuvres en se hâtant de courir.
Lettre 2
Goûter à beaucoup de plats est le fait d’un estomac blasé ; lorsque ce sont des mets différents et opposés, ils souillent2, ne nourrissent pas
Lettre 2
ce n’est pas celui qui a peu mais celui qui désire plus qui est pauvre
Lettre 2
Qu’importe, en effet, combien d’or gît dans ses coffres, combien de blé dans ses greniers, combien d’animaux il a au pâturage, ou d’argent placé, s’il convoite le bien d’autrui, s’il compte non ce qu’il a acquis mais ce qu’il doit acquérir ?
Lettre 2
quelle est la mesure de la richesse ? La première, posséder ce qui est nécessaire ; la deuxième, ce qui est suffisant. Porte-toi bien