Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) - Marshall Rosenberg
Livre de Marshall Rosenberg sur la CNV
Highlights
Avant-propos
Notre réalité personnelle contient toujours une histoire et, dans l’histoire que nous vivons dès le plus jeune âge, le langage occupe une place fondamentale
Avant-propos
Ce constat a modelé la manière dont Marshall aborde la résolution des conflits, amenant les gens à se parler sans jugements, reproches ni violence.
Avant-propos
visages furieux des manifestants qui nous mettent si mal à l’aise quand nous regardons le journal télévisé ne sont pas que des images. Derrière chaque visage, chaque cri, chaque geste, il y a une histoire. Nous nous cramponnons tous à la nôtre, car elle sert d’ancrage à notre identité.
Avant-propos
Alors, quand Marshall nous invitait à parler un langage de paix, il nous invitait en même temps à adopter une nouvelle identité.
Avant-propos
Quand on observe un monde en proie aux guerres et à la violence, dans lequel on pense souvent qu’il y a nous et les autres, et où des États sont capables d’enfreindre toutes les règles de la civilisation pour commettre des atrocités insupportables, un nouveau système de valeurs paraît bien éloigné.
Avant-propos
« nous essayons de vivre un système de valeurs différent tout en recherchant un changement social ». Dans ce nouveau système de valeurs tel que Marshall le voit, les conflits se résolvent sans faire appel aux compromis frustrants habituels. À la place, les parties en présence s’abordent l’une l’autre avec respect. Elles s’interrogent sur leurs besoins respectifs et, dans une atmosphère dénuée de passions et de préjugés, elles entrent en connexion
Avant-propos
Où que l’on soit dans le monde, on adhère à un système de valeurs. Non seulement il est impossible d’échapper à ces systèmes, mais les gens en sont fiers. De tous temps, les guerriers ont été à la fois appréciés et craints dans le monde entier. Les jungiens nous disent que l’archétype de Mars, le dieu de la guerre, est profondément ancré dans l’inconscient collectif, rendant le conflit et l’agression inévitables, comme un vice inhérent à notre nature.
Avant-propos
Pourtant, on peut voir la nature humaine autrement,
Avant-propos
Cet autre point de vue ne nous identifie pas aux histoires que nous vivons. Ces histoires sont des fictions créées par nous-mêmes, qui restent inchangées sous l’effet de l’habitude, de la pression du groupe, des anciens conditionnements et du manque de conscience de soi. Même les meilleures histoires contribuent à la violence.
Avant-propos
Si vous voulez utiliser la force pour protéger votre famille, vous prémunir contre des attaques, lutter contre les méfaits des autres, prévenir la criminalité et vous engager dans une guerre prétendument « juste », vous avez été séduit par le chant des sirènes de la violence
Avant-propos
Marshall possédait cette qualité. Dans un conflit, il ne prenait pas parti et ne s’intéressait même pas fondamentalement à l’histoire des parties en présence. Reconnaissant que toutes les histoires mènent à un conflit, latent ou ouvert, il concentrait son attention sur la connexion entre les gens pour établir entre eux un pont psychologique.
Note
Il n’y a pas d’ennemis s’il n’y a pas d’histoire
Avant-propos
On retrouve là un autre axiome de l’Ahimsa : ce n’est pas ce que vous faites qui compte, c’est la qualité de votre attention
Avant-propos
L’agression fait partie intégrante du fonctionnement de l’ego, qui est entièrement centré sur « je, moi et le mien » chaque fois qu’un conflit se déclare. La société fait mine de s’inspirer des saints et de leur vœu de servir Dieu plutôt qu’eux-mêmes, mais il y a un grand fossé entre les valeurs que nous embrassons et la manière dont nous vivons réellement. L’Ahimsa comble ce fossé en élargissant le champ de notre conscience. Le seul moyen de mettre fin à toute violence est de renoncer à notre histoire. Il est impossible d’accéder à l’Éveil tant que l’on a un intérêt personnel dans le monde – voilà ce qui pourrait être le troisième axiome de l’Ahimsa. Cependant, cet enseignement peut sembler aussi radical que le Sermon sur la montagne, dans lequel Jésus promet que les humbles hériteront la terre. Dans les deux cas, il ne s’agit pas de changer vos actions mais de changer votre conscience
Avant-propos
Pour cela, vous devez parcourir un chemin allant de A à B, où A est une vie soumise aux exigences incessantes de l’ego et B une vie marquée par une conscience désintéressée. Pour être franc, une conscience désintéressée est rarement un objet de désir, mais plutôt une aspiration qui paraît à première vue effrayante et impossible à atteindre. Quelle gratification peut-on espérer si l’on débranche l’ego, dont la seule motivation est la recherche de gratification ? Une fois l’ego hors service, reste-t-on sans rien faire, passif et spirituellement inerte ? La réponse se trouve dans ces moments où le moi se met en retrait naturellement et spontanément, par exemple pendant une méditation ou simplement quand on éprouve un profond contentement. La conscience désintéressée est l’état dans lequel nous sommes lorsque la nature, l’art ou la musique suscitent notre émerveillement. L’unique différence entre ces moments – auxquels nous pouvons ajouter toutes les expériences de créativité, d’amour et de jeu – et l’Ahimsa tient au fait que les premiers vont et viennent, tandis que la seconde est un état stable.
Avant-propos
L’Ahimsa révèle que les histoires vécues et les ego qui les alimentent sont des illusions, des modèles que nous créons nous-mêmes pour des raisons de survie et d’égoïsme. La récompense que nous apporte l’Ahimsa ne consiste pas à renforcer l’illusion, ce que l’ego cherche toujours à faire en aspirant à plus d’argent, de possessions et de pouvoir. La récompense, c’est d’arriver à devenir qui nous sommes vraiment.
Avant-propos
Il est exagéré d’évoquer une conscience supérieure pour décrire l’Ahimsa. Il serait plus exact de parler de conscience normale dans un monde où la norme est si anormale qu’elle relève de la psychopathologie
Avant-propos
Vivre dans un monde où des milliers d’ogives nucléaires sont dirigées vers l’ennemi et où le terrorisme est un acte religieux acceptable, c’est devenu la norme, mais ce n’est pas normal pour autant.
Avant-propos
L’Ahimsa doit être ravivé avec chaque génération, parce que la nature humaine est déchirée entre paix et violence
Avant-propos
À mes yeux, l’héritage que Marshall nous laisse par le travail de toute sa vie ne réside pas dans la manière dont il a révolutionné le rôle de médiateur, aussi précieux que cela soit. Cet héritage, c’est le nouveau système de valeurs selon lequel Marshall vivait, qui est en réalité très ancien.
Avant-propos
Si notre véritable intérêt personnel nous tient à cœur, nous le suivrons. C’est la seule solution dans un monde désespérément en quête de sagesse et de paix.
Les leçons de mon grand-père - Préface à la deuxième édition
il faut être heureux de ce que l’on a reçu et ne pas en vouloir trop – voilà un enseignement fondamental de l’art de vivre dans la non-violence.
Les leçons de mon grand-père - Préface à la deuxième édition
Souvent, nous ne reconnaissons pas notre propre violence parce que nous la méconnaissons. Nous présumons que nous ne sommes pas violents parce que notre vision de la violence est faite de combats, de meurtres, de coups et de guerres, c’est-à-dire le genre de choses que les personnes ordinaires ne vivent pas. Pour que je puisse intégrer ce concept, Grand-père m’a fait dessiner un arbre généalogique de la violence en appliquant les mêmes principes que pour un arbre généalogique classique. Il affirmait que je me ferais une meilleure idée de la non-violence si je pouvais comprendre et reconnaître la violence qui existe dans le monde. Chaque soir, il m’aidait à analyser les événements de la journée – tout ce que j’avais vécu, lu, vu ou fait aux autres – et à les placer sur l’arbre, soit sous la branche « physique » (s’il s’agissait de violence faisant appel à la force physique), soit sous la branche « passive » (si la violence aboutissait à une souffrance plutôt émotionnelle
Les leçons de mon grand-père - Préface à la deuxième édition
En l’espace de quelques mois, j’avais recouvert tout un pan de mur de ma chambre avec des actes de violence « passive » que Grand-père décrivait comme étant plus insidieux que les actes de violence « physique ». Il m’expliqua alors que la violence passive finissait par susciter la colère de la victime qui, individuellement ou en tant que membre d’un groupe, réagissait avec violence. En d’autres termes, c’est la violence passive qui alimente le feu de la violence physique
Les leçons de mon grand-père - Préface à la deuxième édition
À moins, comme le disait Grand-père, que nous ne devenions le « changement que nous souhaitons voir dans le monde », aucun changement n’aura jamais lieu. Malheureusement, nous attendons tous que l’autre change d’abord.
Les leçons de mon grand-père - Préface à la deuxième édition
La non-violence consiste à inculquer des attitudes positives pour remplacer les attitudes négatives qui nous dominent. Tout ce que nous faisons est conditionné par des motivations égoïstes – ce que nous avons à gagner – et plus encore dans une société à dominante matérialiste qui tire sa force d’un individualisme à toute épreuve. Aucun de ces concepts négatifs ne contribue à créer des familles, des communautés, des sociétés ou des nations homogènes.
Les leçons de mon grand-père - Préface à la deuxième édition
Peu importe que nous nous rassemblions dans les moments de crise et que nous prouvions notre patriotisme en brandissant notre drapeau ; il ne suffit pas de devenir une super-puissance en construisant un arsenal capable de détruire plusieurs fois la Terre ; ni d’assujettir le reste du monde par notre puissance militaire, car la paix ne peut se fonder sur la peur.
Les leçons de mon grand-père - Préface à la deuxième édition
La non-violence consiste à faire émerger ce qu’il y a de positif en nous. Laissons-nous envahir par l’amour, le respect, la compréhension, l’appréciation, la bienveillance et l’attention envers les autres, plutôt que par les comportements égocentriques, égoïstes, avides, haineux, pleins de préjugés, de suspicion et d’agressivité qui dominent la plupart du temps notre pensée
Les leçons de mon grand-père - Préface à la deuxième édition
Nous entendons souvent les gens dire : « Ce monde est sans pitié et si l’on veut survivre, il faut devenir impitoyable aussi. » Permettez-moi d’être en désaccord avec cette affirmation. Ce monde est ce que nous en avons fait. S’il est sans pitié aujourd’hui, c’est parce que nous l’avons rendu impitoyable par nos comportements. Nous ne pouvons changer le monde que si nous changeons nous-mêmes, et cela commence par notre langage et notre façon de communiquer
Préface de Charles Rojzman
Un peu partout dans le monde, la violence est manifeste. Que ce soit sous les formes très visibles du nettoyage social ou ethnique, de la criminalité, des violences urbaines ou sous des formes plus secrètes dans les familles ou les entreprises, elle prolifère, semant à son tour les graines de la peur et de la haine dans le cœur des individus, réintroduisant parfois le cycle fatal de la vengeance. En France, depuis quelques années, dans un grand nombre de quartiers populaires, des violences, des incivilités rendent la vie des habitants et des professionnels qui y travaillent très difficile et parfois dangereuse. Le sentiment d’insécurité se généralise. Découragés, désorientés, dévalorisés même par leur propre impuissance, les agents des services publics, les travailleurs sociaux risquent d’abandonner à leur sort les habitants de ces cités, aggravant ainsi leur exclusion. Pis encore, les ruptures de la communication et du dialogue entraînent l’agressivité, la montée aux extrêmes, l’incompréhension et les malentendus, pour ne pas dire la haine et la paranoïa entre les uns et les autres. Certains policiers, et même des pompiers accueillis à coups de pierres dans les cités, parfois menacés de mort, en viennent à considérer ces « autres » comme des ennemis qu’il faudra, disent certains, un jour ou l’autre exterminer. Un racisme se répand, qui hésite à s’exprimer en public, mais qui, portes fermées, n’hésite plus à se dire avec des mots qui ont la couleur du meurtre et du massacre. « Un jour, ça sera pire qu’au Kosovo, ici, monsieur », ai-je entendu dire il n’y a pas longtemps.
Préface de Charles Rojzman
Dans ce livre, Marshall Rosenberg propose son remède, la « Communication NonViolente ». Inspiré par les comportements et les paroles de tous ceux qui la pratiquent spontanément, il a mis au point un art du dialogue fondé sur l’empathie et l’authenticité. Travaillant au quotidien dans ces villes, ces quartiers avec des personnes de toutes origines et de tout niveau hiérarchique, j’ai pu constater à quel point la vision et les méthodes de Marshall Rosenberg pouvaient être utiles, d’une part, à ceux qui faisaient face à des agressions, physiques ou verbales, d’autre part, à ceux qui sans s’en rendre vraiment compte engendraient par leurs comportements ou leurs paroles des réponses violentes. Les travailleurs sociaux, les enseignants, les policiers, les personnels chargés de l’accueil dans les mairies ou les organismes de logement social ont besoin de comprendre ce qui, concrètement, déclenche la violence, au-delà des explications purement sociologiques ou économiques qui les laissent, à leur niveau, complètement impuissants. Ils ont aussi besoin d’outils, de méthodes pour affronter des situations nouvelles auxquelles ils ne sont en général pas préparés. Cette compréhension, ces méthodes et ces outils, ils les trouveront dans le livre de Marshall Rosenberg. Ils trouveront les mots, les attitudes qui permettent d’écouter l’autre et de se faire entendre par lui dans les situations les plus tendues, ce « langage du cœur », comme dit Marshall Rosenberg, qui est enfoui en nous et que nous pouvons apprendre à réveiller.
Préface de Charles Rojzman
il ne s’agit pas d’apprendre à utiliser des procédés qui permettraient la manipulation de l’autre. Il s’agit du langage qui traduit nos convictions profondes d’individu. À l’opposé, le langage qui juge est le résultat d’un conditionnement, il n’est pas naturel.
Préface de Charles Rojzman
« Toute violence émane d’un mode de pensée, explique l’auteur, qui attribue la cause du conflit aux torts de l’adversaire et à l’incapacité de reconnaître sa propre vulnérabilité ou celle de l’autre. » Un tel mode de pensée permet en effet d’accuser, de culpabiliser et de faire la guerre.
Préface de Charles Rojzman
« À l’entrée des grands palais de Mésopotamie et d’Égypte se dressaient de gigantesques statues de lions et de taureaux dont l’objectif principal était de remplir ceux qui s’approchaient de la royale présence d’un sentiment paralysant de leur propre petitesse et de leur propre impuissance. » C’est ainsi que Lewis Mumford décrit la mégamachine mise en place à Babylone et dans l’Égypte ancienne et qui selon lui a été recréée par l’Occident moderne, et établie désormais sur l’ensemble de la planète
Préface de Charles Rojzman
Le moyen d’assurer le pouvoir des uns et l’obéissance des autres a toujours été le langage, un langage qui humilie, violente, assujettit et qui, intériorisé, empêche le développement d’une âme libre et fière.
Préface de Charles Rojzman
question est posée : comment sortir de la violence ou, à tout le moins, vivre ensemble avec un peu moins de violence et plus de sociabilité ? La réponse de ce livre est simple : commençons déjà par nous sentir nous-mêmes responsables. À travers la relation à l’autre, travaillons à sortir du carcan des habitudes apprises.
Préface de Charles Rojzman
face aux dangers qui nous menacent, une nouvelle éthique est nécessaire : l’éthique du souci de soi, des autres, de tous les êtres vivants qui demandent à être protégés et soignés. D’une éthique de la responsabilité, de la sollicitude et de la compassion. Il nous faut comprendre que les changements institutionnels, politiques, économiques, si nécessaires, ne seront possibles que dans la mesure où les êtres humains accéderont à l’autonomie et à la responsabilité.
Préface de Charles Rojzman
de tels mots peuvent paraître aujourd’hui dévalués et dérisoires. Dans le modèle de comportement que nous avons assimilé sans le vouloir et sans le savoir, nous ne parlons pas le langage du cœur. Mais rappelons-nous que ce langage a été utilisé en leur temps par Gandhi et Martin Luther King pour dire à la fois leurs refus, leur révolte devant l’injustice et la haine, et leur compassion pour leurs adversaires pétris de la même humanité
Préface de Charles Rojzman
Rappelons-nous aussi que dans un monde rempli de souffrances parfois visibles, parfois cachées, mais toujours présentes dans les couples, les familles, les entreprises, les institutions, le mépris, la haine et la peur minent toutes les relations et contribuent à élever un mur d’incompréhension entre les uns et les autres…
Préface de Charles Rojzman
Ces murs que nous avons bâtis ou accepté de voir bâtir, que nous continuons à maintenir sans toujours nous en rendre compte, Marshall Rosenberg nous apprend à les reconnaître et nous donne quelques outils pour les abattre
Remerciements
Je serai toujours reconnaissant au Pr Michael Hakeem, qui m’a aidé à voir les limites scientifiques et les dangers sociaux et politiques de la pratique de la psychologie à laquelle j’avais été formé et qui se résumait à une approche pathologique de l’être humain. Prendre conscience des limites de ce modèle m’a encouragé à chercher des façons de pratiquer une psychologie différente, fondée sur une perception de plus en plus claire de ce à quoi la vie nous invite en tant qu’êtres humains.
Apprendre à diriger son attention
Dirigeons notre conscience là où nous avons des chances de trouver ce que nous recherchons.
Apprendre à diriger son attention
Je me suis rendu compte que, par mon conditionnement culturel, j’ai tendance à focaliser mon attention là où j’ai peu de chances d’obtenir ce que je désire. J’ai mis au point la CNV pour apprendre à porter mon attention – ou orienter ma conscience – sur ce qui pourrait me livrer ce que je recherche. Or, ce que je recherche dans la vie, c’est la bienveillance, un échange avec autrui motivé par un élan du cœur réciproque.
Apprendre à diriger son attention
Je raconte volontiers l’histoire de cet homme un rien éméché, qui cherchait quelque chose à quatre pattes au pied d’un lampadaire. Un policier passant par là lui demanda ce qu’il fabriquait. « Je cherche mes clés de voiture », répondit-il. « Vous les avez perdues par ici ? » demanda le policier. « Non, répliqua-t-il. Elles sont tombées dans l’allée. » Puis, voyant l’air déconcerté de l’agent, il s’empressa d’ajouter : « Mais c’est beaucoup mieux éclairé ici. »
Apprendre à diriger son attention
Bien que je la présente comme un « processus de communication » ou un « langage de la bienveillance », la CNV est plus qu’un processus ou un langage : c’est une invitation permanente à concentrer notre attention là où nous avons le plus de chances de trouver ce que nous recherchons.
Apprendre à diriger son attention
La chanson de mon amie Ruth Bebermeyer illustre bien ce sens de la bienveillance, que j’assimile à un « élan du cœur » : Jamais je ne me sens plus comblée Que lorsque tu acceptes mon offrande, Lorsque tu comprends ma joie de donner, Lorsque tu sais que mon don n’attend rien en retour Mais naît de mon désir d’exprimer l’amour que j’ai pour toi. Recevoir avec grâce Est peut-être le plus beau don. Je ne peux absolument pas dissocier l’un de l’autre. Lorsque tu me donnes, Je t’offre ma reconnaissance. Lorsque tu acceptes mon offrande, je me sens si comblée. « Recevoir » (1978), de RUTH BEBERMEYER, extrait de l’album Given To
La démarche de la CNV
La démarche de la CNV Pour parvenir à un désir réciproque de donner du fond du cœur, nous focalisons notre attention sur quatre points, qui constituent les quatre composantes de la CNV. Dans un premier temps, nous observons ce qui se passe réellement dans une situation donnée : qu’est-ce qui, dans les paroles ou les actes d’autrui, contribue ou non à notre bien-être ? L’important est de parvenir à énoncer ces observations sans y mêler de jugement ou d’évaluation – ce qui revient à dire simplement quels sont les faits que nous apprécions ou n’apprécions pas. Puis, nous disons ce que nous ressentons en présence de ces faits : sommes-nous tristes, joyeux, inquiets, amusés, fâchés ?… En troisième lieu, nous précisons les besoins à l’origine de ces sentiments. C’est la conscience de ces trois composantes qui nous permet de nous exprimer clairement et sincèrement en CNV
La démarche de la CNV
Les quatre composantes de la CNV : 1. observations 2. sentiments 3. besoins 4. demandes.
La démarche de la CNV
La mère d’un adolescent pourrait ainsi exprimer ces trois points en disant à son fils : « Félix, quand je vois trois chaussettes sales sous la table du salon et deux autres sous la télé, je suis de mauvaise humeur parce que j’ai besoin de plus d’ordre dans les pièces que nous partageons. » Elle compléterait aussitôt en exprimant la quatrième composante, à savoir une demande précise et concrète : « Tu veux bien ranger tes chaussettes ou les mettre au sale ? » Ce quatrième élément indique précisément ce que l’on désire de la part de l’autre afin que notre vie soit plus agréable.
La démarche de la CNV
En focalisant notre attention sur ces quatre points, et en aidant l’autre à suivre la même démarche, nous établissons un courant de communication qui débouche tout naturellement sur la bienveillance : je dis ce que j’observe, ressens et désire, et ce que je demande pour mon mieux-être ; j’entends ce que tu observes, ressens et désires, et ce que tu demandes pour ton mieux-être.
La démarche de la CNV
La démarche de la CNV J’observe un comportement concret qui affecte mon bien-être. Je réagis à ce comportement par un sentiment. Je cerne les désirs, besoins ou valeurs qui ont éveillé ce sentiment. Je demande à l’autre des actions concrètes qui contribueront à mon bien-être.
La démarche de la CNV
elle permet tout aussi bien d’exprimer ces quatre composantes sans une parole, car son principe même repose non sur la verbalisation, mais sur une prise de conscience des quatre composantes. Les deux phases de la CNV : 1. exprimer notre sincérité2 en utilisant les quatre composantes ; 2. écouter avec empathie en utilisant les quatre composantes.
La CNV au quotidien
Lorsque j’ai compris comment je pouvais recevoir (entendre) et donner (exprimer) en utilisant la CNV, j’ai cessé de me sentir agressée et de me voir comme une victime, pour véritablement écouter les mots qui me parvenaient et percevoir les sentiments qu’ils recouvraient. C’est ainsi que je me suis rendu compte que l’homme avec qui je vivais depuis vingt-huit ans était un homme qui souffrait beaucoup. Quelques jours avant l’atelier de CNV, il m’avait demandé le divorce. Je n’entrerai pas dans les détails, mais toujours est-il qu’aujourd’hui nous sommes encore ensemble, et j’apprécie la contribution de la CNV à cette heureuse issue. J’ai appris à écouter les sentiments, à exprimer mes besoins, à accepter des réponses que je n’avais pas forcément envie d’entendre. Il n’est pas là pour me rendre heureuse et je ne suis pas là pour faire son bonheur. Nous avons tous deux appris à grandir, à accepter et à aimer, de sorte que chacun trouve sa plénitude. Une participante d’un atelier de San Diego
La CNV au quotidien
Je pratique la CNV dans mes classes d’éducation spécialisée depuis bientôt un an. Cela marche même avec des enfants qui ont un retard de langage, des difficultés d’apprentissage ou des troubles du comportement. J’ai ainsi un élève qui, dès qu’il voit des camarades approcher de sa table, crache, jure, hurle et les pique avec son crayon. J’ai mon code avec lui et je lui dis : « S’il te plaît, dis cela autrement ; dis-le dans ta langue girafe. » (Dans certains ateliers, on utilise des marionnettes de girafe pour illustrer la CNV.) Il se lève aussitôt, regarde la personne envers qui il éprouve de la colère et lui dit calmement : « Veux-tu t’éloigner de ma table ? Je suis en colère quand tu es aussi près de moi. » Alors, les autres élèves lui répondent par exemple : « Excuse-moi, j’avais oublié que ça te dérangeait. » Puis, j’ai réfléchi aux contrariétés que je ressentais face à cet enfant et j’ai cherché à identifier les besoins que j’éprouvais – mis à part l’ordre et l’harmonie. Je me suis alors rendu compte que je passais beaucoup de temps à préparer mes cours et que, lorsque je réglais des problèmes de discipline, cela court-circuitait mes besoins de créativité et de participation. J’avais également l’impression de négliger les besoins pédagogiques des autres élèves. À partir de là, dès qu’il commençait à s’exciter, je lui disais : « J’aimerais que tu écoutes toi aussi. » J’ai parfois répété cela cent fois par jour, mais il entendait le message et, en général, il réagissait en s’intéressant au cours. Un enseignant de Chicago (Illinois)
La CNV au quotidien
nouvelles compétences en communication. Lors d’un atelier organisé à Jérusalem, des Israéliens de diverses sensibilités politiques ont utilisé la CNV pour s’exprimer sur la question épineuse des territoires occupés. La plupart des colons établis sur la rive gauche du Jourdain sont persuadés d’agir pour accomplir une volonté divine ; cette conviction les oppose non seulement aux Palestiniens, mais aussi à d’autres Israéliens qui, eux, reconnaissent la légitimité des revendications palestiniennes sur ces territoires. Au cours d’une séance, je présentai avec l’un de mes formateurs un modèle concret d’écoute empathique par la CNV, puis conviai les participants à un jeu de rôles, en les invitant à se mettre dans la peau de leurs antagonistes. Au bout d’une vingtaine de minutes, une femme installée en Cisjordanie déclara qu’elle serait prête à renoncer à ses revendications et à quitter sa colonie pour retourner vivre sur un territoire israélien reconnu par la communauté internationale si ses adversaires politiques pouvaient l’écouter comme on venait de l’écouter.
La CNV au quotidien
Dans les nombreux pays où elle est enseignée à travers le monde, la CNV se révèle être un outil précieux pour les communautés déchirées par des conflits violents ou de graves tensions ethniques, religieuses ou politiques. La diffusion de la CNV par ceux qui s’y sont formés et son utilisation pour la médiation entre les peuples en guerre, que ce soit en Israël, en Palestine, au Nigeria, au Rwanda, en Sierra Leone ou ailleurs, m’ont confirmé le potentiel de ce processus. À Belgrade, avec des collègues formateurs en CNV, nous avons passé trois jours à former des citoyens œuvrant pour la paix. À notre arrivée, les stagiaires avaient le visage fermé et empreint de désespoir, car leur pays était alors enlisé dans une guerre barbare en Bosnie et en Croatie. Pendant ce stage, ils retrouvèrent peu à peu des intonations plus joyeuses, car ils éprouvaient un grand bonheur et une grande reconnaissance d’avoir enfin trouvé l’efficacité qui leur manquait. Pendant les deux semaines suivantes, nous avons animé d’autres stages en Croatie, en Israël et en Palestine, où, une fois de plus, nous avons vu des citoyens désespérés par la guerre retrouver leur élan vital et leur confiance après avoir découvert la CNV.
Note
Pour la paix
La CNV au quotidien
Résumé La CNV nous aide à renouer avec nous-mêmes comme avec les autres en laissant libre cours à notre bienveillance naturelle. Elle nous engage à reconsidérer la façon dont nous nous exprimons et dont nous écoutons l’autre, en fixant notre attention sur quatre éléments : l’observation d’une situation, les sentiments qu’éveille cette situation, les besoins qui sont liés à ces sentiments, et enfin ce que nous pourrions demander concrètement pour satisfaire nos besoins. La CNV suscite qualité d’écoute, respect et empathie, et fait naître un courant de générosité réciproque. Certaines personnes utilisent la CNV pour mieux cerner leurs propres besoins, d’autres pour approfondir une relation de couple, établir des relations professionnelles efficaces ou gérer des situations politiques. Dans de nombreux pays, des individus y ont recours pour dénouer toutes sortes de différends et de conflits.
Jugements moralisateurs
« Par-delà les notions de bien et mal, il y a un champ. C’est là-bas que je te retrouverai », écrivait le poète soufi Jalâl al-Din Rumi.
Jugements moralisateurs
la communication aliénante nous enferme dans un monde où tout est polarisé entre le bien et le mal, dans un monde de jugements. C’est un langage riche de mots qui étiquettent et catégorisent les gens et leurs actes. Lorsque nous parlons ce langage, nous jugeons les autres et leur comportement pour déterminer qui est bon, mauvais, normal, anormal, responsable, irresponsable, intelligent, ignorant, etc.
Jugements moralisateurs
Lorsque nous parlons ce langage, nous focalisons nos pensées et nos paroles sur les torts de l’autre quand il a certains comportements, ou sur les nôtres, lorsque nous ne comprenons pas ou ne réagissons pas comme nous le voudrions. Notre attention se porte alors sur la classification, l’analyse et l’évaluation des torts de l’autre, au lieu de se concentrer sur ses besoins et les nôtres propres qui ne sont pas satisfaits. Si par exemple ma compagne a besoin de plus d’attention que je ne lui en accorde, elle est « exigeante et dépendante » ; si en revanche c’est moi qui ai besoin de plus de tendresse, elle devient « lointaine et insensible ». Si mon collègue est plus attentif aux détails que moi, il est « pointilleux et maniaque » ; si c’est moi qui le suis, il devient « brouillon et inorganisé ».
Jugements moralisateurs
Je vois dans ce type d’analyse de l’autre une expression tragique de nos valeurs et de nos besoins. Tragique, car lorsque nous les exprimons de la sorte nous attisons les réactions de défense et de résistance chez ceux-là mêmes dont le comportement nous importe. Ou bien, s’ils acceptent de se comporter conformément à nos valeurs parce qu’ils admettent notre analyse de leurs torts, ils le feront sans doute par crainte, par culpabilité ou par honte. Or, lorsqu’une réaction est motivée non par l’élan du cœur mais par de tels sentiments, nous le payons tous cher. Nous ferons l’expérience de la mauvaise volonté de ceux qui se seront conformés à nos valeurs sous l’effet d’une pression interne ou externe. Ceux qui ont agi par crainte, honte ou culpabilité paient quant à eux un tribut affectif, car ils risquent de nourrir de la rancœur et de baisser dans leur propre estime. Enfin, chaque fois qu’une personne nous associe à l’un de ces sentiments, il est peu probable qu’à l’avenir elle puisse répondre du fond du cœur à nos besoins et valeurs.
Jugements moralisateurs
O. J. Harvey, professeur de psychologie à l’université du Colorado, a étudié les rapports entre langue et violence. À partir de quelques exemples glanés au hasard dans le corpus littéraire de plusieurs pays, il a relevé l’occurrence des mots dénotant un jugement ou une catégorisation d’autrui. Il a ainsi mis en évidence une forte corrélation entre la fréquence de ces mots et l’incidence de la violence. Je ne suis pas surpris d’entendre que dans les cultures qui pensent en termes de besoins humain, il y a beaucoup moins de violence que dans celles où l’on s’entre-étiquette de « bons » ou « mauvais » et où l’on soutient que les mauvais doivent être punis. À la télévision américaine, dans 75 % des émissions programmées aux heures de grande écoute enfantine, soit le héros tue les méchants, soit il leur donne une bonne correction. Cette violence constitue généralement le dénouement de l’intrigue et ravit les spectateurs, à qui l’on a appris que les méchants méritent d’être punis.
Jugements moralisateurs
Il est important ici de ne pas confondre jugements de valeur et jugements moralisateurs. Nous portons tous des jugements de valeur sur les qualités auxquelles nous attachons de l’importance dans notre vie : nous pouvons par exemple tenir pour essentielles l’honnêteté, la liberté ou la paix. Les jugements de valeur reflètent nos convictions sur la façon de servir au mieux la vie. Nous portons des jugements moralisateurs sur les gens et les comportements qui ne sont pas dans la lignée de nos jugements de valeur.
Jugements moralisateurs
Si nous avions été élevés dans une langue du cœur, nous aurions appris à exprimer directement nos besoins et nos valeurs, plutôt que d’attribuer des torts à autrui lorsque ces valeurs et besoins ne sont pas satisfaits.
Jugements moralisateurs
Cataloguer et juger les autres favorisent la violence.
Jugements moralisateurs
La violence – qu’elle soit verbale, psychologique ou physique, qu’elle se manifeste au sein de la famille, entre des tribus ou entre des nations – émane d’un mode de pensée qui attribue la cause du conflit aux torts de l’adversaire et d’une incapacité à admettre sa propre vulnérabilité ou celle de l’autre – c’est-à-dire à percevoir ce que l’on peut ressentir, craindre, désirer, etc.
Jugements moralisateurs
C’est ce mode de pensée dangereux qui a prévalu pendant la guerre froide. Les États-Unis assimilaient l’Union soviétique à un « empire du mal » déterminé à détruire le mode de vie américain ; les dirigeants soviétiques considéraient quant à eux les États-Unis comme des « oppresseurs impérialistes » qui s’efforçaient de les soumettre. Aucun des deux camps ne reconnaissait la crainte qui sous-tendait ces étiquettes.
Faire des comparaisons
Les comparaisons sont une forme de jugement
Note
Révélation
Faire des comparaisons
Une autre forme de jugement consiste à faire des comparaisons.
Refus de responsabilité
Premier exemple : un certain Wolfgang Amadeus Mozart ; il énumère alors le nombre de langues que parlait Mozart et la liste des principales œuvres qu’il avait composées à douze ans. Puis il demande au lecteur de faire le bilan de ses propres réalisations à ce jour, de les comparer à celles de Mozart adolescent et de méditer sur les différences. N’importe quel lecteur, aussi vulnérable soit-il à cet exercice de flagellation, se rend compte à quel point ce type de raisonnement peut entraver la bienveillance, envers soi-même comme envers les autres.
Refus de responsabilité
Un autre mode de communication aliénante consiste à nier ses responsabilités. Il empêche l’individu de prendre pleinement conscience qu’il est responsable de ses pensées, de ses sentiments et de ses actes
Refus de responsabilité
Nous nions la responsabilité de nos actes lorsque nous attribuons leur cause à : des forces impersonnelles et vagues J’ai nettoyé ma chambre parce que j’y étais obligé. notre état de santé, au diagnostic dont nous sommes l’objet, ou à nos antécédents individuels ou psychologiques Je bois parce que je suis alcoolique. les actes d’autrui J’ai frappé mon enfant parce qu’il courait dans la rue. le diktat d’une autorité J’ai menti au client parce que le patron me l’a demandé. la pression sociale J’ai commencé à fumer parce que tous mes amis fumaient. une politique institutionnelle, des règlements, des lois Je dois vous renvoyer pour cette infraction car c’est la politique de l’école. la fonction attribuée à un sexe, à un groupe social ou à une tranche d’âge Je déteste aller travailler, mais j’y vais car je suis père de famille. des impulsions incontrôlables J’ai mangé un gâteau parce que c’était plus fort que moi.
Refus de responsabilité
Au cours d’une discussion entre parents d’élèves et enseignants sur les dangers d’un langage qui implique l’absence de choix, une femme objecta vigoureusement : « Mais il y a certaines choses que l’on doit faire, que ça nous plaise ou non ! Et je ne vois rien de mal à dire à mes enfants qu’il y a des choses qu’eux aussi doivent faire. » Lorsque je lui demandai de donner un exemple de ce qu’elle « devait faire », elle s’exclama : « Facile ! Quand je sortirai d’ici, je devrai rentrer chez moi et faire la cuisine. J’ai horreur de faire la cuisine. Une sainte horreur, mais je prépare le repas tous les jours depuis vingt ans, même quand je suis malade comme un chien, tout simplement parce que cela fait partie des choses que je dois faire. » Je lui dis que j’étais désolé d’entendre qu’elle passait autant de temps à faire quelque chose qu’elle détestait car elle s’y sentait obligée, et que j’espérais qu’elle puisse trouver des alternatives plus satisfaisantes en apprenant le langage de la CNV. Elle apprit très vite. Ce soir-là, après la séance, elle rentra chez elle et annonça à sa famille qu’elle ne voulait plus faire la cuisine. Trois semaines plus tard, j’eus un écho de sa famille lorsque ses deux fils vinrent assister à une séance de l’atelier. J’étais curieux de savoir comment ils avaient réagi à la décision de leur mère. « J’ai béni le ciel ! » soupira l’aîné. Et, voyant mon regard étonné, il poursuivit : « Je me suis dit qu’elle arrêterait peut-être enfin de se plaindre à chaque repas ! »
Note
Bel exemple
Refus de responsabilité
Nous pouvons remplacer le langage impliquant une absence de choix par un langage qui reconnaît le choix.
Refus de responsabilité
Lors d’un autre atelier, mené cette fois-ci en milieu scolaire, une enseignante confia : « Je déteste mettre des notes. Je ne pense pas que cela serve à quoi que ce soit et ça angoisse beaucoup les élèves. Mais j’y suis obligée : ce sont les directives du rectorat. » Nous venions de faire quelques exercices sur la façon d’introduire en classe un langage qui permette à chacun de mieux prendre conscience de la responsabilité de ses actes. Je lui proposai de reformuler ce qu’elle venait de dire en commençant par : « Je choisis de mettre des notes parce que je veux… » Elle compléta sans hésiter : « parce que je veux garder mon poste. » Mais elle s’empressa d’ajouter : « Mais je n’aime pas le dire de cette façon. Cela fait peser sur moi tout le poids de la responsabilité de ce que je fais. » « C’est exactement pour cela que je voulais vous le faire dire », répondis-je. Nous sommes dangereux quand nous ne sommes pas conscients que nous sommes responsables de nos actes, de nos pensées et de nos sentiments.
Note
Prends tes responsabilités
Autres formes de communication aliénante
Je partage les sentiments de Georges Bernanos, quand il écrit : Je pense depuis longtemps déjà que si un jour les méthodes de destruction de plus en plus efficaces finissent par rayer notre espèce de la planète, ce ne sera pas la cruauté qui sera la cause de notre extinction, et moins encore, bien entendu, l’indignation qu’éveille la cruauté, ni même les représailles et la vengeance qu’elle s’attire… mais la docilité, l’absence de responsabilité de l’homme moderne, son acceptation vile et servile du moindre décret public. Les horreurs auxquelles nous avons assisté, les horreurs encore plus abominables auxquelles nous allons maintenant assister ne signalent pas que les rebelles, les insubordonnés, les réfractaires sont de plus en plus nombreux dans le monde, mais plutôt qu’il y a de plus en plus d’hommes obéissants et dociles.
Autres formes de communication aliénante
Le langage peut également entraver la bienveillance lorsque nous exprimons nos désirs sous forme d’exigences. En soi, l’exigence fait explicitement ou implicitement planer sur le destinataire la menace d’un reproche ou d’une punition au cas où il ne s’y plierait pas. Il s’agit dans notre culture d’un mode de communication courant, notamment parmi ceux qui occupent des postes leur conférant quelque autorité.
Note
Exigence = menace
Autres formes de communication aliénante
La communication aliénante est également associée à l’idée selon laquelle certaines actions méritent récompense, tandis que d’autres méritent punition. Le verbe « mériter » (« Il mérite d’être puni pour ce qu’il a fait ») est d’ailleurs tout à fait révélateur de cet état d’esprit, en ceci qu’il suppose un « tort » de la part de celui qui se comporte d’une certaine façon et appelle une punition pour l’obliger à se repentir et à amender son comportement.
Autres formes de communication aliénante
Je suis persuadé qu’il est dans l’intérêt de tous que les gens changent, non pour échapper à la sanction, mais parce que eux-mêmes perçoivent que ce changement leur sera bénéfique.
Note
Pour quelles raisons les gens se comportent comme ils le font? par conscience ou par contrainte
Autres formes de communication aliénante
Penser à « qui mérite quoi » bloque la communication emphatique.
Autres formes de communication aliénante
Nous avons pour la plupart été élevés avec un langage qui nous pousse à étiqueter, catégoriser, exiger et porter des jugements, plutôt qu’à prendre conscience de nos sentiments et de nos besoins. Cette communication aliénante trouve, selon moi, ses origines dans des conceptions de la nature humaine ancrées dans les mentalités depuis plusieurs siècles, et qui soulignent le mal et les défaillances qui sont en nous et la nécessité d’une éducation pour contrôler notre nature par essence médiocre. Or cette éducation nous engage souvent à nous demander s’il y a quelque chose de faux dans les sentiments et les besoins que nous éprouvons, et nous apprenons très tôt à nous fermer à l’écoute intérieure.
Autres formes de communication aliénante
La communication aliénante a des racines philosophiques et politiques très profondes
Autres formes de communication aliénante
La communication aliénante est à la fois un produit et un pilier des sociétés fondées sur des principes de hiérarchie ou de domination
Autres formes de communication aliénante
Lorsqu’un petit nombre de personnes (rois, tsars, nobles, etc.) dirigent à leur profit une population nombreuse, il est dans leur intérêt que les masses soient éduquées de manière à développer une mentalité d’asservi. Le langage réprobateur des « je dois » et « il faut » est parfaitement adapté à cet objectif : plus les gens sont formés à adopter des jugements moralisateurs qui mettent l’accent sur les fautes et les torts, plus ils sont conditionnés à se tourner vers ce qui se passe en dehors d’eux-mêmes, c’est-à-dire vers des autorités extérieures, pour trouver la définition de ce qui est bien ou mal, bon ou mauvais. Lorsque nous sommes reliés à nos sentiments et à nos besoins, nous, les êtres humains, nous ne constituons plus des sujets dociles et soumis.
Autres formes de communication aliénante
Résumé Il est dans notre nature d’aimer donner et recevoir du fond du cœur. Nous avons cependant appris plusieurs formes de « langage aliénant » qui nous conduisent à nous exprimer ou à nous comporter de manière blessante vis-à-vis des autres et de nous-mêmes. L’une de ces formes de communication aliénante consiste à utiliser des jugements moralisants qui impliquent que ceux dont le comportement ne correspond pas à nos valeurs ont tort ou sont mauvais. Une autre repose sur les comparaisons, qui peuvent entraver la bienveillance envers nous-mêmes comme à l’égard d’autrui. La communication aliénante nous empêche aussi de prendre pleinement conscience que chacun est responsable de ses pensées, de ses sentiments et de ses actes. Une autre caractéristique de ce type de communication consiste à communiquer ses désirs sous forme d’exigences.
3 - Observer sans évaluer
La première composante de la CNV consiste à séparer observation et évaluation. Il nous est proposé d’observer clairement ce que nous voyons, entendons ou touchons et qui affecte notre bien-être, sans y mêler la moindre évaluation.
La plus haute forme de l’intelligence humaine
jugement. Nous avons presque tous du mal à observer les gens et leur comportement sans y mêler un jugement, une critique ou une autre forme d’analyse.
Distinguons observation et évaluation
Les adverbes toujours, jamais, tout le temps, chaque fois, etc. expriment des observations dans les contextes suivants. Chaque fois que j’ai observé Jacques au téléphone, il parlait pendant au moins une demi-heure. Je ne me souviens pas que tu m’aies jamais écrit.
Distinguons observation et évaluation
Parfois, ces mêmes adverbes sont employés avec une nuance d’exagération, auquel cas ils mêlent observation et évaluation. Tu es toujours occupé. Elle n’est jamais là quand on a besoin d’elle. Ces expressions suscitent souvent une réaction de défense plutôt que de compréhension.
La CNV en pratique
Résumé La première composante de la CNV consiste à bien séparer l’observation de l’évaluation. Quand nous mélangeons observation et évaluation, notre interlocuteur risque d’entendre une critique et de résister à ce que nous disons. La CNV est un langage dynamique qui déconseille les généralisations figées et les remplace par des observations circonstanciées. Nous dirons ainsi plus volontiers : « En vingt matchs, je n’ai pas vu Jacques marquer un seul but » que « Jacques est un mauvais footballeur ».
Le coût élevé des sentiments inexprimés
Nous disposons souvent d’un lexique bien plus riche pour qualifier autrui que pour décrire clairement nos propres émotions. J’ai passé vingt et un ans sur les bancs des écoles américaines et je ne me souviens pas que quiconque m’ait jamais demandé comment je me sentais. Les sentiments étaient tout simplement négligés
Le coût élevé des sentiments inexprimés
Un incident qui m’opposa à une institutrice quand j’avais neuf ans illustre bien la façon dont nous pouvons commencer à nous couper de nos sentiments. Après la fin des cours, je m’étais caché dans une classe car, dehors, des garçons m’attendaient pour me battre. Une institutrice me vit et me demanda de quitter l’école. Je lui expliquai que j’avais peur de sortir, mais elle répliqua : « Les grands garçons n’ont pas peur. » Quelques années plus tard, mon expérience sportive renforça ce postulat. Les entraîneurs appréciaient généralement les joueurs qui étaient prêts à « donner le meilleur d’eux-mêmes » et, le cas échéant, à continuer le match au mépris de la douleur. J’avais si bien appris la leçon que j’ai continué à jouer au base-ball pendant un mois avec un poignet cassé.
Le coût élevé des sentiments inexprimés
Lors d’un atelier de CNV, un étudiant parla d’un voisin de chambre qui mettait sa chaîne stéréo si fort que le bruit l’empêchait de dormir. Je lui demandai quel sentiment lui inspirait cette situation. « J’ai le sentiment que ce n’est pas bien de jouer de la musique si fort la nuit », répondit-il. Je lui fis remarquer que l’expression « J’ai le sentiment que… » exprimait davantage une opinion qu’un sentiment. Il tenta alors de reformuler ce qu’il ressentait : « Je sens que lorsque les gens font ce genre de choses, cela relève d’un trouble de la personnalité. » C’était encore une opinion plus qu’un sentiment. Il réfléchit un instant, et finit par lancer : « Ça ne m’inspire strictement aucun sentiment ! » De toute évidence, il éprouvait des sentiments intenses, mais il ne savait malheureusement pas comment en prendre conscience et moins encore comment les exprimer. Cette difficulté à identifier et dire ce que l’on ressent est courante, notamment, d’après mon expérience, parmi les avocats, ingénieurs, agents de police, chefs d’entreprise, militaires de carrière et tous ceux qui exercent une profession dont la déontologie n’encourage pas la manifestation des émotions. Dans les relations familiales, cette incapacité à partager ses émotions a de tristes conséquences
Distinguer les sentiments des interprétations mentales
Une confusion fréquente est due à l’emploi du verbe « sentir » dans les phrases où nous exprimons nos pensées plutôt que nos sentiments. Ainsi, dans une phrase comme : « Je sens que je me suis fait avoir », il serait plus juste de remplacer le verbe sentir par le verbe « penser ». En règle générale, « avoir le sentiment… », « sentir que » sont le plus souvent suivis de pensées, d’opinions ou d’expressions mentales, plutôt que de sentiments. Il en va ainsi dans les exemples suivants. J’ai le sentiment que tu aurais dû te comporter autrement. Je sens que ça ne sert à rien. Je sens que nous n’allons pas nous entendre. J’ai le sentiment d’être un raté. J’ai le sentiment de vivre avec un mur. J’ai le sentiment que mon patron me mène par le bout du nez.
Distinguer les sentiments des interprétations mentales
Dans de tels cas, les questions : « Qu’est-ce que j’éprouve ? » « Qu’est-ce qu’il ressent dans cette situation ? » peuvent nous mettre sur la piste des sentiments réels.
Distinguer les sentiments des interprétations mentales
Pour décrire ce que nous-mêmes ressentons ou d’autres ressentent, nous employons le plus souvent le verbe « être », parfois la forme « se sentir », suivis d’un adjectif. Par exemple : « Je me sens triste » ou « Je suis triste ». Certains adjectifs décrivent ce que nous pensons être plutôt que les sentiments que nous éprouvons. La CNV nous incite à être attentifs à la différence.
Distinguer les sentiments des interprétations mentales
Faire une distinction entre ce que nous ressentons et notre interprétation des réactions ou comportements des autres à notre égard. A. Je me sens insignifiant pour mes collègues. Par l’adjectif « insignifiant », j’interprète la façon dont les autres me jugent, plus que je n’exprime un sentiment réel. Je pourrais ici formuler mon sentiment en disant : « Je me sens triste » ou « Je suis découragé ».
Distinguer les sentiments des interprétations mentales
B. Je me sens incompris. L’adjectif « incompris » renvoie à mon jugement sur la capacité de compréhension des autres et non à un sentiment réel. Dans cette situation, il serait plus juste de dire que je suis inquiet ou contrarié, par exemple.
Distinguer les sentiments des interprétations mentales
C. Je me sens ignoré. Une fois de plus, il s’agit ici d’une interprétation des actes d’autrui. Quant aux sentiments qui s’y rapportent, ils peuvent varier. Il s’est certainement trouvé des moments où, pensant que d’autres nous ignoraient, nous en avons été soulagés, car nous souhaitions que l’on nous laisse tranquilles. En d’autres circonstances, nous nous sommes sentis blessés, parce que nous aurions souhaité participer à ce qui se faisait. Des adjectifs comme « ignoré » expriment donc davantage notre interprétation des actes d’autrui que ce que nous ressentons. Voici un échantillon d’adjectifs de ce type.
Distinguer les sentiments des interprétations mentales
abandonné attaqué bousculé bridé coincé contraint déconsidéré délaissé dévalorisé entraîné exploité ignoré incompris indésirable maltraité manipulé materné menacé méprisé mésestimé négligé obligé pas apprécié pas entendu pas soutenu persécuté piégé provoqué rabaissé rejeté surchargé trahi trompé utilisé
Développer un vocabulaire des sentiments
Les mots désignant des émotions particulières sont plus utiles pour exprimer les sentiments que les mots vagues ou trop généraux. Ainsi « Je me sens bien » peut vouloir dire « Je suis content, enthousiaste, soulagé » ou faire référence à toute une gamme d’émotions positives. Des mots comme « bien » et « mal » empêchent notre interlocuteur de voir précisément ce que nous ressentons vraiment.
Développer un vocabulaire des sentiments
Lorsque nos besoins sont satisfaits, nous pouvons nous sentir… admiratif alerte amoureux amusé apaisé attendri attentif aux anges béat bien disposé bouleversé calme captivé charmé comblé confiant content curieux de bonne humeur décontracté délivré détendu ébahi ébloui égayé électrisé émerveillé émoustillé ému en effervescence en harmonie avec… en extase en sécurité enchanté encouragé enjoué enthousiaste étonné éveillé exalté excité fasciné fier frémissant (de joie, de surprise) gai heureux hilare inspiré intéressé intrigué joyeux léger libre mobilisé à… optimiste paisible passionné ragaillardi rassasié rassuré ravi reconnaissant régénéré regonflé réjoui remonté revigoré satisfait serein soulagé stimulé stupéfait submergé (de joie) sûr de soi surexcité surpris touché tranquille transporté de joie vibrant vivant vivifié ou bien plein… d’amour d’affection d’appréciation d’ardeur de chaleur de compréhension de douceur d’énergie d’entrain d’espoir de ferveur de gratitude de pétulance de tendresse de zèle ou bien encore d’humeur… aventureuse câline enjouée espiègle exubérante insouciante pétillante
Développer un vocabulaire des sentiments
pessimiste piqué au vif piteux préoccupé remonté résigné sceptique secoué sensible seul sidéré soucieux soupçonneux stupéfait surexcité sur le qui-vive surpris terrifié tourmenté transi tremblant triste troublé ulcéré vexé vidé ou bien nous pouvons nous sentir d’humeur… chagrine maussade massacrante morose sombre ou encore éprouver des sentiments… d’agressivité d’appréhension d’aversion d’ennui de peur de pitié de rancœur de ressentiment
Exercice : Exprimer des sentiments
La deuxième composante de la CNV consiste à exprimer nos sentiments. En développant un vocabulaire affectif qui nous permet de décrire clairement et précisément nos émotions, nous pouvons établir plus facilement un lien avec les autres. Montrer notre vulnérabilité en exprimant nos sentiments peut contribuer à résoudre des conflits. Enfin, la CNV distingue les sentiments réels des mots décrivant des pensées, des jugements et des interprétations.
Entendre un message négatif : quatre possibilités
Lorsque quelqu’un nous adresse un message négatif, formulé verbalement ou non, nous pouvons l’accueillir de quatre manières.
Entendre un message négatif : quatre possibilités
Première possibilité : nous sentir fautif en y entendant un reproche et une critique. « Tu es l’individu le plus égoïste que j’aie jamais connu ! » nous dit une personne en colère. En choisissant de nous sentir visé, nous pourrions nous dire : « J’aurais dû être plus sensible. » Nous acceptons alors le jugement de l’autre et nous nous accablons de reproches. Cette option nous fait baisser dans notre propre estime en favorisant des sentiments de culpabilité, de honte et de dépression.
Entendre un message négatif : quatre possibilités
Deuxième possibilité : rejeter la faute sur l’autre. En réponse à la phrase ci-dessus, nous riposterions, par exemple : « Tu n’as pas le droit de dire ça ! Je suis toujours à l’écoute de tes besoins. C’est toi qui es égoïste. » Lorsque nous recevons des messages de cette façon et retournons le reproche à notre interlocuteur, nous risquons d’éprouver de la colère.
Entendre un message négatif : quatre possibilités
Troisième possibilité : porter notre attention sur nos propres sentiments et besoins. Nous répondrions alors : « Lorsque je t’entends dire que je suis l’individu le plus égoïste que tu aies jamais connu, je me sens blessé, parce que j’ai besoin que les efforts que je fais pour prendre en compte tes préférences soient reconnus. » En nous focalisant sur nos propres sentiments et besoins, nous prenons conscience du fait que notre sentiment provient d’un besoin de reconnaissance.
Entendre un message négatif : quatre possibilités
Enfin, la quatrième possibilité consiste à diriger notre attention sur les sentiments et les besoins de l’autre, tels qu’ils sont exprimés. Nous pourrions ainsi répondre par une question : « Te sens-tu blessé parce que tu aurais besoin que tes préférences soient mieux prises en compte ? »
Entendre un message négatif : quatre possibilités
Au lieu de blâmer les autres pour les sentiments que nous éprouvons, nous en acceptons la responsabilité en les reliant à nos propres besoins, désirs, attentes, valeurs ou pensées. Soulignons la différence entre les formulations suivantes d’une déception. Exemple 1 A : « Tu m’as déçu en ne venant pas hier soir. » B : « J’étais déçu que tu ne viennes pas parce que je voulais discuter de certaines choses qui me contrarient. » A rejette la responsabilité de sa déception sur le comportement de l’autre. B attribue son sentiment de déception à son propre désir inassouvi.
Entendre un message négatif : quatre possibilités
Exemple 2 A : « Ils m’ont vraiment exaspéré en annulant le contrat ! » B : « Lorsqu’ils ont annulé le contrat, j’étais exaspéré parce que je me disais que c’était une initiative totalement irresponsable. » A attribue exclusivement son exaspération au comportement de l’autre partie, tandis que B assume la responsabilité de son sentiment en reconnaissant la pensée qui l’a motivé. Il reconnaît que son irritation provient de sa désapprobation. En CNV, nous l’encouragerions cependant à faire un pas de plus, en identifiant ce qui lui manque – le besoin, le désir, l’attente, la valeur ou l’espoir qui n’a pas été comblé(e). Comme nous le verrons, plus nous sommes capables d’associer nos sentiments à nos besoins, plus il est facile pour les autres d’y répondre avec empathie. Pour relier ses sentiments à ce qu’elle voulait, la personne B aurait pu dire : « Lorsqu’ils ont annulé le contrat, j’ai été très irrité parce que j’espérais que ce serait l’occasion de reprendre les employés que nous avions licenciés l’année dernière. »
Entendre un message négatif : quatre possibilités
Le mécanisme de base de la motivation par la culpabilité consiste à attribuer la responsabilité de ses sentiments aux autres. Lorsque les parents disent : « Quand tu as de mauvaises notes à l’école, cela nous fait de la peine », ils sous-entendent que les actes de l’enfant sont la cause de leur plaisir ou de leur déplaisir. À première vue, cette attitude qui consiste à se considérer comme responsable des sentiments des autres pourrait aisément passer pour de l’affection. On peut avoir l’impression que l’enfant aime ses parents et se sent mal parce qu’ils souffrent. Mais si les enfants qui assument ce type de responsabilité modifient leur comportement en fonction des désirs de leurs parents, ils n’agissent pas spontanément, mais pour échapper à la culpabilité.
Entendre un message négatif : quatre possibilités
Il est utile d’identifier un certain nombre de tournures qui tendent à masquer la responsabilité de nos propres sentiments. 1. Emploi de pronoms démonstratifs sans antécédent (cela, ça…) « Ça me rend furieuse de voir des fautes d’orthographe dans nos plaquettes publicitaires. » « Cela m’exaspère au plus haut point. » 2. Formulations ne faisant référence qu’aux actes des autres « Quand tu ne m’appelles pas pour mon anniversaire, je suis blessé. » « Maman est déçue quand tu ne finis pas ta soupe. » 3. Emploi de l’expression « Je suis (+ émotion) parce que… » suivie du nom d’une personne ou d’un pronom personnel autre que « je » « Je suis blessé parce que tu as dit que tu ne m’aimais pas. » « Je suis en colère parce que le directeur n’a pas tenu sa promesse. »
Entendre un message négatif : quatre possibilités
Dans tous ces exemples, nous pourrions mieux prendre conscience de notre propre responsabilité en reformulant les phrases sur le modèle : « Je me sens… parce que je… » Ainsi : 1. « Je suis vraiment en colère lorsque des fautes d’orthographe comme celle-ci se glissent dans nos plaquettes publicitaires, parce que je veux que notre entreprise ait une bonne image de marque. » 2. « Je suis déçue quand tu ne finis pas ta soupe parce que je veux que tu deviennes un garçon fort et en bonne santé. » 3. « Je suis mécontent que le directeur n’ait pas tenu sa promesse parce que j’espérais prendre ce long week-end pour aller voir mon frère. »
Entendre un message négatif : quatre possibilités
Relier notre sentiment à un besoin : « Je me sens… parce que j’aimerais… »
Entendre un message négatif : quatre possibilités
Distinguer entre un acte venu du cœur et un acte motivé par la culpabilité.
Les besoins qui sont à l’origine des sentiments
Les jugements, critiques, diagnostics et interprétations portant sur les autres sont autant d’expressions détournées de nos besoins. Si quelqu’un dit : « Tu ne me comprends jamais », il nous dit en réalité que son besoin d’être compris n’est pas satisfait. De même une épouse qui déclare à son mari : « Tu rentres tard du travail tous les soirs depuis une semaine. Tu aimes plus ton travail que moi » dit en fait que son besoin d’intimité n’est pas satisfait.
Les besoins qui sont à l’origine des sentiments
Lorsque nous exprimons indirectement nos besoins en passant par des jugements, des interprétations et des images, l’autre risque d’entendre une critique. Et lorsqu’il entend quelque chose qui ressemble de près ou de loin à une critique, il a tendance à mettre toute son énergie dans l’autodéfense ou la riposte. Si notre souhait est de recevoir de l’autre une réponse empathique, il est contre-productif d’exprimer nos besoins sous forme de jugement sur son comportement. En revanche, mieux nous parviendrons à associer nos sentiments à nos besoins, mieux l’autre pourra y répondre avec empathie.
Les besoins qui sont à l’origine des sentiments
Si nous exprimons nos besoins, nous augmentons nos chances qu’ils soient satisfaits.
Les besoins qui sont à l’origine des sentiments
Je fus un jour invité en Californie du Sud comme médiateur entre des propriétaires terriens et des ouvriers agricoles immigrés, opposés dans des conflits de plus en plus vifs et violents. Au début de la réunion, je leur posai deux questions : « Quels sont vos besoins respectifs ? Et que souhaiteriez-vous demander à l’autre partie par rapport à ces besoins ? » « Le problème, c’est que ces gens-là sont racistes ! » tonna un ouvrier agricole. « Le problème, c’est que ces gens-là ne respectent pas la loi ! » rétorqua un propriétaire terrien. Comme c’est souvent le cas, ces groupes étaient plus habiles à analyser les torts des autres qu’à exprimer clairement leurs besoins
Les besoins qui sont à l’origine des sentiments
Dans une situation comparable, j’ai rencontré un groupe d’Israéliens et de Palestiniens qui souhaitaient établir une relation de confiance réciproque afin d’œuvrer pour la paix dans leur région. J’ouvris la séance avec les mêmes questions : « De quoi avez-vous besoin et que souhaiteriez-vous demander à l’autre partie par rapport à ces besoins ? » Au lieu d’énoncer clairement ses besoins, un mukhtar (maire) palestinien lança aux Israéliens : « Vous vous comportez comme une bande de nazis ! » Ce n’était certes pas ce type de déclaration qui allait lui attirer leur coopération ! Presque aussitôt, une Israélienne se leva d’un bond et répliqua : « Mukhtar, ce que vous venez de dire manque tout à fait de tact ! » Ces gens s’étaient réunis pour bâtir un rapport de confiance et travailler ensemble en harmonie, mais il avait suffi d’un échange pour envenimer la situation. C’est souvent ce qui arrive lorsque les individus sont plus habitués à critiquer les autres qu’à exprimer clairement leurs propres besoins. Dans ce cas précis, la femme aurait pu répondre au mukhtar en se focalisant sur ses besoins et en formulant une demande : « J’ai besoin de plus de respect dans notre dialogue. Au lieu de nous dire comment vous pensez que nous nous comportons, voudriez-vous nous dire ce qui, dans ce que nous faisons, vous dérange ? »
Les besoins qui sont à l’origine des sentiments
J’ai constaté à maintes reprises qu’à partir du moment où les gens parlent de leurs besoins plutôt que des torts des autres, il devient beaucoup plus facile de trouver des moyens de satisfaire tout le monde
Les besoins qui sont à l’origine des sentiments
Voici quelques-uns des besoins humains fondamentaux que nous avons tous en commun. Autonomie liberté de choisir ses rêves, ses projets de vie, ses valeurs liberté de choisir son plan d’action pour réaliser ses rêves, ses projets de vie, ses valeurs Célébration célébrer la création de la vie et les rêves réalisés célébrer le deuil des êtres chers, des ambitions déçues, etc. Intégrité authenticité créativité estime de soi recherche de sens Interdépendance acceptation amour appartenance communautaire appréciation chaleur humaine compréhension confiance contribution à l’épanouissement de la vie (exercer pleinement ses talents au service de la vie) délicatesse, tact empathie honnêteté, sincérité (la sincérité qui sert notre liberté d’action en nous permettant de tirer les leçons de nos propres limites) proximité respect sécurité (affective, matérielle, etc.) soutien Jeu amusement rire Communion spirituelle beauté harmonie inspiration ordre paix Besoins physiologiques abri air eau expression sexuelle mouvement, exercice nourriture protection contre les agents qui menacent la vie : virus, bactéries, insectes, animaux prédateurs repos toucher, contact physique
Exprimer ses besoins ou les taire : quel est le plus douloureux ?
Dans un monde où nous sommes souvent sévèrement jugés lorsque nous identifions et révélons nos besoins, cette démarche peut faire peur, surtout aux femmes, qui essuient encore plus de critiques. On entretient en effet depuis des siècles une image de la femme aimante, censée se sacrifier et renier ses besoins pour se consacrer aux autres. Or, dans la mesure où les femmes sont élevées dans l’idée que c’est là leur fonction sociale première, elles ont souvent appris à ignorer leurs propres besoins.
Exprimer ses besoins ou les taire : quel est le plus douloureux ?
Lors d’un atelier, nous discutions du sort des femmes qui intériorisent ce type de conviction. Lorsqu’elles formulent leurs désirs, elles le font souvent sur un mode qui reflète et renforce l’idée selon laquelle leurs besoins ne sont ni légitimes ni importants. Ainsi, au lieu de dire qu’elle a eu une longue journée, qu’elle est fatiguée et qu’elle a besoin d’un peu de temps à elle en soirée, une femme qui craint de demander ce dont elle a besoin pourrait se lancer dans une véritable plaidoirie : « Vous savez que je n’ai pas eu un moment à moi de toute la journée. J’ai repassé les chemises, fait les lessives de la semaine, emmené le chien chez le vétérinaire, préparé le repas et les sandwiches des enfants, appelé les voisins pour la réunion de copropriétaires, alors… (sur un ton implorant)… alors si vous vouliez bien… » La réponse ne se fait pas attendre : « Pas question ! » Sa requête larmoyante suscite davantage de résistance que d’empathie, car ses interlocuteurs ont du mal à entendre et à apprécier les besoins qui se cachent derrière ses suppliques. Et lorsqu’elle tente maladroitement de faire valoir ce qu’elle « mériterait » ou « devrait » obtenir d’eux, elle se heurte à une réaction négative. Au bout du compte, elle se trouve confortée dans l’idée que ses besoins n’ont aucune espèce d’importance, sans se rendre compte que la façon dont elle les a exprimés ne favorisait guère une réaction positive.
Exprimer ses besoins ou les taire : quel est le plus douloureux ?
Si nous n’accordons pas de valeur à nos besoins, les autres ne leur en accorderont peut-être pas davantage.
Exprimer ses besoins ou les taire : quel est le plus douloureux ?
– Je viens de prendre conscience que j’en ai voulu pendant trente-six ans à ton père parce qu’il ne comblait pas mes attentes, et je me rends compte seulement maintenant que je ne lui ai jamais dit clairement ce dont j’avais besoin.
Exprimer ses besoins ou les taire : quel est le plus douloureux ?
Nous essayâmes de comprendre pourquoi elle avait eu tant de mal à le faire. Issue d’un milieu défavorisé, elle se souvenait que, dans son enfance, lorsqu’elle demandait certaines choses, ses frères et sœurs la rabrouaient : « Tu ne devrais pas demander cela, tu sais bien que nous sommes pauvres. Il n’y a pas que toi dans la famille ! » Si bien qu’elle finit par redouter de ne s’attirer que désapprobation et jugements en formulant ses besoins.
De l’esclavage affectif à la libération affective
Avant de parvenir à un état de libération affective, nous passons généralement par trois phases dans nos rapports à l’autre. Lors de la première phase, que j’appelle l’esclavage affectif, nous sommes persuadés d’être responsables des sentiments des autres. Nous pensons devoir en permanence nous efforcer de faire plaisir à tout le monde. Si les autres paraissent mécontents, nous nous sentons responsables et obligés d’y remédier. Cette attitude peut aisément nous mener à considérer les gens qui nous sont les plus proches comme des poids.
De l’esclavage affectif à la libération affective
Première phase, l’esclavage affectif : nous nous croyons responsables des sentiments des autres.
De l’esclavage affectif à la libération affective
Au cours de la deuxième phase, nous commençons à nous rendre compte qu’il revient très cher d’endosser la responsabilité des sentiments d’autrui et d’essayer de « faire avec », quoi qu’il nous en coûte. Lorsque nous faisons le bilan et que nous voyons tout ce à côté de quoi nous sommes passés et à quel point nous nous sommes fermés à nous-mêmes, nous sentons parfois sourdre la colère. Dans cette phase, que je qualifie ironiquement d’exécrable, nous avons tendance à réagir à la souffrance de l’autre par des réflexions désagréables, telles que : « C’est ton problème ! Ce n’est tout de même pas moi qui suis responsable de ce que tu ressens ! » Nous savons ce dont nous ne sommes pas responsables, mais il nous reste à apprendre à nous comporter envers l’autre de façon responsable, en enrayant l’engrenage de l’esclavage affectif.
De l’esclavage affectif à la libération affective
Tandis que nous sortons de la phase d’esclavage affectif, nos besoins continuent de nous inspirer une certaine crainte et un sentiment de culpabilité. Il n’est donc pas surprenant que nous finissions par les exprimer sur des modes que l’autre perçoit comme rigides et péremptoires
De l’esclavage affectif à la libération affective
il ne suffit pas d’affirmer nos besoins pour parvenir à la libération affective
De l’esclavage affectif à la libération affective
Marla avait toujours été la petite fille modèle, qui s’évertuait à renier ses besoins pour satisfaire les attentes des autres. Lorsque je me suis rendu compte qu’elle étouffait souvent ses désirs pour plaire à son entourage, je lui dis combien j’aimerais l’entendre exprimer plus souvent ses besoins. La première fois que nous abordâmes ce sujet, Marla fondit en larmes : « Mais, papa, je ne veux décevoir personne ! » protesta-t-elle, désemparée. Je tentai de lui faire comprendre qu’elle offrirait aux autres un cadeau bien plus précieux en étant honnête qu’en transigeant pour éviter de les contrarier. Je lui expliquai également comment elle pouvait témoigner de l’empathie aux autres lorsqu’ils étaient contrariés, sans pour autant se sentir responsable de leurs sentiments.
De l’esclavage affectif à la libération affective
Quelque temps plus tard, je constatai qu’elle commençait à exprimer plus ouvertement ses sentiments. Je reçus un appel de son proviseur, qui avait visiblement été perturbé par un échange avec Marla, arrivée au lycée en salopette. « Marla, lui avait-il dit, ce n’est pas une tenue pour une jeune fille ! » Marla avait réagi au quart de tour : « Je vous emmerde ! » La nouvelle me réjouit : Marla venait de passer de l’esclavage affectif à la phase exécrable ! Elle apprenait à exprimer ses besoins et à s’exposer au mécontentement des autres. Il lui fallait certes encore apprendre à affirmer ses besoins sereinement et en respectant ceux des autres, mais j’étais convaincu que cela viendrait en son temps.
De l’esclavage affectif à la libération affective
Lors de la troisième phase, dite de libération affective, nous réagissons aux besoins des autres uniquement par bienveillance et jamais par crainte, culpabilité ou honte. Nos actes nous satisfont donc autant qu’ils satisfont ceux qui reçoivent le fruit de nos efforts. Nous prenons la totale responsabilité de nos intentions et de nos actes, mais pas celle des sentiments des autres. À ce stade, nous sommes conscients que nous ne pouvons en aucun cas assouvir nos propres besoins au détriment de l’autre. La libération affective consiste à exposer clairement ce que nous voulons, tout en montrant que nous tenons aussi à ce que les besoins des autres soient satisfaits. La CNV nous aide à établir une relation à ce niveau.
De l’esclavage affectif à la libération affective
Les jugements, critiques, diagnostics et interprétations portant sur les autres sont autant d’expressions détournées de nos propres besoins et valeurs. Lorsque l’autre entend une critique, il a tendance à mettre toute son énergie à se défendre ou à contre-attaquer. Mieux nous parvenons à associer nos sentiments à nos besoins, mieux l’autre peut y répondre avec empathie.
La CNV en pratique
En apprenant à assumer la responsabilité de nos sentiments, nous passons généralement par trois phases : 1. l’esclavage affectif – où nous nous croyons responsables des sentiments des autres ; 2. la phase exécrable – où nous refusons d’admettre que les sentiments et les besoins des autres nous importent ; 3. la libération affective – où nous assumons pleinement nos propres sentiments mais pas ceux des autres, tout en sachant que nous ne pouvons jamais satisfaire nos propres besoins au détriment de l’autre.