La volonté de changer

Livre de Bell Hooks sur le Féminisme

Highlights

La volonté de changer

 pour beaucoup d’hommes, le féminisme est une affaire de  femmes, bell hooks s’attelle ici à démontrer le contraire. La culture  patriarcale, pour fabriquer de « vrais hommes», exige d’eux un  sacrifice. Malgré les avantages et le rôle de premier choix dont ils  bénéficient, ces derniers doivent se faire violence et violenter leurs  proches pour devenir des dominants, mutilant par là-même leur  vie affective

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Il faudra une révolution des valeurs pour mettre  fin à la violence masculine dans notre pays, et cette  révolution sera nécessairement fondée sur une éthique de l’amour

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 Lorsque  nous aimons la masculinité, nous prodiguons notre  amour indépendamment du fait que les hommes  jouent leur rôle ou non. En effet, jouer son rôle  est une chose différente du simple fait d’être ce  qu’on est

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Aimer la  masculinité est une chose différente du fait de féli­  citer et gratifier les hommes qui se conforment aux  standards sexistes de l’identité masculine.

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La culture patriarcale ne permet pas aux  hommes d’être simplement ce qu’ils sont, et de se  prévaloir de leur identité unique. Leur valeur est tou­  jours déterminée par ce qu’ils font. Dans une culture  antipatriarcale, les hommes n’ont pas à prouver leur  valeur et leur utilité. Ils savent dès leur naissance que  le simple fait d’exister leur donne une valeur, le droit  d’être chéris et aimés.

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Aucun homme ne parvient à se hisser à la  hauteur des standards patriarcaux sans s’engager de  manière permanente à pratiquer la trahison de soi.

  1. COMPRENDRE LE PATRIARCAT

La plupart des hommes ne pensent jamais au  patriarcat - à ce que cela signifie, à la manière dont  il est produit et maintenu. Beaucoup d’hommes  dans notre pays ne seraient d’ailleurs pas capables  d’épeler ce mot ou de le prononcer correctement. Le mot «patriarcat» ne fait tout simplement pas  partie de ce qu’ils disent et pensent dans une  journée normale. Les hommes qui l’ont entendu et  le connaissent l’associent généralement au mouve­  ment de libération des femmes, au féminisme, et le  rejettent donc comme n’ayant aucun rapport avec  leur propre expérience.

  1. COMPRENDRE LE PATRIARCAT

Le patriarcat est la maladie sociale la plus dange­  reuse pour le corps et l’esprit masculins dans notre  pays. Pourtant, la plupart des hommes n’utilisent  pas le mot «patriarcat» dans leur vie quotidienne.

  1. COMPRENDRE LE PATRIARCAT

Lorsque j’enrageais  de me voir refuser un jouet, on m’apprenait, en tant  que fille au sein d’un foyer patriarcal, que la rage  n’était pas un sentiment féminin approprié, que  non seulement je ne devais pas exprimer un tel sen­  timent, mais que je devais l’éradiquer. Lorsque mon  frère enrageait de se voir refuser un jouet, on lui  apprenait, en tant que garçon au sein d’une famille  patriarcale, que sa capacité à exprimer sa rage était  une bonne chose, mais qu’il devait considérer si  le contexte était propice au déchaînement de son  agressivité. Pour l’instant, il ne devait pas utiliser  sa rage pour s’opposer aux souhaits de ses parents,  mais plus tard, une fois adulte, on lui apprit que la  rage était permise si la violence qu’elle suscite l’aide à protéger son foyer et sa nation.

  1. COMPRENDRE LE PATRIARCAT

Nous vivions dans une région agricole, isolé-es  des autres gens. Nous avons acquis notre sens des  rôles de genre auprès de nos parents, en observant  la façon dont il et elle se comportaient.

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la plupart des gens continuent à considérer que le patriarcat est un problème qui se  pose à cause des hommes. Ce n’est tout simplement  pas le cas. Les femmes peuvent aussi bien épouser la  pensée et l’action patriarcales que les hommes.

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Évidemment, il ne nous sera pas possible de  démanteler ce système tant que nous serons collec­  tivement dans le déni à propos de son impact sur nos  vies. Le patriarcat exige la domination masculine par  tous les moyens nécessaires, c’est pourquoi il sou­  tient, encourage et tolère la violence sexiste. Or, dans  les discours publics sur la violence sexiste, c’est de  maltraitances et de viols commis par les partenaires  domestiques que nous entendons le plus souvent  parler. Mais les formes de violence patriarcale les  plus répandues sont celles que font subir les parents  patriarcaux à leurs enfants au sein du foyer. Cette  violence sert en général à renforcer un modèle de  domination où celui qui impose son autorité est  considéré comme le maître de tous ceux et celles  qui n’ont pas de pouvoir, et où il s’octroie le droit  de maintenir son règne par des pratiques d’assujet­  tissement, de subordination et de soumission.

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La culture patriarcale se maintient en empê­  chant hommes et femmes de dire la vérité sur ce  qui leur arrive au sein de leur famille. Dans notre  culture, la grande majorité des gens appliquent une  règle tacite qui exige que les secrets patriarcaux ne  soient pas diffusés, afin de protéger le règne du père. Le fait que notre culture refuse à toutes et tous un  accès facile au simple terme de «patriarcat» relève  aussi de cette règle du silence. 

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Le patriarcat exige des hommes qu’ils deviennent  et demeurent des estropiés affectifs. Dans la mesure  où ce système refuse aux hommes le plein accès à leur  libre volonté, il est difficile à tout homme, quelle que  soit sa classe sociale, de se rebeller contre le patriar­  cat, de se montrer déloyal envers le parent patriarcal,  que ce dernier soit homme ou femme.

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Souvent, dans mes conférences, lorsque  j’utilise l’expression « patriarcat capitaliste, impéria­  liste, suprémaciste blanc» pour décrire le système  politique de notre pays, le public rit. Personne n’a  jamais expliqué pourquoi il est amusant de nommer  ce système avec précision. Le rire est lui-même une  arme du terrorisme patriarcal. Il fonctionne comme  une clause de non-responsabilité, qui permet de ne  pas prendre au sérieux le sens de ce qui est nommé.

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]‘interprète ce rire comme une manière pour le public  de montrer son malaise lorsqu’on lui demande de se  rallier à une critique antipatriarcale et désobéissante.

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Les citoyen·nes de ce pays ont peur de contester  le patriarcat même s’ils et elles ne sont pas ouver­  tement conscients d’avoir peur, tant les règles du  patriarcat sont profondément ancrées dans notre  inconscient collectif. Je dis souvent au public que  si l’on faisait du porte-à-porte pour proposer aux  gens de mettre fin à la violence masculine contre les  femmes, la plupart d’entre eux apporteraient leur  soutien sans équivoque. Mais si on leur disait qu’il

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n’est possible de faire cesser la violence masculine  contre les femmes qu’en mettant fin à la domi­  nation masculine, en éradiquant le patriarcat, ils  commenceraient à hésiter, à changer de position.

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Évidemment, certains hommes patriarcaux sont des  personnes dignes de confiance, parfois même des gar­  diens bienveillants qui subviennent aux besoins des  autres, mais ils sont toujours emprisonnés dans un  système qui mine leur santé mentale. Le patriarcat favorise les troubles mentaux. Il est à l’origine des maux psychologiques qui accablent  les hommes de notre pays. Pour autant, le grand  public ne se préoccupe pas du sort des hommes.

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Les hommes sont inquiets, d’après plusieurs  exper ts conservateurs, parce que les femmes  sont allées bien au-delà de leur demande initiale  d’égalité de traitement et tentent maintenant  d’arracher aux hommes le pouvoir et le contrôle. [ … ] Voici le message sous-jacent: les hommes  sont que des eunuques, et non des hommes  ne  véritables, s’ils n’ont pas le contrôle. Les points  de vue féministe et antiféministe sont tous deux  ancrés dans cette idée particulièrement moderne  et américaine selon laquelle être un homme, c’est être aux manettes et sentir à tout moment que  l’on contrôle la situation.

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Pour  remédier réellement à la souffrance et à la crise mas­  culines, nous devons, en tant que pays, accepter de  mettre au jour cette triste réalité que le patriarcat  a toujours fait du mal aux hommes

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Au lieu de me demander pourquoi les hommes  résistent au combat des femmes pour une vie  plus libre et plus saine, j’ai commencé à me  demander ce qui retient les hommes de s’enga­  ger dans leur propre combat. Pourquoi n’ont-ils  pas cherché de réponse méthodique et raisonnée à leur situation, si ce n’est par un crescendo de  caprices incohérents? Pourquoi ne se révoltent­  ils pas devant le niveau d’exigence absurde et  insultant que notre culture leur impose lorsqu’ils  doivent faire leurs preuves? [ … ] Pourquoi les  hommes n’ont-ils pas réagi à la série de trahisons  qui a jalonné leur vie - à l’échec de leurs pères à tenir leurs promesses - par quelque chose  d’équivalent au féminisme?

Note

L’égo

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Le patriarcat psychologique est une dynamique  entre les qualités qu’on considère comme« mas­  culines » et « féminines ». Elle consiste à exalter  la moitié de nos traits humains et à dévaloriser  l’autre moitié. Hommes et femmes contribuent à ce système de valeurs torturé. Le patriarcat  psychologique est une « danse du mépris», une  forme perverse de connexion à soi, qui substitue à la véritable intimité un millefeuille complexe  de domination et de soumission, de conni­  vence et de manipulation dissimulées. C’est le  paradigme méconnu de nos relations, qui s’est  diffusé dans la civilisation occidentale généra­  tion après génération, déformant les deux sexes  et détruisant le lien passionnel qui les unit.

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La notion de patriarcat psychologique permet  de mettre en évidence le fait que les femmes sont  impliquées aussi bien que les hommes

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libérer de l’idée fausse selon laquelle les hommes  seraient l’ennemi à abattre. Pour mettre fin au  patriarcat, il nous faut remettre en question ses  manifestations tant psychologiques que concrètes  et quotidiennes

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Pour mettre fin à la souffrance masculine, pour  répondre efficacement à la crise masculine, il nous  faut nommer le problème. Nous devons non seu­  lement reconnaître que c’est le patriarcat qui pose  problème, mais aussi nous efforcer d’y mettre fin.

  1. ÊTRE UN GARÇON

De nombreux parents suivent l’une des pires  idées de la pensée sexiste et laissent pleurer leurs  bébés garçons sans les réconforte r, de peur que  le fait de trop les câliner, de trop les réconforter ,  ne les transforme en mauviettes.

  1. ÊTRE UN GARÇON

Tous les enfants, y  compris les garçons, viennent au monde avec l’envie  d’aimer et d’être aimé-es par leurs parents. Quarante  ans de recherche sur l’attachement affectif montrent  qu’en son absence, les enfants meurent ou subissent  de graves dommages affectifs

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