Un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs des voleurs et des traîtres n’est pas victime, il est complice. — George Orwell

La démocratie : l’hypocrisie nécessaire du peuple

La démocratie, souvent présentée comme l’incarnation de la liberté et de l’égalité, est en réalité profondément enracinée dans une forme d’hypocrisie collective. Elle repose sur un pacte tacite, où chacun accepte de jouer un rôle, de croire à l’illusion du pouvoir partagé, tout en sachant, au fond, que les véritables leviers de décision échappent largement à sa portée. Cette hypocrisie n’est pas un simple défaut : elle est le ciment qui maintient la société en équilibre, car sans elle, la vie collective serait insupportable.

Le peuple, en apparence souverain, délègue son pouvoir à des institutions et des représentants, tout en se plaignant de leur incompétence ou de leur corruption. Il exige des droits tout en esquivant les responsabilités qui les accompagnent. Cette hypocrisie est double : d’un côté, les citoyens feignent de contrôler un système qu’ils comprennent peu ; de l’autre, les dirigeants prétendent agir pour le bien commun, alors qu’ils servent souvent des intérêts partisans ou personnels.

Mais cette hypocrisie, loin d’être un mal absolu, est aussi une condition de la coexistence. La vérité, dans toute sa brutalité, serait invivable pour une société. Accepter pleinement les inégalités, les limites du pouvoir individuel, ou l’absurdité parfois crue de la condition humaine pourrait conduire au désespoir, à l’anarchie, ou à une paralysie collective. L’hypocrisie démocratique offre donc une illusion nécessaire, un récit partagé qui permet de maintenir un certain ordre, une certaine paix.

Sans cette hypocrisie, la vie serait peut-être plus lucide, mais aussi infiniment plus difficile. Imaginez un monde où chacun doit affronter la réalité sans filtre : un monde où les failles du pouvoir, les intérêts égoïstes et les déséquilibres seraient exposés sans concession. La coexistence deviendrait un champ de bataille permanent, car l’humain, par nature, oscille entre ses idéaux et ses instincts.

Ainsi, la démocratie, avec toutes ses contradictions, est l’expression de cette tension humaine entre le besoin de vérité et la nécessité de l’illusion. Elle est l’hypocrisie institutionnalisée, mais aussi un espace où cette hypocrisie peut être questionnée, débattue, et peut-être transcendée. Ce n’est pas un système parfait, mais c’est un miroir fidèle de ce que nous sommes : des êtres imparfaits, cherchant un équilibre fragile entre ce que nous voulons croire et ce que nous pouvons supporter.

Selon Erick Emmanuel Mbassi.

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